Chapitre 3 : Un retour à la normale temporaire

16 2 2
                                    

J'entends la voiture de mon père se garer dans l'allée au moment même où je me précipite pour grimper une à une à une les marches de l'escalier. Le temps que j'atteigne ma chambre, il est déjà entré dans la maison, seul. D'habitude, il prend le temps d'aller chercher mes belles-sœurs dans leurs écoles respectives - quelque chose a changé dans sa routine, et je n'aime pas trop ça.

J'entends ses pas, d'abord traîner lentement jusque dans la cuisine du bas - bon sang que cette maison est mal isolée - puis, soudainement, je l'entends faire demi-tour et monter à son tour les marches de l'escalier, un pas après l'autre. Anxieuse, je l'entends ce diriger vers moi, à pas de loup. Je reste planter au milieu de la pièce et, sans réfléchir, attrape le livre de conte, qui traîne nonchalamment sur mon bureau - il est fermé, à présent - pour le lancer sous mon lit, alors que la porte de ma chambre, dont les gonds grincent horriblement, s'ouvre lentement.

"Te voilà ! Je te pensais en bas, en train de regarder la télé..." me dit-il avec douceur.

Je le regarde un instant avec stupéfaction. Le voilà devant moi. Cela faisait longtemps que je ne l'avais pas regarder droit dans les yeux. Ses cheveux sont plus gris que dans mes souvenirs, et ses yeux semblent anormalement fatigué. Il semble surpris mais aussi étrangement inquiet. Que se passe-t-il ? Que dois-je répondre ? Alors que je cherche une réponse, il s'avance rapidement vers moi, m'attrape dans ses bras, et me soulève, telle une princesse, pour me remettre dans mon lit.

Comme quand j'étais plus jeune, il me borde dans les couvertures de mon lit, et m'embrasse sur le front. J'avais rarement été au centre de son attention, cette dernière année, alors ça me laisse un sentiment d'inconfort léger, mais je ne dis rien et me laisse bercer par les quelques mots qu'il daigne aujourd'hui m'adresser.

"Et voilà, ma belle ! Si tu es malade, il te faut rester dans ton lit, pas bouger partout... C'est moi, ou tu t'es amusé à rangé de fond en comble la maison ?" murmure-t-il à mon oreille.

Je cherche à répondre, à lui dire la vérité. Peut-être devrais-je mentionner le livre ? Je sens sa présence, sous le lit, impatient que je l'ouvre de nouveau. Impatient que je fasse appel, d'une façon ou d'une autre à ses pouvoirs. Mais je sens aussi que le livre m'interdit de tout révéler à mon géniteur ; dès que l'idée de tout lui révéler vient à mon esprit, ma bouche s'assèche, et je ne peux plus ouvrir la bouche.

"Dors un peu, ma fille" soupire mon père.

Il se lève, et se dirige vers la porte. Avant de sortir, il jette un dernier coup d'œil en ma direction. Il semble triste. Je ne sais pas pourquoi. Je n'ai pas la force de lui demander. Au moment où la porte se referme, je vais soudainement mieux. Je peux de nouveau bouger, ou parler, et ma bouche redevient suffisamment humide. Mon intuition me souffle que c'est la magie du livre qui m'a empêché de le prévenir. Oui, ce livre est magique. Il n'y a pas d'autres explications.

Chaque fois que je referme les yeux, ce n'est pas le livre, cependant, qui le vient à l'esprit, c'est coffre secret de mon père. Que me cache-t-il ? Puis-je lui faire confiance ? Je n'ai jamais osé penser ça, mais... Et s'il avait fait quelque chose à Maman... S'il savait plus que ce qu'il laisse paraître ?

Je secoue me tête. Je n'ai pas le temps de considérer ce genre d'hypothèse. D'abord, ma priorité est le livre.

Je me précipite en dehors de mon lit, repoussant les couvertures avec vigueur. Je me baisse ensuite, pour récupérer le livre. Je tâte le parquet en chêne, un peu à gauche, un peu à droite. Puis, je sens le cuir du cuivre. Un décharge électrique parcoure mon corps. Un sourire sinistre se fige sur mon visage, cependant que je ressors le livre de sous le lit.

Perdue dans les contesМесто, где живут истории. Откройте их для себя