Le présent est à vivre

Epilogue 1

Contre l'avis de son oncle, il partit s'installer avec sa petite famille à l'opposé de la planète. À l'aide de sa magie amplifié par celle de Théo, ils cachèrent le Milan et construisirent un chalet sur la base de celui qu'il avait fait pour Jeanne avec deux chambres en plus. Une fois bien installé, ils prirent tous ensemble une certaine routine bienvenue.

Chaque matin, il s'occupait de Loréline. Après le petit-déjeuner, il continuait l'éducation magique et scolaire de Théophyle. Au début, l'enfant fut dérouté par son nouvel apprentissage composé principalement de tous ce qui faisait la diversité des neuf royaumes. Théo disait souvent à Loki que ce n'est pas ce qu'il apprenait à l'école et le dieu trouvait que ses leçons étaient d'une absurdité totale. Cela se soldait en disputes invraisemblables. Plusieurs fois, le dieu faillit succomber aux émotions qui le submergeait alors qu'il se querellait avec Théo. L'enfant ressemblait beaucoup trop à sa mère et à chaque fois qu'il se le disait, la plaie de son cœur se réouvrait. Il leur fallut un mois pour enfin tomber d'accord sur ce qui était nécessaire d'apprendre. Ils mangeaient souvent ensemble le midi et Théophyle partait tous les deux jours rejoindre Yngvi au palais en s'y téléportant. Ce qui laissait le temps à Loki de passer du temps avec Loréline, de faire les tâches qui devait être accomplies dans la maison. Il aspirait à vivre simplement sans domestique et cela lui demandait beaucoup d'adaptation. Il allait régulièrement au marché du village d'à côté pour faire les quelques achats nécessaires. Un soir par semaine, il se rendait au palais pour conseiller son oncle à sa demande. Celui-ci appréciait particulièrement son point de vue surtout dans des conflits qui pouvaient se résoudre par la diplomatie et non par la force. Il mangeait ensuite en compagnie de la famille royale pour le plus grand plaisir de Théophyle.

Un soir où il observait Théo étudiant ses livres alors qu'il donnait le biberon à Loréline. L'enfant releva subitement la tête et demanda :

— Comment tu fais quand maman te manques ?

La question surprit Loki. Depuis cinq mois qu'ils vivaient sur Vanaheim, jamais le garçon n'avait reparlé d'elle ouvertement. Plusieurs fois, il avait surpris l'enfant aller raconter des histoires de Jeanne à Loréline alors que la petite dormait mais jamais jusqu'à maintenant, il ne l'avait évoqué devant lui.

— J'essaye de me souvenir des bons moments avec elle et je sais qu'elle nous veille alors de temps en temps, je lui parle en espérant que mes paroles atteignent le Valhalla. Pourquoi cette question après tout ce temps ? demanda-t-il.

L'enfant haussa les épaules.

— Moi, je vais raconter des souvenirs à Loli et je regarde les albums photos.

— Tu les as emportés avec toi ?

L'enfant hocha la tête en attrapant une pomme et mordit dedans en faisant apparaître une dizaine de classeurs.

— J'ai pris celui de grand-mère Valéria, tout ceux de maman et ceux qu'on a fait avec Papa et Pa'. Et y en a un que j'essaie de faire mais y'a pas d'imprimante ici, alors je peux plus avancer. Je voulais te l'offrir pour la fête des pères mais je sais plus quand c'est et ton anniversaire est déjà passé, dit-il simplement en lui tendant le seul livre de la pile. Tu veux le voir ?

Loki était touché de l'attention de l'enfant. Il se rappelait la coutume de la fête des pères sur Midgard mais celle où il avait été présent avait été difficile pour les jumeaux avec l'absence de leurs pères.

— Me laisses-tu le temps de coucher Loli ou dois-je regarder maintenant ?

— Je n'ai pas fini de lire mon chapitre alors tu as le temps et on le regardera ensemble pendant que tu me feras un câlin, répondit-il en replongeant le nez dans son livre.

Loki haussa un sourcil. Le petit brun ne lui demandait de l'affection qu'après un cauchemar, mais quand il en demandait c'était obligatoire sinon une violente crise de larmes se déclenchait et devenait intarissable.

— Très bien, lille prins, faisons ainsi, dit-il avant d'emmener Loréline dans son berceau alors que la petite s'endormait dans ses bras.

Une fois de retour dans la pièce à vivre, il prit le livre et s'installa dans le canapé. Théophyle vint immédiatement se lover en boule contre lui et il ouvrit la couverture de l'album. Il était écrit « Maman et Père » sur la première page. Il tourna ensuite la page de garde et Loki découvrit les premières photos. C'était le jour de leur arrivée, il se tenait debout au milieu du hall avec Thor et Jeanne. Quand il revit sa tête d'il y a plus d'un an, il se rendit compte dans l'état qu'il était à cette époque. Il était si hautain, si froid, si douloureux. Les trois autres photos était le même jour. Il y avait un portrait de lui quand Jeanne les avait présentés. Il détesta d'emblée cette photo, il avait une expression écœuré caché derrière l'arrogance qu'il arborait en permanence.

— Comment as-tu ...

— J'ai trouvé, je ne sais pas quoi, pour imprimer les souvenirs que j'avais dans la tête sur l'imprimante de maman.

Loki regarda l'enfant étonné.

— Tu veux dire que ces photographies n'en sont pas ?

— Non, je ne sais pas comment j'ai fait, mais on jouait avec Josh et on essayait de commander les appareils avec notre magie, raconta Théo. Et puis à un moment, l'imprimante de maman s'est mise en marche et cette photo est sorti.

L'enfant tourna les pages de l'album avant de lui montrer une photo bien particulière de Jeanne et lui. Quand il comprit ce qu'il voyait, il manqua de s'étrangler avant de tourner la page suivante, gêné. Il releva la page et étudia l'image en la cachant de yeux de Théo même si celui-ci ne semblait absolument pas embarrassé. Son cerveau se mit à bouillonner et il finit par réussir à remettre quelques peu ses idées en ordre. La « photo » représentait Jeanne et lui lors de la nuit où il s'était réconcilié en Ecosse. Il était assis sur le lit de sa chambre, son oméga à califourchon sur ses genoux. Elle l'embrassait avec fougue alors qu'il serrait son corps presque nu dans ses bras. Il sentait ces joues s'enflammées mais il était fasciné par la passion et le besoin d'être dans les bras l'un de l'autre qu'exprimait cet instant. Soudain, il comprit enfin pourquoi Murtagh avait si durement puni les jumeaux.

— Vous étiez dans la chambre cette nuit-là, n'est-ce pas ? demanda Loki.

L'enfant ne répondit pas mais hocha de la tête en détournant le regard.

— C'est vous qui m'avait fait cauchemarder ainsi et avez entrainé tout ce bazar ?

— Oui, père et je suis désolé, on n'avait pas compris que ce qu'on avait fait était mal mais ...

Loki reposa l'album à côté de lui et serra son désormais fils dans ses bras.

— Je ne t'en veux pas, au contraire, je te remercie de l'avoir fait, sinon ta mère et moi ne nous serions jamais réconciliés et aimés.

— Mais c'était une bêtise, s'exclama Théo abasourdi.

— Oui, une bêtise que tu ne recommenceras plus jamais. Mais une bêtise qui m'a permis de d'avoir cette drôle de famille que nous sommes aujourd'hui.

L'enfant le serra à son tour. Il avait l'impression qu'un bel avenir s'offrait à eux. Il rendit l'étreinte à son fils et son cœur se gonfla d'un sentiment nouveau qu'il n'avait encore jamais ressenti mais qui lui fit du bien. Ce sentiment était simplement une autre forme d'amour. Il était né avec Loréline mais cet instant avec Théo que Loki en prit pleinement conscience. Cet amour nouveau est celui qu'on ressent lorsqu'on est parent.

Il imagina ce qu'elle lui aurait dit et sourit en embrassant le front de Théo en adressant une prière à sin tid ulv.