Chapitre 7 › Les sonneries du passé

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— Oui.
— Raconte-moi c'qu'il t'a dit.
— Je suis fatigué, soupiré-je.
— Désolé. Il faut qu'je sache pour qu'on passe à autre chose demain.

Je réfléchis un instant. L'idée que toute cette histoire ne soit qu'un mauvais souvenir au levé du jour m'attraye. Je suis comme ça ; j'aime que les problèmes soient vite réglés, parce qu'ils m'angoissent. Du coup, j'inspire longuement et entame, étape par étape, les faits qui se sont déroulés dans mon conflit avec Camille, jusqu'à ma rencontre avec Logan. Je ne dissimule rien, aucun mot ni même aucun geste, aussi bruts et douloureux qu'ils aient pu être.

Je marque parfois un temps de pause entre mes phrases. Mais ça, c'est juste parce que le bout de mon nez se réchauffe en sentant venir les émotions fortes. Gabriel reste impassible, silencieux comme une pierre. À la fin, il s'excuse encore une fois de m'avoir en quelque sorte obligé de revivre ce traumatisme en le lui racontant. Puis, comme il le fait toujours, il éteint la lumière et me souhaite de bien dormir.

Tout semblait être comme d'habitude. À l'exception de ses doigts qui, cette nuit-là, sont restés dans mes boucles et m'ont bercé jusqu'à ce que je m'endorme.

*

Je suis rentré assez tôt pour ne pas abuser de l'hospitalité de la famille Thorel, et ça, même s'ils ont l'habitude de me voir, comme ils le disent. Devant moi, le père de Gabriel est un homme plutôt sympathique, toujours habillé d'un costume et d'une cravate, à l'instar du mien. Sa mère est d'une douceur sans nom, mais elle est clairement soumise à son mari. Je ne l'ai jamais entendu prendre une décision d'elle-même, ni même exprimer une opinion.

Ce que je sais, c'est qu'elle achète toujours les aliments que j'adore manger et que son fils unique déteste. Par exemple, de la truite fumée. Un soir, on avait un petit creux avec le sportif et, en fouillant dans le frigo, nous en avions trouvé. Contrairement à moi, lui a grimacé. Pendant que mon ami se faisait des œufs brouillés, moi, je mangeais des petites tartines de pain beurré recouvertes de truite tranchée en petits bouts. Depuis, il y a toujours un paquet disponible pour moi lorsque je suis chez eux. Ce souvenir apporte de la joie dans mon corps, c'est un de mes meilleurs souvenirs.

Je suis passé chercher mon sac chez Roxanne avant de regagner la maison. Elle dormait encore, pas étonnant vu l'heure à laquelle elle m'a envoyé un message pour me dire qu'elles étaient bien rentrées. Nonna, quant à elle, était déjà levée et installée devant la télévision à regarder son téléfilm du dimanche, une tasse de thé à la main. Elle a rapidement compris que j'étais fatigué et m'a laissé aller me recoucher au moins une heure.

Depuis, je n'ai pas quitté ma chambre. Installé à mon bureau, je griffonne des croquis en avance pour les cours. Mon carnet est rempli de divers portraits, paysages et objets qui ont attisé ma curiosité. Il est composé de choses lambdas, comme les fameuses coupes de fruits, à l'église non loin de chez-moi, jusqu'aux traits d'Adeline quand elle s'endort dans son fauteuil après le dîner.

Mais ce que je dessine aujourd'hui n'est autre que mon reflet que j'ai trouvé dans le miroir de la salle de bains de Gabriel en rentrant de la fête. J'appuie sur mon crayon à papier pour tracer de grands traits noirs et épais sur mes yeux, afin de représenter ma vue floue. Ou peut-être parce que j'ai détesté ce que j'ai vu, au point où mon cerveau s'abandonne tout bonnement au déni.

Ma tête est soutenue dans ma paume, mes écouteurs dans mes oreilles passent ma playlist au niveau sonore le plus fort.

« I'm crying in my car
For the fourth time today
Told my friends things were better
But that was yesterday »*

Plus fort que ça, tome 2Where stories live. Discover now