Chapitre 3 › Un si beau déguisement

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    Il est dix-neuf heures quand je frappe à la porte de chez la famille Borges, un sac à dos rempli d'affaires en plus. J'ai eu du mal à obtenir une nuit hors de la maison, ma mère n'aime pas trop que je puisse découcher, même quand il s'agit de Roxanne qu'elle connaît plutôt bien. C'est Adeline qui a, une nouvelle fois, réussi à négocier ma liberté. Bien que je sois majeur depuis la fin d'année, il est toujours difficile pour ma génitrice de me laisser voler de mes propres ailes. Peut-être qu'au fond, elle me surprotège plus qu'elle ne le devrait.

    La porte s'ouvre sur la mère de Roxanne qui affiche un sourire radieux.
    — Bonsoir, Allan ! Entre. Comment vas-tu ?
    — Bonsoir, madame Borges, dis-je, tout en m'exécutant. Je vais bien, merci. Et vous ?
    — Oh, je t'en prie, tu peux me tutoyer.
    — Vous me dites ça à chaque fois.
    — Et tu ne le fais jamais !

    Nous rions de la situation, mais l'échange coupe court lorsque Roxanne déboule des escaliers, une pince retenant une partie de sa tignasse au sommet de son crâne : l'un des côtés de sa chevelure est bouclé tandis que l'autre demeure lisse.

    Elle saisit mon poignet et râle aussitôt :
    — Maman ! Laisse-le tranquille, le pauvre.
    Alors que mon amie m'entraîne à sa suite, je me retourne un instant vers sa mère.
    — J'étais content de vous revoir, madame Borges !

    Roxanne claque la porte derrière nous et je découvre Solène assise en tailleur devant un grand miroir, mascara entre les doigts. La chambre est dans un désordre insensé, j'ai du mal à savoir où je dois poser les pieds. J'opte pour le rebord du lit, poussant les multiples vêtements pour ne pas les froisser.

    — Je ne sais pas si tu es un cliché ou si le mythe se révèle être une réalité, déclaré-je.
    — De quoi tu parles ? me questionne Roxanne.
    — De ta chambre... Une tornade est passée par là ?
    Solène ricane et me scrute à travers la glace.
    — Et encore, tu l'as jamais vue avant un date.
    Je fronce le nez.
    — Par pitié, préserve-moi de ça.
    La blonde me jette un vêtement au visage que je réceptionne, amusé par la situation.
    — Vous avez fini ? se plaint-elle.
    Elle reprend ses boucles face au miroir de sa coiffeuse.
    — Aidez-moi à trouver une tenue au lieu de vous occuper du bordel dans ma chambre !
    — Parce qu'il reste encore des vêtements dans ton armoire, là ? surenchéris-je, taquin.
    Son reflet me tire la langue et je fais de même avant de rire.

    La complicité que nous avons depuis ces derniers mois me fait un bien fou. Elle allège mon esprit et m'empêche de sombrer dans des pensées qui me font divaguer vers des idées noires. La vérité, c'est que je déteste me retrouver seul à cogiter et à pleurer dans ma chambre. J'appréhende la soirée qui s'annonce. Toutefois, ça me fait plaisir d'être avec elles. Ces moments me font parfois oublier la peine qui pèse sur mon cœur.

    Solène délaisse le miroir et se traîne sur ses genoux pour s'approcher de moi. Elle porte un pantalon noir qui moule ses jambes, bien qu'il soit plus évasé au niveau des chevilles. Elle a glissé dans celui-ci un chemisier blanc satiné, laissant les deux premiers boutons ouverts pour laisser ses multiples colliers dorés recouvrir ses clavicules.

    — Comment tu trouves mon maquillage ?

    Elle s'agenouille devant moi, ferme ses paupières et relève le menton. Je prends le temps de contempler les couleurs choisies ; un bleu électrique illumine son teint mat.

    — Il est très joli, tu es très belle.

    Ses yeux noisette s'ouvrent à nouveau sur moi et nous échangeons un sourire. Elle attache brièvement ses cheveux bruns et frisés en une queue de cheval dont la pointe frôle sa nuque, laissant quelques mèches retomber sur son visage. Ses mains s'appuient contre mes genoux lorsqu'elle se redresse. Une fois cela fait, elle me dévisage de la tête aux pieds, un sourcil arqué.

Plus fort que ça, tome 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant