Chapitre 15 › Un dernier au revoir

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    Je suis resté avec Simon vingt minutes de plus, afin de rattraper notre temps perdu à discuter. Nous avons révisé un peu d'histoire, mais aussi du français. En soi, c'est un garçon très intelligent qui ne me demande pas énormément de travail à fournir. Ce qui lui fait défaut, c'est son manque d'attention et son impatience. Je n'ai toujours pas trouvé le courage de lui dire que je ne compte plus revenir, sachant que nous avons bâti un lien qui semble le stabiliser et l'inciter à aller de l'avant. J'ai peur de le blesser, qu'il soit un dommage collatéral dans mon histoire avec Vincent.

    Je ne sais pas si son grand frère lui a déjà parlé de tout ce qu'il s'était passé entre nous. Personnellement, je ne me suis pas vraiment étalé sur le sujet. C'est comme s'il lisait en moi, qu'il voyait à quel point mes sentiments sont intenses, dévorants et brûlants. Je me souviens de ce premier jour où je suis venu pour lui donner des cours particuliers. Il avait prononcé cette phrase, celle qui m'a glacé le sang jusqu'à m'en raidir l'échine.

    « Tu veux visiter la chambre de Vincent ? »

    J'ai refusé si vite qu'il a dû comprendre, à ce moment-là, à quel point j'étais instable émotionnellement. Il ne m'a plus jamais demandé si je voulais me rendre à l'étage. Pourtant, j'ai souvent imaginé à quoi pouvait ressembler sa chambre. Je la vois bleue, avec des vêtements qui jonchent le sol, surtout des débardeurs. Son lit est défait et un paquet de confiserie est sûrement ouvert n'importe comment à son pied. Sa table de nuit doit être ornée d'un ou deux verres vides qu'il aurait oublié de descendre. Son ordinateur traîne entre les draps et un grand miroir poussiéreux est accroché quelque part. Il n'y a aucun livre ni aucun objet qui pourrait insinuer qu'il est passionné par quoi que ce soit.

    Pour moi, la chambre de Vincent ressemble à une pièce en bazar. Je ne sais pas pourquoi je l'imagine ainsi. Peut-être est-ce parce qu'il n'a cessé de semer le désordre dans mon cœur.

    — Il faut que je te dise quelque chose.

    La voix de Simon me ramène à l'instant présent. Je pivote sur la chaise de bureau, ses livres de cours dans les mains que j'étais en train de ranger. Ma tête se penche légèrement sur le côté, je suis curieux de savoir ce qu'il va m'annoncer.

    — Je t'écoute.
    — L'an prochain, j'aimerais arrêter les cours à la maison et revenir à l'école.
    Un sourire étire mes lèvres. De ce que je sais, Simon n'a jamais voulu retourner dans un établissement scolaire depuis son accident.
    — Je suis vraiment content pour toi, Simon. Je suis sûr que tout va bien se passer, tu verras.
    Je me redresse afin d'aller ranger les manuels  quand le jeune homme déclare, sans attendre un aveu :
    — C'est grâce à toi.
    Je m'arrête subitement, dos à lui.
    — C'est toi qui m'as montré que, malgré les différences, j'ai aussi droit à ma place.

    Je reviens m'asseoir afin de lui faire face et nos yeux prennent contact. Je me sens comme un imposteur de lui avoir inconsciemment transmis cette force alors que je ne la ressens pas en moi.

    — Tu es la seule personne qui m'ait traité comme un égal, ajoute-t-il.
    Ces mots me touchent en plein cœur ; ils sont doux et réconfortants.
    Au moins, ça fera un Belvio que j'ai réussi à rendre heureux.
    — Je ne l'ai pas fait exprès, dis-je finalement.
    Simon pouffe, puis il recule en faisant rouler son fauteuil.
    — C'est là toute ta magie, Allan. Tu ne vois jamais le bien que tu propages. Tu le fais sans le faire exprès, souligne-t-il en imitant des guillemets avec ses doigts en prononçant la dernière phrase.

    Un demi-sourire s'affiche sur mon visage. Il ne me manquait plus que ça pour que la culpabilité s'installe sous ma peau. Comment vais-je lui annoncer que je ne viendrai plus jamais le voir ? Ma mâchoire se contracte alors que je ramasse mes affaires et rejoins la pièce à vivre aux côtés du jeune homme.

Plus fort que ça, tome 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant