Chapitre 8 : Confrontation

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Mince.

Mince, mince, mince.

Que faire ? Elle hurle, d'accord, mais est-ce une bonne chose ? Est-ce que mon plan... Non, je ne dois pas penser au plan. Ce n'était pas le plan, c'était autre chose. C'était beaucoup plus grave. L'espace d'un instant, j'ai perdu le contrôle de mon corps, le contrôle de ma magie. Ma magie ? Oui, ce n'était pas celle du livre. Enfin, je crois. Tout est encore mélangé dans mon esprit, si seulement j'avais le temps de réfléchir...

Mais je n'ai pas le temps. Il me faut un plan - un nouveau, un meilleur, un génial ! J'entrouvre la porte, qui s'amuse à grincer le plus fort possible - la seule raison qui me pousse à à détester les vieilles maisons c'est que c'est impossible d'être discrète. Rosaline a fini de hurler, et il est impossible qu'elle n'ait pas entendu les gémissements de cette vieille et fichue porte en bois.

Pour être honnête, je ne sais pas comment réagir. Je ne sais pas comment la situation a pu dégénéré à ce point - ça, ce n'était pas mon plan, surtout pas. Je n'aurai jamais, jamais, jamais osé faire autant de dégâts. Mais qu'est-ce qui m'a pris bon sang !

J'examine ma chambre, à l'aide de quelque chose - quoi que soit , vraiment - capable de me sauver de la mouise. Je pense au livre, mais étrangement, il reste bien silencieux. Un peu comme si lui aussi voulait se faire discret. Je fonce vers lui, l'attrape. Je veux le feuilleter, mais les pages refusent de bouger. Il reste fermé. "Alors il ne veut vraiment pas m'aider cette fois ?" pense-je. Est-ce le prix à payer, quand j'utilise sa magie ? Non, ça ne doit pas être ça. Il y a trop de questions, de possibilités, et pas assez de temps pour examiner les circonstances, ou pour établir des hypothèses. Je suis, pour ainsi dire, coincée.

"Lully, je te SOMME de descendre, en bas, immédiatement" aboie Rosaline, sans me donner de le temps de réfléchir à une porte de sortie.

Je plaque mes deux mains devant ma bouche, pour m'empêcher de dire "Pléonasme" et de m'enfoncer encore un peu plus dans le bourbier d'ennui que je me suis créée, et je sors de ma chambre, dépitée. Je referme la porte, qui grince de nouveau - cette sale traîtresse. Puis, le temps de marcher le long du couloir, le sinistre frisson qui m'avait envahi précédemment revient me chatouiller le dos,  tel un mauvais esprit vengeur, et je sens un rictus délétère se figer sur mon visage, d'habitude si calme. Chaque pas que je fais semble décupler des émotions que je m'étais jusque-là efforcée de garder en moi, et dès lors que j'arrive au niveau de la cage d'escalier, je sens mes cheveux bouclés s'agiter sous l'effet d'un vent magique. Le mien.

Pourtant, mon esprit est vide. Je n'arrive plus à penser.

Rosaline, elle, se trouve tout en bas, et adopte une figure de guerrière ; les jambes écartées, le regard farouche, les sourcils froncés et la bouche pincée. Elle ne semble pas tellement surprise de me trouver dans cet état. Anaëlle, elle, a les cheveux en bataille - sûrement à cause de la tempête qu'elles ont toutes les trois dû braver avant d'entrer dans notre demeure - mais surtout, elle semble complétement terrifiée par la vision qu'elle a de moi, si bien que je regrette presque de m'être mise dans cet état. Louise est assise par terre, la bouche ouverte. Elle semble sous le choc. Je ne prononce aucun mot, et laisse Rosaline s'exprimer, ce qu'elle fait d'une voix étrangement calme, et déterminée.

"Je le savais. Tu as déjà développé tes satanés pouvoirs.

- Alors tu es au courant pour mes pouvoirs ?"

Ma voix semble distordue, comme si il ne s'agissait plus vraiment de ma voix. Je sens mes pieds s'élever vers le plafond, et je me retrouve suspendue dans le vide, grâce à je-ne-sais-quelle force. Je commence légèrement à paniquer, mais cette émotion se fait rapidement submergée par la puissante colère que je ressens depuis un moment déjà. Instinctivement, je tends un bras vers Rosaline, qui tressaille. Elle semble désormais effrayée, pourtant, elle ne change pas de position, et reste camper sur ses deux pieds. "Je devrais arrêter, là. Je vais trop loin" pense-je sans pour autant baisser mon bras. Le vent, qui semble sortir de mon corps, s'engouffre dans la pièce, et tente de faire tomber Rosaline. Pour être plus exact - et plus sincère - je tente de faire tomber Rosaline même si rien n'y fait, elle ne bouge pas d'un pouce. Anaëlle attrape Louise, et elles fuient dans la cuisine, ensemble. Alors, c'était ça que je voulais faire depuis le début ? Chasser violemment Rosaline et sa famille de notre maison ? Non, ça ne peut pas être ça - ça ne doit pas être ça !

Perdue dans les contesWhere stories live. Discover now