Chapitre 4 : Fini, le conte Des anguilles que le Goupil déroba aux marchands

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Je m'avance vers le coffre, et prends quelques secondes pour le regarder. J'ai l'impression de tellement l'avoir étudié que serais capable de le reproduire - pourtant je n'avais pas encore conscience de son existence hier matin. Je respire un instant, nerveuse. Je ne doute pas du Maître Renard - s'il m'a emmené jusqu'ici, il sera capable d'ouvrir le coffre. Mais... Est-ce vraiment ce dont j'ai envie ?


La voix, celle qui m'avait parlé dans l'après-midi retentit à mes oreilles. "Qu'attends-tu ? Les réponses à tes questions sont dans ce coffre, alors ouvre-le !". Je n'aime pas cette voix, je ne lui fait pas confiance. Mais comment pourrais-je lui dire non ? Je suis trop près du but pour abandonner. Je balaie les doutes hors de mon esprit. Oui, je suis trop près du doute pour me poser des questions maintenant. Beaucoup s'est passé en si peu - pour une fois, je vais agir avant de réfléchir. J'ouvre le coffre avec aise, en crochetant la serrure avec génie, comme si j'avais passé ma vie à faire ce genre de choses. Mais n'est-ce pas le cas ? Après tout, je suis encore dans la peau du Maître Renard - lui qui est un sacré filou n'en est pas à son premier cambriolage. Voilà. Les secrets de mon père sont révélés à mes yeux. Beaucoup de papiers, beaucoup que je ne comprends guère.

Des papiers officiels. Des papiers pour les impôts. Des lettres venant de ma grand-mère maternelle. Des lettres, plusieurs, adressées à ma mère. Elle n'a sûrement jamais pu les lire.  Mais je remarque une lettre d'une capitale importance, parmi toutes celles qui m'indiffèrent. Ce document parmi les autres m'appelle. 

Je le prends, l'examine. Il s'agit d'une lettre de ma mère. Elle date de quelques semaines.

Je le savait. Depuis tout ce temps, alors que je m'inquiétais de ne pas avoir de nouvelles, alors que je le suppliais de me donner n'importe quelles informations, alors que je n'arrêtais pas de téléphoner, ou d'envoyer des lettres, il savait. Je n'aurais cru dire ça de me mon père ; c'est un menteur. Un sale, vile menteur. N'est-ce pas le renard, plutôt que le loup, qui ment dans les contes ? Involontairement, je montre les dents - je retiens à temps un grognement de colère.

A la place de crier, je me concentre sur la lettre - la seule raison pour laquelle je me trouve ici. Je cherche à l'ouvrir mais je remarque que mes sens de renard diminue - adieu l'odorat, ou même mon audition extraordinaire. Le conte est-il déjà fini ? Mais je ne suis pas encore enfui ! Que faire ? J'ai encore besoin du Maître Renard...

Je range avec précipitation la lettre dans l'élastique de mon bas de pyjama, et la recouvre de mon haut. Si on venait à me surprendre, on ne suspecterait pas la lettre de se trouver là. Je referme le coffre, rangeant les papiers au millimètre près où je les ait trouvés. Et avançant comme un voleur dans la nuit, je tente de ressortir par la fenêtre où je suis venue. Mais, au bout de quelques secondes, je m'arrête. Agir oui, mais pas stupidement ; mes pouvoirs ont presque tous disparus, alors mieux vaut, par prudence, fermer la fenêtre et sortir par la porte du bureau - je n'ose pas penser à ce qu'il se passerait, si je perdais mes pouvoirs au milieu de ma corde de fortune. Je fais demi-tour.

Je rejoins la porte du bureau sur la pointe des pieds, mes oreilles tendues au maximum - je ne sais pas comment je parviens à l'ouvrir ou la refermer silencieusement, elle qui grince, mais, j'y parviens et me glisse dans la cuisine. Merci, Goupil ! Je pousse un soupir de satisfaction.

Je me glisse dans le salon, puis dans la cuisine. Je suis une super espionne, c'est sûr. Mes pouvoirs ont tous disparus, à présent, mais ce n'est pas grave. Mission réussie, je suppose !

Soudain, au moment où je m'apprête à sortir de la cuisine, les lumières de la pièce s'allument. J'ai parlé trop vite. Sous la lumière blanche de la cuisine, j'ai l'impression d'être un criminel qui a déclenché l'alarme - et quand je pense que je n'ai plus la ruse du Renard... Que vais-je faire ? Je me retourne lentement et tombe nez à nez avec...

Perdue dans les contesWhere stories live. Discover now