Chapitre XV

8 5 1
                                    

  Le capitaine Er-Payan sortit du palais. Il avait enfilé son armure rouge et dorée juste après avoir eu le feu vert de son Général. Il se dirigea directement vers la caserne des légionnaires. Il aurait besoin d'aide pour s'assurer du bon fonctionnement de l'échange avec les Cracheurs de Feu. Ces derniers avaient demandé que le Général dépose l'argent dans les quartiers sud de la ville.

« Nous saurons où. »

C'étaient les mots qu'avaient écrit leurs ennemis dans la lettre. Ils invitaient le Général dans des rues totalement contrôlés par les rebelles. Aucun légionnaire n'avait mis les pieds dans le sud de Jayal depuis des années.

Amin avait des souvenirs d'une vieille époque où il patrouillait dans ces quartiers avec son frère lorsqu'il n'était encore qu'un apprenti sous les ordres du capitaine Thémis. Puis un jour les Cracheurs de Feu avaient fracassé une dizaine de légionnaires et Rayan Er-Payan, leur père et Général avait condamné la zone.

- Ils ne veulent pas de notre sécurité, qu'ils essaient de gouverner comme bon leur semble, avait-il dit.

Amin n'y avait plus jamais remis les pieds. Tout ce qu'il savait, c'était que la situation des quartiers sud empirait d'année en année.

Pour arriver à sortir de ces rues sans encombre, il fallait donc à Amin l'assistance de Méda et Lionel, ses deux légionnaires les plus doués et fidèles. Dans une mission comme celle-ci, il ne pouvait se fier à personne d'autre. Surtout qu'à la demande de Thémis, cette histoire d'échange avec les Cracheurs devait rester la plus secrète possible.

Sur le chemin vers la caserne, de charmants habitants s'arrêtaient pour saluer le capitaine. Cette fausse attention qu'ils lui dédiaient pour se donner un semblant de proximité avec la famille du Général lui déplaisait grandement. Avec le temps, il s'était habitué à donner un petit signe de tête et à continuer sa route, mais l'envie de les envoyer au diable bouillait.


 Les quartiers de la quatrième division se trouvaient au fond de la caserne de la capitale. Contrairement aux autres légionnaires qui demandaient des dizaines de chambres, ceux de la quatrième division, par leur petit nombre, n'en utilisaient simplement que deux.

Lorsqu'il entra dans le dortoir, Amin ne trouva personne. Les légionnaires devaient être à l'échauffement matinal. Avant de prendre un bon déjeuner, toutes les divisions se retrouvaient pour une course sur les remparts de Jayal. Il était un peu tard, peut-être allaient-ils rentrer sous peu. En attendant, Amin se dirigea vers son bureau.

Chaque capitaine de division avait le droit à sa propre chambre et son bureau. Lorsqu'il ne rendait pas visite à son frère, c'est ici qu'Amin vivait. Il préférait d'ailleurs la caserne au palais. La simplicité des bâtiments et la proximité avec ses compagnons de combat le rendait plus heureux que toutes les babioles inutiles, les vêtements qui échangeaient le pratique par des décorations empêchant tout mouvement ou encore les nombreux servants qu'il pouvait trouver au palais.

Mais alors qu'il entrait dans la salle, Amin aperçut une lettre posée soigneusement sur son bureau. Le capitaine s'approcha. C'était en fait une feuille de papier sur laquelle était dessinée un souffleur.

Avant d'y toucher, Amin regarda autour de lui, comme si quelqu'un était en train de l'observer. Il entendit au loin les légionnaires qui entraient dans la caserne en faisant un bruit monstre. Ses yeux revinrent sur le bout de papier qu'il retourna. Quelqu'un avait écrit au verso :

« Place Aya. Seul. »

Il releva les yeux. La sensation qu'on l'épiait était réelle. Les Cracheurs étaient au courant de ce qu'il se passait. Le capitaine ne comprennait pas comment, mais ils savaient qu'il allait se charger de l'échange et les rebelles tentaient de l'intimider. La place Aya Er-Koen se trouvait au centre des quartiers sud de Jayal. Y aller seul signifiait entrer sur le terrain de l'ennemi sans protection.

Lila TolenWhere stories live. Discover now