Chapitre 10 : où Lyla tombe dans un guet-apens

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Dimanche 26 mars

–       Allez, poussez sur votre jambe maintenant ! Très bien.

Je repousse les mèches brunes collées sur mon front d'un geste machinal. Concentrée sur chacun de mes mouvements, je me laisse guider par la voix de Hayes. Nous sommes tous les deux dans l'un des petits studios de danse de la compagnie, en train de répéter pour notre duo, comme tous les autres danseurs d'ailleurs. Maintenant que les rôles sont attribués c'est la dernière ligne droite jusqu'à la représentation. Chacun a ses créneaux pour s'entraîner, mais pour nous c'est plus difficile de trouver le bon moment. Mon partenaire étant aussi le chorégraphe, il doit évidemment se rendre disponible pour aider le reste des danseurs. Sinon ça serait un désordre total !

Alors nous voilà, un dimanche matin, en train de danser. C'est à peu près le seul horaire où on peut être sûrs de ne pas être dérangés toutes les deux minutes par une question. Pas que Hayes ait besoin de beaucoup répéter, mais nous performons un duo alors j'ai besoin d'apprendre à me positionner. Et puis, je peux difficilement faire les portés toute seule !

Mais cette fois-ci, c'est la sonnerie de son téléphone qui nous interrompt. Il la laisse sonner sans même aller voir, pour ne pas perturber ma concentration. La règle est claire et me rappelle étrangement le collège d'ailleurs : pas de téléphone en cours. Mais la personne qui cherche à le joindre est insistante, elle rappelle une seconde fois, puis une troisième. Au bout de la quatrième, Hayes soupire :

–       Bon, je vais quand même aller voir, sinon on ne sera pas tranquille.

Je hoche la tête et reprends mes sauts, tandis qu'il se dirige vers le fond de la pièce. Je l'observe discrètement dans le miroir, curieuse. Petite-amie inquiète ou coup de fil professionnel important ? En tout cas, il fronce les sourcils et rappelle le numéro.

–       Allô papa ?

Je pouffe discrètement. C'est étrange de rentrer dans la bulle d'intimité de cet homme qui est quasiment mon supérieur dans la hiérarchie de mon travail. Il se frotte la nuque, sûrement gêné de savoir que j'entends cette conversation, tout en écoutant attentivement son interlocuteur.

–       Mais papa, je suis à deux heures de route et je répète pour mon spectacle avec l'une des danseuses ! Tu es sûr que tu ne peux pas te libérer ?

Il fronce les sourcils, contrarié. Sûrement en train de balancer entre m'abandonner ou laisser tomber son père.

–       Rhaaa, et ça ne peut vraiment pas attendre ? Ou je ne sais pas moi, appelle un voisin !

J'observe sa main qui passe encore et encore dans ses cheveux, les emmêlant un peu plus à chaque passage. J'ai arrêté de danser et j'écoute maintenant sans la moindre discrétion la conversation entre mon chorégraphe et son père. Il me lance un coup d'œil et une mimique désolée. On dirait bien qu'il n'a pas le choix. Au moins il a la décence d'être désolé, c'est trop aimable.

Je sais qu'on dirait que je suis très égoïste au premier abord, mais il faut bien se rendre compte que par rapport aux autres danseurs j'ai pris beaucoup de retard. Moi qui croyais que danser avec le chorégraphe serait un avantage, c'est tout le contraire. Enfin c'est cool sur le plan personnel, il est bien plus sympa que les autres gars de la troupe, qu'on se le dise, mais honnêtement si on continue sur cette lancée je doute vraiment d'être prête à temps.

Hayes raccroche après une dernière tentative de négociation et se tourne vers moi :

–       Bon, j'ai une bonne et une mauvaise nouvelle.

–       Si la bonne nouvelle c'est que l'entrainement est fini je vous arrête, on sait très bien tous les deux que ce n'est pas du tout une bonne nouvelle.

La Fête de SallyWhere stories live. Discover now