Chapitre 11

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     - Les pirates appareillent vers nous, commandant. Ils avancent rapidement.

    - Eh bien, sous-lieutenant, je crois qu'on va devoir se battre. Faites branle-bas à l'équipage. Nous allons régler leur compte à ces flibustiers.

      - À vos ordres !

Le commandant referma salongue-vue. Le grand jour était arrivé. Il était passé par tousles grades de la marine royale ; mousse à seize ans, vigie àdix-huit, canonnier à vingt, puis quartier-maître, sous-lieutenant,capitaine de vaisseau et enfin commandant de flotte. Et voilàqu'arrivait sa première bataille navale à diriger. Son premiervrai défi.

C'était le plus jeunecommandant de flotte de toute la marine de Hurlevent. S'il voulaitêtre pris au sérieux, il devait triompher. Qui plus est, l'idéed'annihiler une flotte pirate le réjouissait particulièrement. Enbon marin au service du roi, il avait voué toute sa vie une hainesans faille aux boucaniers.

Il alla s'isolerquelques instants dans sa cabine. Il dégrafa son insigne de satunique et la regarda. Sur le métal doré étaient gravés son nomet son grade. « Orléo Beaurandal, commandant de flotte de SaMajesté le Roi de Hurlevent ». C'était le moment de prouversa valeur.

Sur le pont de lafrégate, on sonna le branle-bas de combat. L'équipage se mit àcourir dans tous les sens, chacun se précipita à son poste dans unbrouhaha typique de l'effervescence pré-bataille. Les chefscriaient des instructions aux sous-chefs qui les criaient aux autres,les gabiers montaient aux cordages pour aller s'occuper des voiles,les canonniers préparaient les mèches et les boulets.

Lors d'un engagementnaval, la première étape consiste toujours à regrouper sa flotte.Aucun navire ne doit rester isolé, sous peine d'être pris parl'ennemi. Il faut également la disposer en ligne, car un bateauqui reste derrière ses alliés risque de les toucher en tirant aucanon – la plupart du temps, dans ces conditions, il s'abstienttout simplement de tirer, ce qui réduit la force de frappe de laflotte.

Le commandant Beaurandaldonna donc l'ordre à ses goélettes de se rassembler en ligne,bord à bord, en ligne perpendiculaire à celle formée par lesnavires pirates. Les deux flottes fonçaient l'une sur l'autre.

Beaurandal tenta alorsune manœuvre difficile. Il fit d'abord hisser le perroquet defougue sur le mât arrière pour réduire la vitesse. Cette petitevoile facilement maniable permettait aux navires de freiner. Les deuxgoélettes reçurent l'ordre de faire de même. Puis il fit pivoterchaque bateau de quatre-vingt-dix degrés pour positionner leursflancs face à la ligne ennemie.

Si quelqu'un pouvaitobserver la bataille depuis le ciel, il aurait l'impression de voirles bateaux former une lettre « t » majuscule, d'où lenom de cette manœuvre : « barrer le T ».

Les bords des navires deHurlevent, robustes et bardés de canons, faisaient donc désormaisface à l'avant du premier bateau pirate. Or la proue d'une uniténavale est justement à la fois fragile et dépourvue de canon. Laligne formée par la marine royale était légèrement incurvée, cequi était encore plus avantageux. La première salve de canons étaitpour eux, et elle s'annonçait destructrice.

Le commandant Beaurandal observait tout depuis le pont avec lalongue-vue. Lorsque sa flotte fut correctement positionnée,présentant à l'ennemi ses majestueuses coques peintes auxcouleurs bleu et or de l'étendard du roi, il estima qu'il étaittemps d'ouvrir les hostilités.

     - Artillerie de sabord, êtes-vous prêts ? cria-t-il.

    - Artillerie de sabord prête ! hurla le chef canonnier.

Jungle et Pirates: La Vie d'Un Marchand À Baie-Du-ButinWhere stories live. Discover now