Chapitre 4

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Au fond de sa petite cabine, Otilia se réveilla. Le sol en bois mouillé était particulièrement désagréable, et elle n'aimait pas le balancement provoqué par la houle. Heureusement, le bateau était ancré à quelques pas du rivage, ce qui atténuait le mouvement. Si le navire avait été en haute mer, filant vers l'horizon et heurtant les vagues en plein fouet, Otilia n'aurait pu empêcher le contenu de ses intestins de se faire la malle.

Elle observa le verrou qui scellait la porte. Il était trapu et robuste. Aucune chance de le forcer à mains nues. Elle tâta son bassin et ses jambes pour voir s'il ne restait pas quelque chose, une petite dague, un coutelas... Rien. Son ceinturon, ses poches et ses petits fourreaux cachés étaient vides. lls avaient tout pris.

Cela faisait bien une heure qu'elle s'était réveillée dans cette salle. Sa douleur au dos indiquait qu'elle avait passé plusieurs heures allongée sur le sol.

Les événements de la veille lui revinrent progressivement en mémoire. Dix. Ils lui étaient tombés dessus à dix, les foutus lâches. Des hommes, des orcs, des gobelins. Krus Kiskuss là, bien entendu. Il les commandait. Alors qu'elle était à terre, il avait dit à l'un d'eux de sortir son couteau et de...

Elle posa sa main sur son oreille gauche, et ressentit une vive douleur. Elle était coupée. Elle ne l'avait pas rêvé, c'était bien arrivé. Krus Kiskuss ri, puis avait ramassé le bout d'oreille tombé au sol. « Je le garderai dans une petite boîte pour ne pas t'oublier, avait-il dit en souriant de toutes ses dents sales. C'est tout ce qu'il restera de toi, bientôt. Ou peut-être que je le donnerai à manger aux cochons, je ne sais pas. Allez, bon courage avec les pirates ! Ah ah... ».

L'ordure. Il le paierait.

La seule faille dans cette prison flottante se situait sur le mur face à la porte. Une partie du bois était grignotée et affaiblie. Peut-être qu'elle céderait à quelques coups de pieds bien placés.

Après réflexion, Otilia abandonna cette idée. Elle ne savait pas où elle se situait par rapport à la ligne de flottaison du navire. Si la partie endommagée du mur était immergée, la briser serait une erreur fatale. L'eau s'engouffrerait et elle mourrait noyée.

Elle colla son oreille sur le mur. Peut-être qu'un vrai marin saurait deviner si cette faille se trouvait au-dessus de l'eau. Peut-être qu'en analysant le bruit, le mouvement, ou bien tout simplement en ayant l'habitude de l'agencement des cales de bateau, un matelot aguerri pourrait localiser la surface de l'eau depuis cette cabine et déterminer où elle se trouvait par rapport à la ligne de flottaison.

Mais elle n'était pas matelote. Elle était terriblement malade en bateau, et s'était juré de les éviter le plus possible.

Pourtant, elle avait toujours admiré les vieux loups de mer dont elle lisait les aventures dans les romans de pirates quand elle était petite. Ses scènes préférées étaient celles où le capitaine donnait des ordres à son équipage pour manœuvrer le navire. Hissez la misaine ! Redressez le hauban ! Hé dis-donc, moussaillon, que fais-tu là à tirer au flanc ? Les cordages sont mal noués, refais ce nœud de huit et attache cette corde en nœud de cabestan ! Du nerf !

Elle aurait aimé commander un équipage. Seulement voilà, elle avait le mal de mer. Puisque visiblement la mer la détestait, elle avait décidé de la détester en retour. Elle détestait la plage, les bateaux, l'eau salée, les vagues, les poissons et les fruits de mer, auxquels elle était de toute façon allergique.

Des bruits de pas la tirèrent de ses réflexions. Une clé se glissa dans un cadenas, le verrou s'ouvrit. Un homme entra avec une miche de pain. Édenté, petit, maigrichon, la barbe sale et désordonnée et la tête couverte d'un bandana rouge, il ne lui manquait que le cache-œil noir pour parfaire le stéréotype du sous-fifre pirate.

Jungle et Pirates: La Vie d'Un Marchand À Baie-Du-ButinWhere stories live. Discover now