Chapitre 6 : Amnésie

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Que Dieu bénisse la trousse de secours d'Aaron. J'aurais dû lui piquer lorsque je me suis enfuie la première fois. Elle m'aurait été bien utile. Une crème, une petite pilule et un bandage plus tard, me voilà à nouveau comme neuve, prête à marcher vers Paris. Il fait froid, mes stocks de nourriture s'épuisent mais je suis optimiste : nous touchons au but. Puisqu'il est voué à m'accompagner, au moins jusqu'à la capitale, je m'occupe en cuisinant le jeune homme qui n'est pas très bavard :

« Comment m'as-tu trouvé la première fois ?

— Un peu de calcul et de déduction et les images satellite pour confirmer.

— C'est mon père qui t'envoie ?

— Oui.

— Dans quel but ?

— Veiller sur toi.

— C'est tout ?

— Ce n'est déjà pas simple comme mission. Tu as une fâcheuse tendance à finir en kit. »

J'aime bien son humour. Il ressemble un peu au mien. En fait, je l'aime bien ce garçon même si je le connais à peine. D'abord parce qu'il m'a sauvé deux fois grâce à ses soins miracles. Ensuite parce qu'il a couvert le meurtre que j'ai commis et enfin parce qu'il n'a pas l'air de me trouver monstrueuse après ce qu'il s'est passé. Peut-être que c'est la routine pour lui, ça me fait m'interroger sur les activités de mon père. Je sais qu'il a l'habitude de travailler dans des pays qui sont parfois instables. Peut-être qu'Aaron est un agent qui a l'habitude d'œuvrer sur ce genre d'opérations alors ce n'est pas un petit cas d'auto-défense qui va lui faire peur. Je devrais sans doute être apeurée à cette idée mais ce n'est pas le cas. Je me sens en sécurité avec lui. Peut-être est-ce parce qu'on a partagé un sac de couchage. Ce sont des choses qui rapprochent. Pour autant, je ne me laisse pas avoir. C'est un piège dans lequel il ne faut pas tomber : il tente de me faire rire pour éviter mes questions. Je lâche un petit ricanement mais ne me débine pas et reprend mon interrogatoire.

« Tu n'es pas un peu jeune pour travailler pour mon père ? »

Il ne répond pas et fronce les sourcils. C'est peut-être bon signe.

« Quel est ton rôle exactement ? »

Un nouveau froncement de sourcil, je commence à m'impatienter.

« C'est quoi ton nom de famille ? Tu viens d'où ? Tu as fait des études ? Qu'est-ce que tu feras une fois arrivé à Paris ? ... »

Je suis obligée de m'arrêter net. Après quelques grognements que j'ai pris pour un refus de réponse, Aaron se prend la tête dans les mains avant de commencer à saigner du nez.

« Qu'est-ce qu'il se pass...

— Arrête avec tes questions ! À chaque fois que j'y pense, ça me fait mal au crâne. Contente-toi de te dire que ton père t'a envoyé quelqu'un pour te protéger et profite du voyage. »

Je me sens stupide mais trouve sa réaction un peu disproportionnée. Il presse ses narines pour arrêter l'écoulement du sang. Je ne comprends pas comment mes questions peuvent lui faire un tel effet mais j'imagine que mimer un saignement serait complexe même pour mon ange gardien qui semble tout savoir faire alors ce doit être vrai. Finalement, j'ai plus de questions que de réponses mais je n'ose pas en poser une nouvelle. Que se passerait-il si je le faisait ? La tête d'Aaron exploserait-elle ?

Je l'observe à la dérobée et fait attention à son physique pour la première fois. Il est plus grand que moi, sportif et un peu plus âgé. J'imagine qu'il est majeur s'il travaille pour mon père. Il doit avoir vingt ans ou à peine plus. Ses traits sont si banals qu'on oublierait son visage cinq minutes après l'avoir vu : aucun signe distinctif, aucune imperfection ni beauté particulière. Il me laisse l'impression d'un homme témoin, comme s'il n'était qu'un prototype de base standardisé auquel on aurait ajouté aucune décoration ni fonctionnalité.

Les Secrets du LidiniumWhere stories live. Discover now