La Fête de Sally

Chapitre 12 : où Hélios rétablit la vérité

Lundi 3 avril

          J'ai la boule au ventre en me rendant au studio le lundi suivant. Si les quelques personnes que j'ai croisées dans les vestiaires me regardent d'un air bizarre, je n'ose même pas imaginer le reste de la troupe.

Heureusement, les sourires que m'adressent mes amis lorsque je les retrouve devant la salle me remontent aussitôt le moral. Personne n'a l'air fâché, même Elise, ce qui est plutôt inhabituel. En revanche mon regard accroche immédiatement celui d'Owen, ou plutôt de Hayes lorsque je franchis la porte. Ses yeux s'écarquillent de surprise quand il me voit, même s'il avait l'air de guetter mon arrivée. Il s'excuse auprès du danseur avec lequel il parlait et s'approche de nous à grand pas.

Elise me chuchote :

-       Il n'a pas arrêté de nous demander de tes nouvelles !

-       Logique, je lève les yeux au ciel comme si je n'étais pas surprise. Je suis sa partenaire et sa danseuse, il doit s'inquiéter de savoir si je serai prête pour la représentation ou pas.

Je n'ai pas le temps d'en dire plus.

-       Mlle Jones, me demande-t-il d'un ton sérieux, content de vous revoir. Suivez-moi s'il vous plaît.

Il m'attrape la main et m'entraîne dans un coin tranquille du studio. Une fois sûr que personne ne peut nous entendre, il se place devant moi de manière à cacher son visage et le mien. Il doit se douter que cette fouine d'Elise est capable de lire sur les lèvres. Et à juste titre je dois dire.

Son expression s'adoucit. Ce n'est plus Hayes le chorégraphe, c'est Owen, mon ami. Enfin lui ne sait pas, bien-sûr, que je le considère comme tel.

-       Comment te sens-tu ? Encore une fois, je suis désolé pour tout ce qu'il s'est passé.

Il doit se douter que je n'étais pas vraiment malade et que j'ai fait ça pour l'éviter. Ma colère s'est apaisée mais je ne peux pas résister à l'envie de me venger un peu, par pur plaisir personnel :

-       J'ai eu le temps de réfléchir, j'annonce d'un ton ferme.

Les coins de sa bouche retombent et je jubile : il croit que je vais encore le repousser. Alors il prend les devants pour ne pas m'entendre à nouveau lui demander de me laisser tranquille.

-       J'ai compris Lyla, je n'aurais pas dû-

-      J'ai eu le temps de réfléchir et je te pardonne, je le coupe avec un sourire timide, pas fière de ma réaction du week-end dernier. Tes explications étaient tout à fait acceptables. Il va me falloir un peu de temps pour te traiter comme avant mais... je ne t'en veux plus.

Je vois au fur et à mesure de mon discours son visage qui s'illumine. Il rayonne lorsque j'ai fini de parler. Littéralement, on dirait Hélios avec sa couronne de cheveux blonds et son grand sourire. Je sens qu'il meurt d'envie de me prendre dans ses bras, mais la vingtaine de paires d'yeux posée sur nous l'oblige à se retenir.

-       Attends-moi à la fin de la séance, on ira manger quelque part et je te dirai ce que je sais, chuchote-t-il en se penchant vers moi, les yeux brillants de gratitude et de soulagement.

J'acquiesce et retourne vers mes amis, qui me posent mille questions auxquelles je réponds par un signe de la main qui veut dire « je vous raconterai tout plus tard ». Le cours se déroule sans problème, si ce n'est que tout le monde remarque le regain d'énergie de notre chorégraphe et évidement, l'associe à notre petite discussion. Owen est tellement nul pour cacher ses émotions !

     Comme promis, je l'attends au pied de l'immeuble en fin de matinée. Mais c'est Elise que je vois arriver, au lieu d'Owen. La chipie ! Elle a dû comprendre que je traînais exprès pour les laisser partir et m'a eu à mon propre jeu. J'ai sous-estimé son intelligence et je vais le payer...