5. Intra-muros - partie 1

Depuis le début
                                    

7 h, allumage ;

8 h, panier petit déjeuner ;

9 h, promenade ;

10 h, première épreuve de faveurs (présence d'Achille Moreau) ;

13 h, temps libre en cellule ;

14 h, groupe de parole ;

16 h, TIG ;

18 h, repas ;

19 h, temps libre en cellule ;

21 h, extinction des lumières.

JOUR 3

7 h, allumage ;

8 h, panier petit déjeuner ;

9 h, promenade ;

10 h, premier procès (présence d'Achille Moreau) ;

12 h, repas ;

13 h, temps libre en cellule ;

14 h, groupe de parole ;

16 h, TIG ;

18 h, repas ;

19 h, temps libre en cellule ;

21 h, extinction des lumières.

Comme elle, les autres détenus se plongèrent dans la lecture de ce planning. Les plus rapides relevèrent la tête les premiers, l'air circonspect. Edmée attendit patiemment que tout le monde termine.

— Est-ce que vous avez des questions ?

Au début personne ne se manifesta. Irène retourna la feuille pour voir s'il y avait un verso et constatant que ce n'était pas le cas, leva la main. Pas moins de quatre autres détenus l'imitèrent à plus ou moins une seconde prés. Edmée lui donna la priorité d'un simple geste de la main.

— Pourquoi il n'y a que les trois premiers jours ?

— Les plannings seront faits et donnés au fur et à mesure.

— Pourquoi ?

— Pour que la production puisse adapter les emplois du temps en fonction de la progression du jeu. D'autres questions ?

À son ton péremptoire, Irène comprit qu'Edmée n'avait pas l'intention de s'étendre davantage sur les ficelles de l'émission. Les producteurs se gardaient le droit de modifier les règles à tout moment. Pour les téléspectateurs, cela devait être plaisant de ne pas savoir à quoi s'attendre, mais pour Irène, c'était une source supplémentaire d'incertitude.

— Qu'est-ce que l'épreuve de faveurs ? demanda Enzo.

Irène hocha la tête. Bonne question. Pourtant, c'était étrange. Irène connaissait les règles du jeu. Pourquoi ne se souvenait-elle pas de ça ? Il y avait décidément beaucoup de trous dans sa tête.

— Avant chaque procès, vous devrez affronter une épreuve qui vous opposera les uns aux autres. Les meilleurs obtiendront des faveurs, c'est-à-dire des droits de vote supplémentaires pour le procès. Vous aurez de cette façon plus de chances d'éliminer l'un de vos adversaires et peut-être votre ennemi.

— C'est une épreuve individuelle ?

— Cela dépend. Chaque épreuve est différente. Certaines se jouent en équipe, d'autres en solo. Parfois, plusieurs détenus peuvent remporter des faveurs, parfois il n'y a qu'un seul vainqueur.

— Comment se fait-il que je ne me souvienne pas de cette règle ? demanda Jordan qui avait levé la main et parlé en même temps, sans attendre d'autorisation. Je veux dire... quand j'ai regardé Ennemis jurés à la télévision les dernières fois... je ne me rappelle pas de ça.

— C'est à cause de l'hypnose. Vos souvenirs en lien avec votre pire ennemi ne sont pas les seuls à avoir été effacés, certains aspects en rapport avec le jeu aussi, dans le but de vous empêcher d'anticiper certaines étapes. Vous êtes presque comme des primojoueurs. Vous vous souvenez de l'émission, de son principe, de l'avoir suivie à la télé, de l'avoir aimé ou détesté, mais vous ne vous souvenez pas des détails. De cette façon, vous ne pourrez pas élaborer de stratégie en fonction des réussites et des échecs de vos prédécesseurs. Autre chose ?

— C'est quoi les TIG ? demanda Victoria.

— Des travaux d'intérêt général, détailla Edmée comme si le sens de l'acronyme n'avait pas été renseigné noir sur blanc sur le document qu'on leur avait distribué.

— Je sais, mais c'est quoi exactement ces TIG ?

— Hum ! Il s'agit de corvées le plus souvent, éluda Edmée en balayant la question d'un geste de la main. Des corvées dont vous devrez vous acquitter en groupe.

— Quoi ? s'inquiéta François. Si c'est de la vaisselle ou du ménage, je vous préviens : je ne vais pas savoir faire. Ce n'est pas dans mes cordes. Je préfère encore casser des cailloux ou porter des poids lourds. Chez moi, la seule corvée que j'acceptais de faire, c'étaient les écuries. Je m'occupais très bien des chevaux.

— Nous n'avons pas de chevaux, ici. De toute façon, les TIG et les groupes seront imposés et aucune réclamation ne sera possible. Vous ne choisirez ni votre corvée ni la personne avec laquelle vous devrez travailler. Dois-je vous rappeler que vous êtes dans une prison et pas dans une colonie de vacances ? Avez-vous des questions moins futiles ?

— Oui, j'ai encore une question, poursuivi François.

Edmée fit un geste de poignet pour lui rendre la parole, encore.

— Neuf heures du soir, c'est très tôt. Quand vous dîtes : « extinction des lumières », ça veut dire qu'on va être dans le noir ?

Edmée se contracta davantage, piquée par la vacuité de cette nouvelle question.

— Oui, asséna-t-elle.

— Total ?

— Non, pas total. Il subsiste toujours une lumière de sécurité. Auriez-vous peur du noir ?

— Pendant dix heures ! Mais je ne suis plus un bébé, je ne me couche pas à neuf heures et je ne dors plus dix heures par nuit.

— Les horaires nocturnes sont inflexibles. Vous verrez que le quotidien à la prison et usant, et les dix heures de sommeil vous paraîtront finalement bien courtes.

Edmée perdait peu à peu son sang-froid et heureusement François n'insista pas, même si son expression boudeuse laissait paraître son désaccord.

— Je pense que nous avons à présent fait le tour. La note est très claire de toute façon.

Un ricanement étouffé ponctua sa phrase. Dans le silence nerveux de cette audition, cet éclat soudain tranchait comme de la sauce tomate sur une blouse blanche.

Pour la première fois, Edmée porta son regard vers l'autre table, celle des zonards. Elliot cachait sa bouche derrière son poing fermé. Il baissait les yeux comme si éviter de croiser le regard d'Edmée allait suffire à le faire disparaître.

— Une anecdote amusante ? C'est ma note qui te fait rire comme ça ?

Elliot se redressa, dégageant à moitié son visage pour parler.

— Ce n'est rien.

— Tu es sûr ? Si tu trouves que la note n'est pas claire, il faut le dire. Si tu as une question...

Il se raclât un peu la gorge et demanda.

— Est-ce que l'oxymore est volontaire ?

— Quel oxymore ?

— Il est écrit : « temps libre en cellule ». C'est plutôt original d'associer le mot libre et l'enfermement en cellule.

Irène sourit malgré elle, posant les yeux sur le bout de papier pour vérifier qu'il disait vrai.

— Cela ne sert à rien de faire le malin devant moi, tu sais ? dit Edmée comme si elle s'adressait à un jeune enfant turbulent. Si le principe de la prison ne te plaisait pas, il fallait éviter de t'y faire enfermer.

— Elle n'a pas tort, chuchota Victoria, assez bas pour n'être entendue qu'à notre table.

— Mais lui non plus, lui répondit Jordan sur le même ton.

Irène n'aurait pas dit mieux.

Ennemis jurés TOME 1 SuspicionOù les histoires vivent. Découvrez maintenant