Chapitre 1

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Toutes inhospitalières et cruelles que soient les jungles, on trouve toujours des êtres suffisamment inconscients pour aller y bâtir des villes.

La jungle dont nous parlons ici est particulièrement redoutable. Elle contient tout ce que l'on peut attendre d'une jungle : prédateurs cachés, insectes mortels, sables mouvants, chaleur étouffante, temples maudits... Mais elle a choisi de ne pas s'arrêter là.

Dans un élan de cruauté, elle a eu la fantaisie d'accueillir en son sein quelques joyeux lurons de plus : pirates sanglants, trolls casseurs de crânes, ogres, raptors... Les aventuriers qui s'y risquent voient souvent traîner sur le sol les os des imprudents qui les ont précédés. De toutes les régions méridionales du continent, la jungle de Strangleronce est assurément la plus dangereuse.

Chaque liane peut s'avérer être un serpent camouflé qui s'enroule autour de vous pour vous briser le coup, chaque fleur peut être vénéneuse, chaque fruit mortel. Sur chaque branche une panthère peut vous guetter avant de s'abattre sur vous, sous chaque feuille peut se trouver une mygale à la piqûre fatale. Chaque recoin, chaque centimètre peut vous piquer, vous mordre, vous griffer, vous étouffer.

C'est pourtant sur ces terres impitoyables que des gobelins ont eu l'idée saugrenue de fonder Baie-Du-Butin. Cachée derrière de hautes falaises qui la protègent des créatures de la jungle, cette puissante cité marchande qui se dresse avec arrogance face à l'océan a réalisé l'impossible : s'établir et croître avec succès dans un environnement aussi hostile que Strangleronce.

Lieu incontournable d'importation et d'exportation vers Kalimdor, Baie-Du-Butin défie commercialement les plus grandes capitales. Se moquant des conflits et des alliances, ne s'occupant que de faire fructifier ses affaires, elle prospère en temps de paix comme en temps de guerre. Cette réussite impressionnante est largement due à la mainmise totale du Cartel Gentepression sur la ville.

C'est dans cette cité que se trouvait la boutique de Mauzzag. Elle n'était pas particulièrement bien placée, coincée dans un passage marchand peu visible sous une grande passerelle en bois. Le bruit de la grande cascade située derrière lui dérangeait certains clients, et l'on préférait bien souvent se rendre à l'Ancienne Capitainerie, où l'on trouvait des produits en plus grand nombre et de meilleure qualité.

On avait beau être en début d'automne, dans un climat tropical comme celui de Strangleronce, la chaleur humide de l'après-midi pouvait vite devenir insupportable. Mauzzag attendait donc péniblement qu'un client passe devant son étal. Il sortit une petite montre à gousset de fabrication gnome.

« Voilà, cela fait six, grommela-t-il. Six heures que je n'ai pas eu un seul client. Comme hier. Et avant-hier. »

Malgré sa mauvaise humeur, il devait bien reconnaître qu'il avait la chance d'être à l'ombre. La grande passerelle en bois au-dessus de sa tête avait au moins cet avantage.

Les clients avaient délaissé l'étal de Mauzzag depuis bien longtemps. Les journées infructueuses se succédaient, il lui arrivait de ne pas vendre un seul produit au cours de la semaine. Il devait vivre sur ses réserves.

Il y a quelques années, il était un marchand incontournable à Baie-Du-Butin. Il vendait des jouets fabriqués à Forgefer, qu'il obtenait par l'intermédiaire d'un ami gnome. Les cinq tables d'exposition qu'il avait disposées suffisaient à peine à contenir tous ses produits. Elles resplendissaient d'objets extraordinaires, pourvus d'astucieux mécanismes qui leur permettaient de se mouvoir.

Grâce à une série d'engrenages imbriqués les uns dans les autres, qui tournaient et cliquetaient par on ne sait quel miracle d'ingéniosité, figurines et animaux miniatures se déplaçaient d'un bout à l'autre de son étal sous les yeux ébahis des passants.

Jungle et Pirates: La Vie d'Un Marchand À Baie-Du-ButinWhere stories live. Discover now