Les tribulations d'Euphrosine - Une aventure dont vous êtes un peu le héros !

Abdomens sur Fémurs

Ils marchèrent longtemps, très longtemps dans le désert.

— Trop longtemps, à mon avis !! rouspéta Tito, l'éternel rabat-joie.

Si longtemps qu'ils perdirent la notion du temps. Pendant ce qui sembla durer plusieurs jours, au cours desquels se succédèrent de fortes bourrasques, plus sèches qu'un crachat de momie comme on dit ici, le groupe endura des tempêtes de poussière. Comme un brouillard, une purée de pois opaque, elles annihilaient tous les repères. Le nord devint le sud, les minutes devinrent des heures.

Ils ne croisèrent qu'une poignée de motards roulant à toute allure, ou occupés à réparer leur bolide, ainsi que deux ou trois voitures bariolées et couvertes d'autocollants criards, qui roulaient à tombeau ouvert et zigzaguaient entre les dunes et les rochers, laissant derrière leur passage un grand panache de poussière. Nos apprentis aventuriers se demandèrent ce qui avait bien pu les amener dans ces territoires isolés, et pourquoi ils semblaient si pressés.

Les bivouacs du groupe furent assez rudes mais Regina réussit, malgré les conditions difficiles, le vent parfois violent et les températures aux amplitudes thermiques extrêmes, à concocter de bons repas pour ses équipiers. Cela leur remonta un peu le moral, puisqu'ils avaient la vague impression de tourner en rond depuis au moins une journée.

Une de leurs haltes s'improvisa près du site archéologique aussi magnifique que renommé du Géant d'Atacama. Toutefois, de leur point de vue, ces lignes creusées et ces alignements de pierres sur le sol aride paraissaient assez abstraits. Seul Urs, le colosse des Alpes, pouvait prétendre voir que les formes ancestrales formaient un homme immense scrutant le ciel.

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Note à bênet : À ce moment précis de l'aventure, nos compères ignoraient totalement qu'ils se trouvaient à environ quinze kilomètres (soit moins d'une matinée de marche) de la petite cité de Huara, lieu de villégiature où notre amie Euphrosine demeurait, en compagnie de ses nouveaux amis Avedis et Arsenic. C'était d'ailleurs un vrai miracle qu'ils aient réussi à arriver jusque-là, étant donné les conditions climatiques et leur manque flagrant d'organisation, de stratégie et de méthode. Des notions qui sont pourtant essentielles d'après le manuel de gestion d'aventures, largement abordées dans le tome 1 pour les débutants, chapitre 1, « introduction aux bases de l'aventure ». Le but ultime de leur mission se trouvait à portée de main, mais ça semblait trop facile, ça ne pouvait pas se passer ainsi !

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La compagnie n'avait donc, contre toute attente, pas le moindre commencement d'indice qui aurait pu les aider dans leur expédition. Tout au plus, une chance insolente, jusque-là. Ils essayèrent, par dépit, de demander à un groupe de lamas qui paissait non loin, s'ils savaient quelque chose au sujet d'une brebis seule et égarée. Ceux-ci répondirent par une litanie de blatèrements, de reniflements irrités, de claquements de langue hautains et de grondements gutturaux indignés, qui laissèrent aux aventuriers peu de latitude quant à l'interprétation possible, quand bien même ils ne maîtrisaient pas leur langue. Regina tenta ensuite une séance d'aleuromancie, qui leur suggéra d'aller vers l'ouest. C'est ce qu'ils firent, sans grande conviction, pendant un moment.

Plus tard, ils croisèrent enfin un autre groupe d'humains et d'autres espèces humanoïdes, dont les membres, équipés de lourds sacs à dos, arboraient tous une mine dépitée et très fatiguée, sauf celui qui se présentait comme le chef de groupe qui semblait être un éternel optimiste. Ils s'arrêtèrent donc un moment, firent connaissance, passèrent finalement le reste de la journée et le bivouac avec les nouveaux venus. Cette pause impromptue allait rasséréner tout le monde, à n'en pas douter.

Cette compagnie, qui se faisait connaître sous l'insolite appellation d'Abdomens sur Fémurs – parce qu'ils étaient tous très gourmands –, recherchait le fameux Peuchen, une terri­fiante créature mythique venue du fond des âges.