Chapitre 5 : Le petit déjeuner

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Je dévale les marches de l'escalier. Je croise mon père, en train de charger ses valises dans la voiture - il prend le temps de me faire un bisous sur le front, que j'accepte à peine, puis le voilà parti. Une fois dans la cuisine, je suis surprise de retrouver Anaëlle déjà réveillée, en train de manger ses céréales bio. Elle avait fait, je me souviens bien, tout un caprice à Rosaline pour en acheter, mais à voir son visage grimacer à chaque bouchée, j'en conclus qu'elle regrette ses supplications. En même temps, le muesli aux fruits à l'air particulièrement dégoutant. Elle mâche péniblement les céréales, et chaque bouchée semble plus bruyante que l'autre.

Je dois la regarder étrangement, car elle lève les yeux sur moi, et m'examine avec attention. Je ne sais pas comment réagir - il n'y a pas longtemps, elle m'a poussé par terre. Certes, ce n'était pas vraiment elle, mais le personnage de la méchante sœur. Pourtant, je ne sais pas comment agir. Je détourne mon regard du sien.

Je la salue d'un coup de tête, elle me réponds en faisant la même chose. Ce qui est bien, avec elle, c'est que je n'ai pas besoin d'échanger le moindre mot. C'est reposant. Elle attrape la boîte de céréale et la secoue, pour me demander, je suppose, si je souhaite en manger aussi. J'hésite, puis hausse les épaules. Ce ne serait pas une mauvaise idée de goûter ces trucs, non ? Je hoche tranquillement la tête, attrape un bol. C'est ce que je disais, pas besoin d'un seul mot... Les céréales, sont tout compte fait, délicieux - juste compliqué à mastiquer.

Je comprends pourquoi Anaëlle mâche aussi fort.

Je relève la tête - elle me regarde avec insistance.

"Oui ? demande-je.

- Tu es... Bizarre. Il se passe quelque chose de spécial ?

- Non, pourquoi ?

- Tu as l'air... joviale."

Elle ne rajoute rien, moi non plus. Je baisse les yeux, et essaie de contrôler mes expressions faciales. Elle est très intuitive, plus que je ne le pensais. Mais comme aujourd'hui, rien n'est susceptible de me mettre de mauvaise humeur, je parviens à l'ignorer - elle, et ses regards insistants - sans trop de souci. Soudainement, Louise sors de la chambre de Rosaline avec cette dernière, les deux portant la même longue (et hideuse) robe bleus à paillettes. "Ça alors, elles sont assorties..." je pense en mon fort intérieur, amusée. Avant que je puisse avaler le reste de ma bouchée de céréale, Anaëlle se met à ricaner hystériquement.

Je ne sais pas pourquoi elles portent ses robes - je dois avouer que je n'écoute pas tout le flot de parole que Rosaline s'amuse à déverser par jour et que Louise s'amuse à répéter. Peut-être suis-je méchante, mais elles n'ont pas leur place ici - c'est la maison de ma mère, pas la leur - si bien que je ne fais rien pour les accueillir. Au mieux, je les ignore.

Je pousse un soupir.

Leur présence me stresse et je sens que cette matinée ne sera pas aussi douce et agréable que ce que je m'imaginais. Je me surprends à croiser les doigts sous la table, et à prier pour que ces deux-là ne gâche pas ma joie.

"Je n'arrive pas à croire qu'on vous fasse porter ces robes ! Je n'ai rien vu d'aussi laids, s'esclaffe Anaëlle, en pointant les deux autres du doigt.

- Tais-toi" réponds sa sœur, furieuse.

Rosaline ne dit rien, mais essaie tant bien que mal d'ajuster la tenue de sa cadette. Je me souviens alors qu'elles sont, toues les trois, censés partir pour le mariage de l'horrible tante Annabelle. Ce mariage sera, si je me souviens bien, son sixième. J'aurais juré qu'elle avait déjà eu un mariage extravagant, il y a six mois à peine, pourtant...

Perdue dans les contesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant