42, l'ultime réponse à la grande question sur la vie, l'Univers et le reste

6 1 4
                                    

(42) Vous voilà enfin au pied du Temple du Soleil, le fameux Torreón. Le ciel est de plus en plus sombre, il fait presque nuit désormais, et pourtant c'est tout juste la fin d'après-midi. Au pied de la citadelle depuis quelques heures, une foule bigarrée s'est massée, on entend des cris et des chants, ainsi que des tambourins, des zampoñas et des charangos. Lucy et Blythe, enthousiasmées par le rythme entraînant de cette musique rituelle, sautillent et dansent joyeusement.

Les escaliers pour accéder au Temple n'en sont plus depuis des siècles, du fait de nombreux séismes qui ont secoué la région depuis toujours. Ils ont été remplacés par un pont de cordes en macramé, ressemblant à un énorme napperon qui n'aurait pas fait tâche chez Obdulia.

Ça y est, vous parvenez à apercevoir la brebis, tout là-haut ! Enfin, vous touchez au but ! À la queue-leu-leu, vous gravissez avec prudence cette passerelle plus qu'instable, en prenant garde à ne pas glisser dans les trous de la corde tissée, et en vous agrippant fermement. Arrivés au milieu du pont, un vieil homme hirsute surgit de nulle part dans un impressionnant nuage blanchâtre.

— Pff ! Quelle imagination ! Encore un plagiaire ! grogna Sully dans sa barbe, lui qui utilise régulièrement ce genre de ruses fromagères.

Rej karutas thantaskkas ! 

— Heeeiiin ? s'exclama Urs.

— Quoiii ? s'écria Regina, perplexe.

Elle avait plus ou moins saisi qu'il s'agissait de quechua, mais elle n'avait hélas jamais étudié cette langue andine, au grand dam de ses parents. Elle déplora donc de n'être à nouveau d'aucun secours.

— Voyageurs fatigués ! Je vous attendais ! déclama l'étrange personnage échevelé, dans un style dramatique et de grands gestes, ce qui faisait voleter les manches amples de sa tunique. On aurait dit un grand corbeau prêt à prendre son envol, à la différence que sa tenue était d'un pourpre profond.

— Ah bon ? demanda Lucy, d'une candeur indéboulonnable.

Les six amis resserrèrent les rangs, autant que faire se pouvait, vu la configuration des lieux. Tito s'avança au devant de ses comparses, et prit quelques-uns de ses couteaux et dagues, prêt à viser le vieillard et d'éventuels assaillants. À son tour, Regina saisit l'une de ses louches, pendant qu'Urs, évidemment très méfiant et désireux d'en découdre, faisait tourner dans ses mains calleuses le manche de sa hache, prêt à décocher son meilleur revers lifté à la première occasion. Blythe et Lucy guettaient le bon moment pour se métamorphoser, tandis que Sully, en retrait, préparait discrètement un morceau de fromage, au cas-où.

— Décampe de là, grand-père, ou tu t'exposes au courroux de ma hache ! lança Urs. Où est la brebis ? Crache vite le morceau, ou j'te fais cracher ton dentier ! vociféra-t-il avec force, brandissant sa hache, comme s'il n'était pas déjà assez menaçant comme ça.

— Mais... bredouilla soudain Regina, ce serait pas...?

— Quoi encore !? On n'va pas y passer la nuit, si ? répliqua Tito, qui avait hâte d'en finir une bonne fois pour toutes.

— Alors, quoi ?? Qu'y a-t-il, Reg' ? urgea Urs, prêt à prodiguer ses services.

Celui-ci tâchait de se concentrer sur un point fixe et sur sa respiration, car il était peu à peu envahi par une petite crise de naupathie aiguë, malgré les feuilles de coca qu'il avait déjà utilisées. Ce n'était vraiment pas le moment idéal pour faire un malaise. Regina, elle aussi mal à l'aise à l'idée de se trouver suspendue en l'air à plusieurs mètres, hésita à partager ses pensées avec ses camarades.

Le vieux corbeau la prit de court.

— Mouhaha ! Bande de pleutres plagiocéphales ! Vous n'avez toujours pas compris qu'on vous mène en bateau, depuis le début ?

Les tribulations d'Euphrosine - Une aventure dont vous êtes un peu le héros !Where stories live. Discover now