Chapitre 13 › Putain d'karma

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L'ultime sonnerie du vendredi retentit. Je n'ai pas vu les trois dernières heures passer. Pour cause, c'est mon cours préféré ; celui où je peux sortir mes pinceaux et m'éclater sur un sujet. Aujourd'hui, nous devions emprunter la chaussure d'un camarade et la reproduire sur papier A3. Gabriel et moi avons évidemment fait l'échange. Il s'est retrouvé avec ma converse noire droite sur sa table tandis que j'ai opté pour l'une de ses Nike Air Force One blanche. Elles sont abîmées par l'usure, la peinture s'est effritée à certains endroits et ses semelles ont quelque peu jauni.

Nous nous levons tous dans le désordre, rangeons nos travaux et faisons la queue pour pouvoir nous laver les mains. Bien sûr, chacun récupère son soulier manquant avant de quitter la salle.

Je place la basket de mon ami devant mes yeux et m'étonne :
— Tu chausses du combien ? J'ai l'impression qu'elle est gigantesque.
— Du quarante-trois.
— Impossible ! C'est ma taille.
Je m'assieds afin de la déposer à côté de mon autre chaussure pour comparer les deux.
— C'est parce que t'es pas habitué aux grosses semelles, souligne Gabriel, amusé par mon comportement.
— Tu as sûrement raison.

Je finis par lui rendre son bien, pouffant à mon étrange curiosité. Il lui suffit de l'enfiler pour être prêt, alors que je m'attarde à faire mes lacets. Mon téléphone et celui du sportif se mettent à vibrer à l'unisson, mais il est le premier à regarder ses notifications.

— Maxence propose qu'on s'retrouve tous quelque part.

Je vérifie mes messages pendant que nous quittons l'établissement. Je constate que la plupart des membres du groupe du chalet ont aussi terminé les cours et sont aptes à faire acte de présence.

— Je ne peux pas. Roxanne et Solène m'attendent au salon de thé, dis-je.
— Celui où j'vous ai rejoint l'autre fois ?
— Mmh.
— Ça t'dérange si j'propose qu'on aille tous là-bas ?

Je hausse les épaules afin de montrer mon indifférence. Le grand brun s'empresse alors de taper un message dans la discussion de groupe et leur soumet l'idée. Mes deux amies répondent sans attendre qu'elles sont partantes pour ce plan. Nous décidons de prendre la route en direction de l'arrêt de bus qui nous mènera à destination.

Petit à petit, chacun confirme sa présence, à l'exception de Camille, qui ne fait toujours que lire les messages sans y répondre.

Ça m'angoisse.

Assis dans le bus, partageant mes écouteurs avec Gabriel, je le questionne :

— Est-ce que tu as eu des nouvelles de Camille ?
Il retire l'oreillette et son regard dévie de l'écran de son téléphone pour me scruter.
— Pourquoi tu m'demandes ça ?
— Je ne sais pas..., hésité-je. Il doit se sentir exclu, maintenant.

Ses sourcils font un bond. Le fait qu'il reporte son attention vers son portable en froissant les traits du visage me fait penser que je l'ai contrarié.

— J'm'en branle complètement, peste-t-il d'une voix morne.
— Tu ne crois pas que ta réaction est un peu trop sévère ?

Gabriel se met à m'ignorer. Un soupir m'échappe alors que je glisse mon dos dans le fond du siège, capitulant. Il se passe quelques minutes avant qu'il décide enfin à m'apporter une réponse :

— C'est lui qui m'a balancé à mon père.

Mon faciès se crispe d'incompréhension. Je ne m'attendais pas à un tel retournement de situation. Je bats des cils, comme si les mots de cette douloureuse révélation avaient menacé de me frapper.

Plus fort que ça, tome 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant