Épilogue - Paul

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« I'm far from good, it's true But still I find you Next to me »
Je suis loin d'être bon, c'est vrai. Mais je te retrouve quand même À côté de moi

Next to Me — Imagine Dragons

Deuxans plus tard

— Ne souris pas, me gronde-t-elle.

­— Pourquoi tu tiens tant à ce que je fasse la tronche sur cette photo ?

Elle baisse son appareil photo et lève les yeux au ciel en soupirant. Je la vois marmonner, mais ne peux pas l'entendre d'où je suis, je me mords la joue pour retenir mon envie de rire.

— Ne souris pas, m'ordonne-t-elle à nouveau.

­— Pourquoi ?

— Pour que ce soit comme on l'avait imaginé.

Je regarde autour de moi, cet endroit est magnifique. Quand elle m'a avoué ne pas être venue ici, au Macchu Picchu , je me suis senti soulagé qu'elle n'ait pas été déçue et heureux qu'elle n'ait pas pu le faire sans moi.

­— Tu l'avais imaginé comme ça, Fall... Pas moi.

— Tu es têtu ! me gronde-t-elle à nouveau.

— Tiens donc... Et toi, non ? demandé-je moqueur.

— Pas trop. En tout cas pas autant que toi.

— Tu ne vis pas avec toi-même ! me moqué-je.

Fallen baisse son appareil et le laisse pendre à son cou. Elle ferme les yeux et inspire profondément. C'est ce qu'elle fait quand je l'énerve, mais heureusement ça n'arrive pas souvent.

Nous sommes venus ici pour nos premières véritables vacances. Entre mes examens pour devenir officiellement éducateur et son activité, nous n'avons pas eu la possibilité de voyager. Fallen est à présent professeure à domicile et en parallèle, elle accompagne des phobiques sociaux et scolaires. Elle se déplace chez eux et les aide à s'exprimer à travers la musique. Son travail lui plaît, mais ce sont ses heures de bénévolat qui l'épanouissent réellement.

Elle remonte les grandes marches et me rejoint sur la murette. Nous ne parlons pas et contemplons la magnifique vue qui se présente devant nous... je me sens tout petit, insignifiant. Je me suis toujours senti comme ça, sauf avec elle. Avec elle, j'ai toujours l'impression d'être important.

— Dis, Fall.

— Hmmm ? marmonne-t-elle sans détacher ses yeux du panorama.

— T'aimes bien quand on se dispute comme ça ?

— On ne se dispute pas là, me corrige-t-elle, on se chamaille. Eh oui, j'aime beaucoup. Tu me pousses à bout parfois, mais c'est une aventure de tous les jours, ajoute-t-elle de façon théâtrale.

— Ça te dirait pas, genre qu'on le fasse pour toujours ?

­— C'est plus ou moins ce que j'avais prévu de faire, oui.

Mes yeux se révulsent. Elle a vraiment besoin d'un dessin. En même temps, mec... t'as pas la manière de présenter les choses. Ouais... pas faux !

— Je veux dire, est-ce que tu voudrais le faire officiellement ?

Sa tête pivote si vite que je me demande comment elle ne s'est pas rompu le cou.

— Tu me demandes quoi là ?

­— Tu le sais... râlé-je.

— Ah...

Ah ? Juste « Ah » ? Elle va me rendre dingue.

— Tu veux m'épouser ? demandé-je un peu agacé.

— Non, me dit-elle un sourire aux lèvres.

— Non ?

Je m'éloigne d'elle et la scrute, cherchant à trouver où est la blague.

— Non, confirme-t-elle. Améliore ta demande, fais quelques essais devant un miroir et retente une prochaine fois.

— T'es sérieuse ?

— Non, me répond-elle en éclatant de rire.

Elle me rend chèvre. Qu'est-ce qu'elle veut dire, oui, elle le veut ou non, elle ne le veut pas ?

— Stop ! m'exclamé-je. Je comprends plus rien. Tu veux m'épouser ou pas putain ?

— Putain, oui que je le veux !

Le sérieux dans sa voix ne m'échappe pas et je suis sûr que cette fois, elle ne me fait pas marcher. Je sors de ma poche, une petite boîte. T'aurais dû la sortir avant, je crois. Normalement, tu sors la bague et là tu fais ta demande, se moque ma voix intérieure. Je la fais taire, prends le plus délicatement possible le petit anneau et le place au doigt de Fall. Je n'avais rien préparé, mais je me décide à améliorer un peu cette demande qui était bidon jusqu'à présent.

— Je t'aime Fall...

Mes yeux se perdent dans le bleu des siens.

— On se chamaille, reprends-je. On s'agace souvent et parfois je te pousse même à bout, mais tu es toujours là, les nuits où je me réveille en sueur, les matins où je me lève avec l'impression de ne pas mériter ce que j'ai...

Je marque une pause parce que j'aurais tant à lui dire, mais que je n'aurais pas assez d'une vie pour le faire.

— Et il y a ces jours où je suis à nouveau en colère contre le monde entier... Dans tous ces moments-là, tu me soutiens, me réconfortes, me consoles. Tu ne me lâches pas, jamais. Et je suis tombé, ouais.

Ses yeux s'humidifient. Et putain, elle et moi on en a chié pour en arriver là.

— Je me suis écrasé comme une merde, mais je n'ai jamais été aussi heureux de ma vie. Alors, je voudrais tomber chaque jour, si tu le veux bien ?

Elle ne dit rien et les larmes roulent sur ses joues. Elle descend du muret et vient se placer entre mes jambes.

— Je t'aime, Paul. Merci... De m'avoir laissée partir.

Je sais de quoi elle parle, on évoque rarement ce passage de notre histoire, cette parenthèse. On s'est juste accordé pour dire que c'était la meilleure décision pour nous deux, en tant que personne, mais aussi en tant que couple. Aujourd'hui, je peux l'aimer correctement et elle aussi.

— Et oui, je veux continuer à me chamailler avec toi. Je veux continuer à t'épauler et je veux que tu continues à me booster quand je doute de moi. Je passerai le reste ma vie à t'aimer, Paul.

Elle scelle sa promesse du plus doux des baisers. Autour de nous, les gens se mettent à applaudir, je n'y fais même pas gaffe parce qu'aucun d'eux ne sait ce que nous avons traversé, elle et moi.

Je me fais la promesse de la rendre heureuse chaque jour. Je ne la lâcherai jamais.

Et après la chute ? Il y aura Fall... il y aura toujours Fall.

After the fallOù les histoires vivent. Découvrez maintenant