Chapitre 8 › La pluie fait naître l'arc-en-ciel

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    Je reste tétanisé par ce qu'il vient de se produire. Les talons de ma mère claquent contre le bois des marches de l'escalier qu'elle monte plus vite que d'habitude. Elle ouvre la porte de ma chambre d'un geste vif. Mécontente du barouf que je fais, elle me réprimande :

    — Je peux savoir ce que tu fabriques, Allan ? On ne s'entend même plus en bas !

    Sitôt ses mots prononcés, je me redresse et me hâte de ramasser les feuilles de mes croquis étendus sur le sol. Je ne veux pas qu'elle puisse voir ce que je dessine.

    — Mon carnet est tombé, m'excusé-je.

    Ses mains se hissent sur ses hanches, ses sourcils se froncent. Elle sait pertinemment que j'ai horreur de ça, mais elle s'autorise tout de même à faire le tour de ma chambre, sans manquer de commenter le moindre détail qui la dérange.

    — Oh ! Mais qu'est-ce que c'est cette tache ? s'étonne-t-elle en voyant la flaque de tisane sur le parquet.
— Ce n'est rien, j'ai renversé ma tasse par inadvertance.
— Et tu ne l'as toujours pas nettoyée ? Tu fais n'importe quoi, Allan. Ça va faire gondoler le parquet !

    Ses remontrances m'assomment. Émotionnellement instable par ce qui vient de se passer, je ne peux m'empêcher de lui répondre sur un ton abrupt.

    — Je vais le faire. Alors c'est bon, arrête et sors de ma chambre.

Elle réplique aussitôt en me pointant du doigt, affligée par mon comportement rebelle.

— Il va falloir qu'on ait une sérieuse discussion, Allan. Je n'en peux plus de ton attitude.
Je pouffe d'ironie.
— De mon attitude ? Tu veux qu'on parle de la tienne, peut-être ?
— Je suis ta mère, c'est mon droit de...
— Ton droit de quoi, hein ? la coupé-je en haussant la voix. D'être constamment sur mon dos en me répétant toute la journée que tu aimerais que je sois différent ?

Sa bouche est grande ouverte, comme choquée par mes propos. Ses traits du visage sont crispés par l'affront que je viens de lui balancer à la figure. Tant qu'elle se rapproche de moi, les yeux plissés et l'index pointé vers mon faciès.

— Je t'interdis de me parler de cette manière, tu m'as bien comprise, Allan ? Tu dépasses les bornes. Tous les jours, je dois supporter tes sautes d'humeur, tes jérémiades et ton anxiété. Tu as tout ce que tu veux dans la vie, alors arrête de t'apitoyer sur des bêtises futiles et bouge-toi, c'est clair ?

Ma mâchoire se contracte au contact de mes dents serrées par l'acrimonie qui remplit la totalité de mon être. Nous nous regardons droit dans les yeux, attendons que l'un de nous deux abdique.

J'ai envie de tout envoyer valser, de quitter cette maison et de ne jamais y revenir. Au mieux, je pourrais aller chez mon père. Lui, au moins, il ne ferait pas attention à moi, trop occupé par ses clients. Il n'y a qu'une seule raison qui me convainc de rester ici et c'est Adeline.

Ma mère se retourne et jette un dernier coup d'œil à l'état de ma chambre. Avant de quitter la pièce, elle lance sèchement un ordre :

— Dépêche-toi de nettoyer ça.

Je m'empresse d'aller fermer la porte dès son départ. Mon dos s'appuie contre celle-ci, je respire profondément pour évacuer la rage qui me submerge. Je n'ai pas envie de pleurer, bien que ses mots m'aient blessé au plus haut point. Dans ma tête, je ne fais que hurler, jusqu'à m'époumoner.

J'ai du mal à comprendre pourquoi elle déteste autant mes émotions. Tout cela ne m'aide pas à prendre confiance en moi et à accepter ce que je qualifie comme des faiblesses. J'ai la sensation d'être né à la mauvaise période, dans la mauvaise génération. Ou pire, sur la mauvaise planète.

Plus fort que ça, tome 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant