30. Une histoire de TIG

38 3 1
                                    

DAWSON

Sept ans plus tôt...

Les cuisines sont dégueulasses. J'en ai marre de faire ça, juste parce qu'on m'a chopé en train de fumer de l'herbe dans un coin où je dérangeais personne. Ce proviseur m'a saoulé avec sa morale, mais je savais déjà ce que j'allais me bouffer si jamais j'osais lui répondre qu'il pouvait se les laver, ses cuisines !

Le cuistot est content parce que c'est propre, je sais pas s'ils font tous exprès de salir le sol et les cuisines juste parce qu'il y a un « jeune volontaire » qui se charge du ménage, mais j'en ai ma claque. J'ai les doigts rugueux et la peau qui craque après deux semaines de nettoyage. Je suis ravi que ce soit la dernière fois que je suis là aujourd'hui, ces enfoirés ont arrêté de me donner des gants au bout de trois jours.

Ma mère me demandait ce que je foutais pour rentrer aussi tard du lycée et bien sûr, je lui mens tous les soirs en lui disant que je travaille dur pour avoir mon bac du premier coup avant d'enchaîner sur une formation en mécanique. Je sais qu'elle ne me croit pas, non pas parce que je n'en suis pas capable, mais parce que ça se voit comme le nez au milieu de la figure que je fais tout, sauf réviser. Je pense qu'elle me demande ce genre de choses parce que je suis pas souvent à la maison, mais de toute façon, elle n'a pas besoin de moi. Elle a Kiara, cette gamine de 11 ans qui me sort par les yeux.

Franchement, je ne me vois pas lui dire que je fais des travaux d'intérêts généraux au lycée. Elle voudrait savoir pourquoi sur un ton surpris ou encore déçu et là, je ne saurais pas quoi répondre, mis à part : « bah écoute maman, j'ai fumé de l'herbe — Quoi ? — Et j'ai tabassé un mec parce qu'il allait me voler, mais c'est tout, il va bien, juste un œil au beurre noir ».

Ensuite, elle m'engueulera pour me dire une fois de plus que je ne suis pas un bon exemple. Mais justement, je n'ai pas envie d'être un exemple. C'est une excuse de merde. Normalement, ce sont les parents qui doivent le montrer, l'exemple, mais que faire lorsqu'on apprend que le père s'est cassé, fait souffrir tout le monde et que la mère cède tous les caprices de la sœur chouchoutée ? Moi, je veux juste vivre et évacuer cette frustration depuis le départ inopiné de mon père, il y a trois mois.

— C'est bon, gamin, tu peux partir.

— Sale enculé, persiflé-je en jetant le tablier.

Je suppose qu'il a entendu, mais vu le regard que je lui ai lancé, il a dû comprendre que j'en avais marre et que j'allais vraiment péter un câble accompagné de mon poing dans la gueule. Au moins, il aurait bouffé autre chose que la merde qu'il nous sert...

Je roule ma clope en sortant de l'enceinte, attrape mon sac de cours posé dans un coin du bureau du CPE et sors mon portable de ma poche. Je manque de m'étouffer avec ma salive en voyant 6 messages et 4 appels manqués de ma mère. Je grogne, ne lui réponds pas puisque je serais rentré dans quinze minutes. Lorsque je passe les grilles du bâtiment, je découvre, sans trop de surprises, la blondasse-qui-me-casse-les-couilles-tous-les-jours adossée au mur, ses bottes de neige enfoncées dans la couverture blanche au sol.

Ça fait quelques mois qu'on se parle, un peu plus de huit, je crois. Elle m'a accidentellement donné un coup de coude dans le thorax, je passais à côté et elle a reculé d'un coup sur moi. Depuis, je lui parle de temps de temps, mais c'est elle qui ne me lâche plus. Pourquoi je lui parle, déjà ?

Je lui lance un mauvais regard et fais craquer mes doigts. Mauvaise idée, ça fait trop mal ! Mais elle ne se démonte pas du moins du monde. Ça, ça a le don de m'agacer sérieusement. Je l'ignore et fais brûler le bout de ma clope, mais c'est comme si le diable avait envie d'en rajouter une couche : elle me suit. Bon, elle est silencieuse pour une fois, c'est déjà ça de bien.

Victimes [Tribunal des complices]Where stories live. Discover now