Chapitre 17 : où Lyla entend le premier oiseau chanter

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Mardi 18 avril, plus tard

          Inspire, expire. Inspire, expire. Non, expire Lyla, pas « retiens ta respiration à cause de l'angoisse ». Inspire....

Recroquevillée sur moi-même dans le canapé, je fais tout ce que je peux pour me calmer. L'énormité de ce qu'il m'arrive est en train de me tomber dessus. J'ai l'impression de suffoquer sous un énorme oreiller qui m'écrase et m'étouffe. Je me concentre pour prendre de longues inspirations et petit à petit le calme revient. Mais jamais pour longtemps.

Au bout d'une dizaine de secondes les souvenirs de la fête de Sally envahissent mon esprit et je me noie à nouveau dedans. Je ne sais pas depuis combien de temps je suis comme ça. J'ai l'impression que ça ne va jamais s'arrêter.

Je me sens comme un animal à l'affut. Le moindre petit bruit me fait sursauter. J'ai envie de me barricader dans une forteresse, sous ma couette et sous mon lit mais d'un autre côté j'ai peur de me retrouver dans le noir, j'ai peur de me lever et qu'il surgisse de l'entrée, je crains de passer devant le miroir et de voir mon reflet. Pourtant il va falloir que je me lève : la nuit tombe. Il faut que j'aille allumer la lumière avant que l'obscurité ne soit totale.

Je fais le décompte dans ma tête : trois... deux... un... go ! Je me lève en courant, la couverture enroulée autour de moi sur mes épaules et sur ma tête. Je sautille jusqu'à l'interrupteur du salon, puis de la cuisine, du couloir et enfin de l'entrée. Je regarde la porte d'un œil inquiet.

Adam a les clés de chez moi.

Adam.

Adam.

Son nom résonne comme un écho dans ma tête. J'ai du mal à intégrer ce qu'il s'est passé. En fait non, j'ai parfaitement bien intégré mon viol. Mais je ne sais pas pourquoi je n'arrive pas à associer son nom avec. Adam mon petit-ami, pourquoi diable ferait-il une chose aussi horrible à une fille ? Pourtant je n'ai aucun doute : c'est son visage dans mon souvenir. Son visage, sa voix, sa colère.

Je crains qu'il ne rentre. Je suis vraiment, vraiment terrorisée à l'idée de me retrouver seule avec lui ; alors qu'on a parfaitement vécu ensemble deux ans sans qu'il ne me fasse de mal. C'est ce qui est le plus effrayant je trouve.

Je vérifie soigneusement que la porte est bien verrouillée, puis je glisse ma clé dans la serrure pour bloquer l'ouverture de l'autre côté. Ensuite je ferme le verrou et glisse la chaine de sécurité dans son encoche. Je ne peux pas faire plus et c'est encore insuffisant.

Et puis j'ai une illumination. Si Adam ne sait pas que je sais, il continuera sûrement à faire comme si de rien n'était. Et il n'aura pas besoin de rentrer tout de suite. Ça me laissera un peu plus de temps pour réfléchir.

Je me précipite au salon pour attraper mon téléphone, que j'avais éteint. Je tape du pied par terre le temps qu'il se rallume, nerveuse. Enfin, l'écran affiche mon code PIN, que je tape à toute vitesse. Au bout de quelques secondes à peine, les notifications arrivent. Cinq appels manqués et une dizaine de messages d'Adam. Les premiers sont des messages en majuscules pleins de colère, puis ils se transforment peu à peu en excuses et en messages mielleux. Je suis prise d'un haut-le-cœur. Espèce d'hypocrite.

Que vais-je lui dire ? Je prends quelques minutes pour réfléchir à mon mensonge. Je vais lui mentir droit dans les yeux, et ça ne sera rien comparé à tous les mensonges dont il m'a bercé ces trois dernières années. Trois ans... je suis resté trois ans avec un violeur. Super Lyla, bien joué.

Mes pensées fusent dans tous les sens. Je suis en colère. En colère contre Adam, évidement, et aussi contre moi. Mais c'est un problème pour plus tard, j'ai quelque chose d'urgent à régler pour l'instant.

La Fête de SallyWhere stories live. Discover now