16.➰

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Les deux hommes m'escortent dans des tunnels lugubres et très mal éclairés, mais suffisamment pour que je parvienne à distinguer des barreaux en métal qui se succèdent.
Hors de question que je finisse mes jours ici, il faut absolument que je trouve un moyen de me casser de cet endroit affreusement sinistre et cafardeux.
Bon pas de panique, il doit forcément y avoir une solution, réfléchis Tess, réfléchis.

Nous nous arrêtons devant une cellule en tout point similaire aux dizaines d'autres présentes dans ces couloirs.
Le traître en chef sort un trousseau de clés et ouvre la porte.
Il n'a toujours pas osé me regarder dans les yeux. Est-ce parce qu'il a trop honte ou parce que je suis une personne méprisable à ses yeux ?
Une Chasseuse d'Ombres illégitime.
Née d'une union interdite.

L'armoire à glace, c'est ainsi que j'ai renommé le type qui me ceinture le bras depuis tout à l'heure, me pousse violemment à l'intérieur de ma cellule.
Ils s'attendaient sûrement à ce que je m'écroule de tout mon long sur la roche dure et froide, seulement je me rattrape de justesse sur mes pieds et fait volte-face pour foncer droit sur mes deux tortionnaires.
Malheureusement l'armoire à glace ferme la porte juste à temps.
Je donne un coup d'épaule dans les barreaux et leur lâche avant qu'ils s'éloignent :

- C'est pas terminé, Enfoirés ! Criais-je en redonnant de nouveau un coup d'épaule, plus violent cette fois, dans les barreaux en métal.
Si je continue comme ça je vais être couverte de bleus.

Je me laisse glisser le long d'un des murs jusqu'à ce que mes fesses touchent le sol et je tente de faire le point sur ma situation.
J'ai été enlevée puis enfermée par une personne que je pensais être digne de confiance, ce qui est rare, ma mère a disparu et je n'ai aucune idée de comment me sortir de ce pétrin, la routine quoi.
Je savais que ce week-end allait être merdique.

Bon première étape me libérer de mes menottes, je fais passer celles-ci le long de mon dos, derrière mes jambes, les passent derrière mes pieds et les ramènent vers moi.
Je cherche dans ma queue de cheval haute une des épingles qui retiennent certaines de mes mèches rebelles.
Avec, je trifouille la serrure de mes menottes est au bout d'à peine quelques secondes, j'entends un léger clic m'indiquant le déverrouillage de celles-ci.
Je les enlève et les jette sans ménagement sur le sol, puis je me masse doucement les poignets où les menottes ont laissées d'assez grosses marques rouges.
Ils les ont trop serrés ces abrutis.

J'examine ma cellule du regard, sombre sans aucune fenêtre, donc aucun autre échappatoire, une couchette en bois très rudimentaire, bon en même temps je me doutais bien qu'il n'allait pas sortir le grand jeu pour ma venue. N'empêche j'ai déjà mal au dos rien que de m'imaginer dormir dessus.
Un semblant de toilettes se trouve dans un coin de la pièce avec un minuscule lavabo, bon c'est déjà ça de gagné.

Je jette un regard à mon bras droit, l'Iratze est toujours là, bien que légèrement plus terne, comment la personne qui m'a sauvée a pu me faire ça ? Pourquoi ne pas m'avoir dénoncé dès le début ?
En tout cas j'ai appris une leçon, la prochaine fois je devrais faire preuve d'une plus grande méfiance, s'il y a une prochaine fois.
Avec cette histoire larmoyante sur ma grand-mère, c'est clair qu'il aurait pu embobiner n'importe qui, peut-être que c'est justement sa famille à lui qui a précipité sa chute.

Bon fini de se lamenter sur son sort, il ne faut surtout pas que je me ramollisse ou pire, que je déprime.
Je me relève, déterminée, me met en position et commence ma première série de pompes.

Épuisée par ma séance de sport, je m'allonge sur la couchette en bois et m'endort d'un sommeil agité où se mêle trahison, course poursuite et fête étudiante, un mélange assez atypique en effet.

Je suis réveillée en sursaut par un cliquetis de clés et une serrure en train d'être déverrouiller.
J'ai toujours eu le sommeil extrêmement léger, ce qui d'habitude avec le boucan que ma mère fait chaque matin est un handicap, mais aujourd'hui il devient un avantage si on peut dire.
Je tourne la tête et ce que j'aperçois achève de me mettre sur les nerfs, l'homme qui déverrouille la cellule n'est autre qu'Alec. On ne peut pas nier une chose c'est qu'il a du culot.

- Debout là-dedans ! Aboit-il d'une voix que je ne reconnais pas, elle est autoritaire, brutale, rien à voir avec celle calme et posée à laquelle je suis accoutumé.
Son visage, quant à lui est fermé, impassible, ses yeux océaniques ne transmettent plus aucune émotion.
C'est dingue, je suis mélancolique d'une personne qui n'a jamais existé.

Je me lève lentement histoire de bien le faire poireauter, c'est pathétique mais bon on se raccroche à ce que l'on peut, les mains toujours attachées dans le dos.
Je les ais rattachées hier soir avant de me coucher, ce qu'Alec ignore c'est qu'il me suffit d'un seul mouvement de mon poignet pour qu'elles se détachent.

Il se tient droit devant la porte, il m'attend.
En avançant vers lui, je ne cesse de le fusiller du regard, c'est inutile mais ça me décharge d'une partie de ma douleur.
C'est terriblement facile de rejeter sa faute sur les autres, il faut que j'assume les conséquences de mon manque de jugement.

Quand j'arrive à sa hauteur, il me saisit le bras et me force à avancer.
Qu'est-ce qu'ils me veulent cette fois ? Je précise "Ils" parce que l'homme à la cicatrice n'est surement pas seul.
Ils n'en ont pas eu assez hier ? Pourquoi ils ne me laissent pas moisir dans ma cellule ?
Je m'aperçois que le chemin que nous empruntons est le même que celui d'hier, nous retournons à la salle d'interrogatoire, mais pourquoi ?

On m'installe de nouveau sur cette chaise en métal rouillée les mains dans le dos, le même garde se poste devant la porte et l'homme à la balafre fait son entrée.
Je suis sûre que ce n'est rien de plus qu'un haut dignitaire qui pète bien plus haut que son cul, il n'y a qu'a voir la façon dont il marche pour s'en rendre compte, le torse bombé, l'air hautain.
Alec se poste de nouveau en retrait dans l'ombre, il est constamment dans l'ombre de quelqu'un.

Je vois que l'homme à la balafre a apporté une stèle avec lui, il s'approche lentement de moi, je commence à légèrement m'agiter sur ma chaise, je n'aime pas ça.
Il attrape mon bras droit, là où se trouve mon Iratze et il dit d'une voix sombre :

- Tu es une Chasseuse d'Ombre illégitime, tu ne mérites en aucun cas cette rune.

Il commence à faire glisser la stèle au-dessus de ma rune, la douleur est tellement vive que j'ai de violents vertiges et je sens mes forces me quitter.
Qu'est-ce qu'il est en train de me faire putain !
La douleur redouble et cette fois je ne peux m'empêcher de laisser échapper un long gémissement de douleur.

Je comprend enfin alors ce qu'il est en train de faire, il me retire mon unique rune qui était mon seul signe d'appartenance aux Chasseurs d'Ombres. Communauté dont j'aurais aimé faire partie dans d'autres circonstances.
Je ressens ce que ma grand-mère a du endurer quand on lui a retirer toutes ces runes, comment a-t-elle pu survivre à ça ?
Non seulement elle a perdu ses pouvoirs, mais aussi sa famille et sa communauté, c'est une douleur bien pire que n'importe quel supplice.

Le manoirWhere stories live. Discover now