Chapitre 16 : Faire ce qu'il faut

6 1 6
                                    

Avertissement : usage de langage grossier et abusif vers la fin de l'histoire.

Gwendoline attend, figée comme une statue à quelques mètres de moi, que je lui accorde ne serait-ce qu'une seconde d'attention ; quand je détache mon regard de l'escalier, elle franchit ces mètres à une rapidité surhumaine, se penche vers moi, et voilà son visage en face du mien, ses yeux dans mes yeux. Nous sommes si près que je peux observer le moindre détail de ses pupilles bleu acier, et voir tous les pores fins de son visage. Je pourrais sentir sa respiration, chaude et humide, sur mon visage - si du moins, elle était capable de respirer.

Je recule d'un pas.

C'est instinctif. Oui, c'est ça ; un instinct de survie. Elle est littéralement mortelle. Je peux sentir ma sueur - froide - descendre le long de mon dos. Je transpire davantage maintenant que je ne le faisais lors de cette longue, impossible, escalade. Ses yeux sont toujours fixés dans les miens, et les tiennent même en otage - elle peut voir ma réaction, ma peur. Ses lèvres s'écartent alors pour former une grimace menaçante, dévoilant au passage sa dentition... particulière. Serait-elle en train de sourire ? Je suis incapable de le dire. Mais quelque chose dans ses yeux m'alerte ; je dois me méfier d'elle.

"Pas la peine de jouer au timide", me lance-t-elle avec une joie forcée, artificielle.

Elle ne se rapproche pourtant pas de moi, respectant une certaine distance de sécurité, comme si elle cherchait à me mettre en confiance. Une partie de moi veut lui rire au nez - elle aura beau essayer, jamais je n'y arriverais.

L'autre suceur de sang, en revanche ? Il avait l'air plus humain, d'une certaine façon. J'ai envie de lui parler, et de l'interroger sur le Comte - lui me dira peut-être la vérité. Je me tourne vers l'endroit où j'ai, pour la dernière fois, observé la silhouette du surfer, mais il a disparu sans laisser de traces.

"Melvin ne nous accompagnera pas jusqu'à ta chambre, ricane Gwendoline.

- Et pourquoi ?" rétorque-je, tendue.

La voix aigüe et fausse de la jeune fille me met mal à l'aise. Sa présence, même, me met mal à l'aise. Je ne veux pas être seule avec elle. Mais on dirait que je n'ai pas le choix :

"Il n'a pas les faveurs du maître, me répond-elle. Il ne peut pas se déplacer partout où il veut dans le manoir - pas comme moi ou... toi. Si tu fais ce qu'il faut, bien sûr."

Là, sa voix se fait moins mielleuse, et plus coupante. Une ombre passe sur son visage. Depuis le début de cette aventure, j'ai appris ma leçon : je ne tirerai pas de conclusion hâtive, tant que je n'aurais pas tous les fais, à l'instar de mon détective favori. Aller trop vite a eu, la dernière fois, de lourdes conséquences. Pourtant, je ne peux m'empêcher de penser que, première chose, je dois me méfier de Gwendoline, et que, deuxièmement, les deux vampires ne s'apprécient guère. Si j'ai raison, je pourrais glaner beaucoup d'informations - si seulement je m'y prends bien. Mettons ça de côté un instant, car autre chose m'interpelle dans le discours de Gwendoline ; "si je fais ce qu'il faut" signifie que le Comte attend quelque chose de moi - je ne risque donc pas de rentrer ou même de rester sous la garde totale d'Annabelle. C'est une mauvaise, une très mauvaise nouvelle même. Que veut-il donc de moi ?

Je m'empresse de le demander à la vampire, en essayant toutefois de maîtriser mes émotions, que je sens bouillonner tout au fond de moi.

"Hmmm. Et que me faut-il faire ?

- Détends-toi. Tout ce qu'il veut de toi, pour l'instant, c'est que tu me suives sans faire d'histoires jusqu'à ta chambre." dit-elle.

Pour l'instant, hmmm...

Perdue dans les contesWhere stories live. Discover now