Chapitre 4 › Échec et Match

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Un violent frisson me traverse l'échine. Ce n'est pas dû à la poigne de Gabriel qui relâche son emprise sur mon épiderme, mais au regard foudroyant que me lance Camille, appuyé contre l'évier.

    Je baisse aussitôt les yeux, n'osant pas l'affronter. Nos relations se sont relativement détériorées depuis que l'athlète et moi sommes devenus complices. Je ne suis pas censé le savoir, mais notre amitié a mené Camille à plusieurs crises de jalousie à mon sujet. Je ne pense pas que la proximité que j'ai avec Gabriel soit son plus gros problème, c'est plutôt le fait qu'il ne peut pas lui poser d'ultimatum. Je suis le seul à être au courant des penchants de Camille qui, pour le moment, reste dans le placard et semble ne pas vouloir en sortir.

    À ce jour, il doit me détester.

    Ce dernier se redresse de son appui et contourne le groupe afin de quitter la pièce, ne manquant pas de me bousculer de son épaule. Ce geste me fait vaciller, mais je me rattrape à la table haute.

    C'est certain, il me déteste.

    Gabriel, qui, pourtant est pris dans une conversation, m'envoie un regard qui me fait comprendre son mécontentement quant au comportement de Camille. Je devine qu'il ira toucher deux mots à son amant plus tard, me laissant l'horrible responsabilité d'être une nouvelle fois source de discorde.

    Ils ne s'adressent que très rarement des démonstrations d'affection en public, même s'il s'agit de simples gestes d'amitié. Ces deux garçons sont tous deux effrayés à l'idée que leur entourage apprenne qu'ils sont gays.

    J'ai très souvent culpabilisé de faire du mal à Camille par inadvertance durant ces derniers mois. À maintes reprises, je me suis éloigné de Gabriel afin de ne pas lui apporter de problème. Mais c'était plus fort que moi, je l'appelais dès que j'angoissais. Nous partageons les mêmes bancs à la fac, nous nous voyons tous les week-ends ; parfois, on se balade en ville, parfois, on traîne dans sa chambre. Épisodiquement, on se fait une soirée cinéma ou des parties de jeux de société dans mon salon.

    Grâce à sa présence, j'ai réussi à tenir le coup concernant la fac. J'étais prêt à abandonner dès le premier mois. J'ai toujours aimé dessiner, mais ce qu'on nous demande est vraiment très intense. Ma chambre est devenue un atelier bordélique. Je dois tellement à Gabriel que je ne saurais pas par où commencer pour lui rendre la pareille.

    Je suis intimement convaincu que mes crises se sont considérablement calmées parce qu'il est continuellement auprès de moi pour me recentrer si je viens à m'égarer. Que ce soit dans les couloirs, pendant les cours, à l'arrêt de bus, entre midi, durant les pauses cigarette...

    Gabriel est toujours là. Il veille sur moi, telle une bonne étoile.
— Je t'ai pris une bière.
Le sportif me tend un gobelet à la surface mousseuse.
— Aromatisée à la framboise ?
— Goûte et tu verras.

    Nous échangeons un coup d'œil. Un rictus est coincé sur ses lèvres alors que je saisis la boisson, amenant celle-ci à ma bouche. Le goût de la framboise pétillante se répand sur mes papilles, et je ne peux m'empêcher de récupérer la mousse d'un coup de langue.

— Tu me connais bien.
Nous partageons un rire spontané quand l'un des membres de son équipe, à l'autre bout de la pièce, s'adresse à moi :
— Eh, Allan ! Alors, quand est-ce que tu viens nous voir jouer ?

Ses camarades consentissent à sa demande. Il arrive que j'accompagne Gabriel lors de ses entraînements, un livre en guise de compagnie. J'ai découvert que j'appréciais plutôt bien l'ambiance calme de ces séances, avec pour seul fond les joueurs concentrés sur leur tâche. Cependant, je n'ai jamais assisté à l'un de leurs matchs. Les gradins bondés de monde, ce n'est pas vraiment de mon ressort.

Plus fort que ça, tome 2Where stories live. Discover now