Chapitre 8 : où l'on trouve de drôles de fleurs

30 6 56
                                    

Samedi 18 mars, juste après

          A peine Hayes sorti, je me dépêche de connecter mon téléphone à l'enceinte. Ça va paraître un peu puéril de ma part de m'entraîner parce que l'on vient de me le rappeler cependant je ne peux pas me permettre de perdre du temps.

Je joue ma carrière sur ce spectacle, comme tous mes collègues d'ailleurs. La compétition est d'autant plus rude que l'enjeu est grand. C'est pourquoi tout le monde s'entraîne très dur, y compris moi.

Le ciel se teinte déjà de rose lorsque je regagne notre appartement. Il n'y a pas d'ascenseur dans l'immeuble donc je gravis patiemment les trois étages à pied. Adam m'a appelé tout à l'heure : il est parti en urgence chez sa mère en Alsace. Elle a fait une grosse chute et a dû être emmenée à l'hôpital par le voisin, Adam n'ayant jamais connu son père. On ne sait pas trop combien de temps il restera avec elle et on s'en fiche : le plus important est la santé de sa maman. J'espère qu'elle n'a rien de grave...

–    Qu'est-ce que... ?

Il y a un bouquet de fleurs sur le paillasson devant ma porte. Un bouquet fait de fleurs bien trop familières : ces fleurs des champs semblent avoir été cueillies dans un rêve. Mon rêve. Quand je réalise ce que cela signifie, je l'attrape et rentre dans l'appartement le plus vite possible. On ne sait jamais, peut-être qu' « il » ou « elle » m'observe. Sans surprise je trouve un petit papier plié en deux en fouillant le bouquet. Mon cœur s'affole.

« Que risques-tu à me faire confiance ? »

J'ai tout de suite su au fond de moi que ce bouquet ne venait pas d'Adam et mon instinct avait raison. Encore une fois, cette étrange personne est venue devant chez moi. Cette observation me fait frissonner. Evidement que c'est terrifiant de ne pas connaître quelqu'un qui semble avoir grandi avec vous ! Mais plus je réfléchis à cette histoire, plus j'y trouve un sens ; ou en tous cas un sentiment familier. C'est comme s'il manquait une pièce au puzzle, que personne n'y faisait attention, et que soudainement on me disait de quel côté la chercher.

Tous ces souvenirs, ces flashbacks qui me reviennent, ils ne peuvent pas complètement sortir de mon imagination, si ? Ce que je veux dire, c'est qu'il doit bien y avoir une miette de vérité dans tout ça. Et si jamais cette miette valait la peine d'être cherchée ?

J'ai entendu quelque part que les visages des gens dont on rêve sont des visages que l'on a forcément déjà vus car notre cerveau est incapable d'en inventer. Or hier je ne pouvais pas voir le vrai visage d'Owen. Comme si je l'avais oublié... Est-ce que ça pourrait être lui ? Mais comment peut-il avoir un lien avec cette histoire ? Il n'a pas gardé contact avec moi. Mais les paroles de Hayes tournent en boucle dans ma tête. Et si...

Imaginons que j'ai oublié cette personne importante de « ma vie d'avant », Owen ou pas, d'ailleurs. Cette personne pourrait alors tenter de revenir dans ma vie par une espèce de « chasse au trésor » où le trésor est fait de mes souvenirs. Mes flashbacks seraient alors des fragments de mémoire ravivés par ces petits mots.

Plusieurs questions demeurent cependant si je décide de croire cette hypothèse : qui est Sally ? Qu'a-t-il bien pu m'arriver d'assez grave pour que j'en perde la mémoire ? Qui est cette mystérieuse personne de mon passé ? Qu'est-ce qui l'empêche de venir vers moi directement ? Pourquoi voudrait-elle m'aider ?

Perdue dans mes pensées j'enlève machinalement mes chaussures et ma veste puis je me dirige comme un automate vers la cuisine pour me laver les mains. Je n'ai conscience de rien : les routines ont pris le relai pour laisser à mon cerveau tout le loisir de cogiter. On pourrait dire que je ne reprends conscience de moi-même que quand mon téléphone sonne. Tiens, qui m'appelle ? Je regarde l'écran : c'est Dallas, mon frère.

La Fête de SallyOù les histoires vivent. Découvrez maintenant