Chapitre 6 : Amnésie

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« Tu as toujours ta tente ? »

Même sa voix n'a rien de particulier. Je serais bien en peine de le décrire à quelqu'un si je le devais. Toujours ratatinée dans mon sac, la tente a un peu de mal à se déployer. Je me suis à peine rendu compte qu'il faisait presque nuit. Le temps passe trop vite et chaque jour qui passe, le risque pour la santé mentale de ma mère augmente. J'espère que Charlie a réussi à la sortir de devant la télévision. Il ne peut pas être partout le pauvre. Il a toujours ses cours à suivre. Il n'est pas comme moi à prendre de l'avance. Il fait toujours tout au dernier moment. Qui s'occupe de maman pendant qu'il suit ses leçons ? J'aurais dû programmer un robot pour la suivre et lui supprimer les écrans. La radio passe encore. Maman ne comprend pas la moitié de ce que disent ces voix qui appartiennent à des gens qu'elle ne parvient pas à visualiser.

Aaron m'appelle et me sort de mes pensées. Il a monté la tente en trente secondes. Y'a-t-il quelque chose que je fais mieux que lui ? Il fait presque nuit. Heureusement, il ne neige plus. Nous devrions être à Paris le lendemain.

Lorsque je me glisse à ses côtés dans le sac de couchage, je ne peux m'empêcher de recommencer à le bombarder de questions comme s'il était tard et que nous participions à la même soirée pyjama, décor propice aux confidences :

« Est-ce que...

— Pourrais-tu arrêter de me poser des questions ? me coupe-t-il.

— Mais pourquoi ? »

Alors qu'il était de dos pour me laisser un semblant d'intimité, il se retourne pour me faire face et pousse un profond soupir de lassitude.

« Tu ne t'arrêtes jamais. »

Ce n'est pas une question. Je suis un peu vexée qu'il le prenne assis mais je sors ma plus belle tête de chien mouillé, espérant l'attendrir. Après tout, pour lui je ne suis qu'une petite chose fragile qui se blesse sans arrêt, pas même une adulte. Cette technique fonctionne avec mon père, enfin parfois.

« Je ne me souviens de rien avant de partir à ta recherche. »

Je le regarde interloquée mais ne prends pas le risque de poser une nouvelle question. Il en a trop dit. À présent, il me doit quelques explications alors je me tais, le laissant poursuivre seul.

« Je me souviens recevoir un dossier avec tes recherches internet et les statistiques de ton jeu de course. On m'a informé que tu étais partie avec un vélo. Après quelques recherches aux alentours de ta maison, on l'a retrouvé à une vingtaine de kilomètres de chez toi, dans un fossé. J'ai fait quelques calculs pour déterminer les endroits où tu serais susceptible de te trouver. J'ai vérifié sur les images satellites mises à ma disposition et je me suis mis en route. Avant ça, je n'ai aucun souvenir. Tout ce que je sais, c'est que je dois veiller sur toi et attendre les ordres.

— Les ordres de qui ? »

Un jour, il faudra que j'apprenne à tourner ma langue sept fois dans ma bouche avant de parler. À peine ai-je fini ma phrase que le visage d'Aaron se crispe de douleur. Je me confonds en excuse mais j'ai laissé passer ma chance. Le jeune homme s'est refermé comme une huître. Il se retourne pour dormir.

Je fais ma première bonne nuit depuis que je suis partie. Avec Aaron dans mon sac de couchage dès le début, j'ai bien chaud. J'ai l'agréable surprise de ne faire aucun cauchemar. Mon cerveau n'a peut-être pas encore eu le temps de bien traiter les derniers événements. Je ne doute pas d'un prochain retour de bâton sur ma santé mentale lorsque ma situation pourra à nouveau être qualifiée de normale. Lorsque je me réveille, le cocon de chaleur a disparu. Aaron n'est plus dans la tente.

Les Secrets du LidiniumKde žijí příběhy. Začni objevovat