Chapitre 2 - Fallen

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"And if life is pain, then I buried mine a long time ago, but it's still alive"

Et si la vie n'est que peine, alors j'ai enterré la mienne il y a déjà bien longtemps, mais elle est toujours là

Paralized — NF

Je m'apprête à quitter mon appartement quand mon téléphone sonne. Un coup d'œil me confirme que c'est maman. À cette heure-ci, c'est toujours elle. Pas un jour sans un appel, pas une minute de retard, même si son inquiétude est compréhensible, elle est parfois étouffante. Malgré tout, je décroche.

— Maman ? dis-je faussement enjouée.

— Comment va ma fille ?

— Bien, mens-je.

Il m'est impossible de lui dire la vérité. Elle espère que tout est derrière moi depuis un an, mais pour dire vrai, les démons ne sont jamais loin.

— Tu rentres quand ?

Tous les soirs, la même conversation. Comment vas-tu ? Quand rentres-tu ? Et inévitablement ça finit en sermon ou en dispute. Enfin, je ne me dispute jamais. Je ne sais pas faire, j'obéis et considère les autres avant de penser à moi. Alors, bien trop souvent, je capitule.

— Bientôt, maman.

— Tu me dis ça chaque jour, s'agace-t-elle.

— C'est promis.

C'est faux. Si elle me voyait, elle saurait.

— Maman, je suis désolée, mais j'ai un rendez-vous.

— Tu t'es fait de nouveaux amis ? s'excite-t-elle.

— Bien sûr, oui.

Des amis ? Pour quoi faire ? Les amis ne servent qu'à planter des couteaux dans le dos. Plus tôt les gens le comprendront, mieux ils se porteront.

— Je te laisse alors, amuse-toi bien.

La joie dans sa voix ne passe pas inaperçue. Je m'en veux de lui mentir, mais si je lui disais la vérité, elle me ramènerait en Bretagne. Et ça, c'est hors de question. Je l'embrasse avant de raccrocher.

Un coup d'œil dans le miroir et me voilà prête à sortir. Je fixe intensément la poignée de la porte, priant pour qu'un miracle la bloque et m'empêche ainsi de sortir. Je tire dessus et, à ma plus grande déception, elle s'ouvre. Avant de passer le seuil, une dernière vérification me confirme que mes cachets sont bien là. Une petite plaquette d'anxiolytiques que je refuse de toucher, mais dont je ne peux me séparer. Courage, Fallen, rien ne va arriver. Tu vas sortir, te rendre au centre et ce soir, tu seras de retour. Rien ne t'arrivera. J'enfonce les écouteurs dans mes oreilles et lance un morceau entraînant, bien que la chanson soit assez négative. Je connais les paroles et les chanter en boucle dans ma tête me permettra de ne pas voir le trajet passer, de ne pas réfléchir. Voilà mon problème, j'analyse tout. Chaque danger éventuel, pour la plupart imaginaire, chaque personne et leur potentialité à me faire du mal, je n'ai confiance en rien ni en personne.

Je quitte l'immeuble, la main agrippée à mon sac. Si ça ne tenait qu'à moi, j'aurais déjà un de ces cachets sous la langue, mais je ne veux pas de cette faiblesse. Devenir dépendante de ce faux sentiment de sécurité.

Le trajet est rapide, malgré la distance qui me sépare du centre. Les transports ne sont pas une option. Ils déclencheraient forcément une crise et je me retrouverais à rebrousser chemin. Cette option n'est même pas envisageable.

J'arrive enfin à la bonne adresse et lève la tête pour observer le centre. Il ressemble à une ancienne église ou à un ancien temple. Des escaliers en pierre mènent à de grandes portes en bois ouvertes. Je monte les marches et entre pour me retrouver devant l'accueil. Une jeune femme trifouille dans ses papiers et ne semble pas m'avoir remarquée. Je ramène mes cheveux sur le devant du visage et baisse au maximum mon pull large. Il fait chaud aujourd'hui, mais sortir sans ce camouflage, je ne peux pas. J'attends que la jeune femme me regarde, mais elle ne relève pas la tête. Un coup d'œil autour de moi me permet découvrir qu'un gars est assis sur les sièges à ma gauche. Le nez dans son téléphone, il a l'air de se foutre d'être là. Je détourne rapidement le visage. Il faut qu'elle me voie vite. Je me racle la gorge, mais elle ne semble pas m'entendre. Je devrais peut-être juste faire demi-tour et rentrer. Peut-être est-ce un signe pour me dire : « retourne chez toi Fall' personne ne veut de toi. ». Oui, c'est sans doute ça. Je joue nerveusement avec mes ongles, partagée entre le courage et la crainte de rester.

After the fallOù les histoires vivent. Découvrez maintenant