Chapitre 4 : Aaron

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Le lendemain, ma cheville a doublé de volume. Je savais que c'était possible mais je n'arrivais pas à l'imaginer. À présent qu'elle est devant moi, bleue, gonflée et traversée par une douleur lancinante, je ne peux qu'accepter la dure réalité : les probabilités de l'échec de ma mission ne font qu'augmenter. J'ai eu un mal fou à remballer la tente. Sur mon épaule, mon sac semble peser une tonne. Je n'ai d'autre choix que d'avancer, appuyée sur une branche, aussi vite que je le peux malgré la douleur qui m'arrache une larme de temps à autre. Si je reste sur place, des gens finiront par appeler la police si ce n'est pas déjà fait.
Pour ne rien arranger, mon choc à la tête a dû endommager mon cerveau. Depuis la fin de la matinée, j'ai la curieuse impression d'être suivie. Pourtant, si quelqu'un était derrière moi, il aurait tôt fait de me dépasser vue ma lenteur d'escargot. J'ai beau savoir qu'il ne s'agit que de la paranoïa causée par mon cerveau fatigué, je ne peux m'empêcher de me retourner tous les quarts d'heure d'une pirouette sur ma jambe valide pour tenter de surprendre cette ombre qui se fond parmi la silhouette des arbres nus. Sans surprise, je ne vois jamais personne. Peut-être que ce sont mes oreilles qui ont un problème ? Je suis certaine d'entendre des pas derrière moi. Je tente de faire abstraction de cette sensation mais c'est la seule chose qui parvient à me faire oublier pendant un temps ma douleur et ma soif. Je n'ai pas osé manger mes gâteaux plein de sucre, de peur d'attiser mon besoin d'eau. C'est peut-être la déshydratation qui me cause des hallucinations. N'empêche, j'ai besoin d'en avoir le cœur net.
Je m'arrête et sort de mon sac quelques madeleines de ma mère. Il ne m'en reste qu'une petite dizaine. J'ai rationné mon stock pour pouvoir tenir plus longtemps. À ce rythme, je ne sais pas quand je parviendrai à Paris. Ce n'est qu'une distraction. Je ne compte pas en manger mais j'en profite pour sortir l'étui de ma tente. Ce matin, je n'ai pas réussi à la remettre à l'intérieur alors j'ai tout fourré dans mon sac sans me poser de question. Je n'avais plus de temps à perdre. L'étui vide ne me sert pas à grand-chose si ce n'est y mettre de la glace pour la faire fondre et la boire mais il faut pour cela que je le colle ensuite contre mon corps pour la réchauffer. Ce n'est pas cette fonctionnalité qui m'intéresse. L'autre particularité de cet étui est qu'il est en Lidinium imitation inox. Je repars d'un pas maladroit mais aussi rapide que je le peux et j'attends que les bruits de pas reviennent. Je dois patienter mais l'attente en vaut la chandelle. Je les entends à nouveau derrière.
Je fais en sorte que mon geste soit discret, comme si je réaffirmais ma poigne sur ma béquille et lève l'étui autant que je le peux sans trahir mon geste. Dans l'inox, je peux apercevoir les formes de ce qui se trouve derrière moi. Pas très bien, en nuances de gris, mais assez pour l'apercevoir : je ne suis pas folle, quelqu'un me suit ! Je vois pendant quelques secondes sa silhouette entre les arbres. Une nouvelle fois, je me retourne et il a disparu. Je ne sais pas comment il fait mais comme je suis sûre de mon fait, je fixe l'espace où il se trouvait l'instant d'avant et prends une voix affirmée qui ne correspond pas du tout à la boule de peur qui se loge dans mon ventre. Qu'est-ce que cette personne peut bien me vouloir ?
« Sortez de votre cachette ! Je sais que vous êtes là. »
Tout est si calme que j'en viens à douter de ce que j'ai vu. Pourtant, après quelques instants, un jeune homme, à peine plus vieux que moi sort de derrière un arbre.
« Bien joué, me dit-il. Tu as su être attentive. »
À son ton, on aurait dit qu'il avait tout fait pour que je le trouve, comme un professeur heureux que ses élèves aient trouvé la solution du problème après leur avoir donné tous les indices. Je fronce les sourcils. Ami ou ennemi ? Que fait un garçon seul au milieu de la forêt ? Je suis assez mal placée pour poser la question étant moi-même une jeune fille seule au milieu de la forêt mais comme je n'ai pas envie qu'il me retourne la question une fois que je l'aurais posée, je me tais. C'est plus prudent. Je reste sur mes gardes, face à lui, à le dévisager. Tout de même, je suis soulagée de le voir. Même s'il est assez grand et costaud, il est toujours moins terrifiant que l'ombre que j'imaginais se glisser derrière moi, fichée de griffes et de crocs.
« Je vais peut-être pouvoir jeter un coup d'œil à ta cheville. »
Ma première réaction est de refuser mais j'ai si mal que la simple pensée de recevoir des soins l'emporte sur ma méfiance envers l'inconnu. De toute façon, il est plus grand, plus fort et en meilleur état de santé que moi. Autant ne pas le contrarier. J'ai besoin de toute l'aide que l'on pourra m'apporter. Je m'écroule par terre et remonte mon pantalon autant que je le peux. Ma cheville et mon pied sont gonflés et un gros bleu marbre le côté externe de ma jambe.
L'inconnu s'agenouille à côté de moi et grimace en voyant mon état mais ne dit rien. Dans son sac, entre autres choses qui m'intéressent, il a un kit de survie. Il en sort une lingette désinfectante qu'il utilise pour nettoyer mon pied. J'ai honte de l'état dans lequel elle se trouve mais mon soignant du moment n'a pas l'air de s'en préoccuper. Peut-être a-t-il déjà vu pire. Pendant les entretiens d'orientation que j'ai passés, le médecin en charge de la session m'a bien expliqué qu'il fallait être prêt à tout voir pour exercer cette profession. Sans doute est-il plus vieux qu'il ne le paraît et exerce comme secouriste. En tout cas, ces gestes me semblent très professionnels. Il passe une crème sur la partie gonflée et me l'emmaillote bien serrée dans un pansement propre. Il fait ça bien mieux que je n'ai su le faire. Je profite de sa concentration pour l'observer. Il a un visage banal. C'est le mot qui me vient. Il n'est pas beau mais pas laid non plus. Il est normal. Aucune caractéristique physique particulière : châtain, yeux marrons comme une immense partie de la population. Par contre, il est assez grand et a l'air plutôt athlétique. Je le laisse me soigner sans mot dire. Enfin, il sort une petite seringue qu'il me plante dans la jambe avant même que j'ai le temps de protester et me donne un cachet de je-ne-sais-quoi qu'il me demande d'avaler alors même que mon coeur s'emballe de la frayeur qu'il vient de me faire.
« Qu'est-ce que...? »
Je sens la douleur refluer et une sorte de sensation de frais se diffuser dans mes tissus, comme si ce n'était plus du sang dans mes veines mais du dentifrice. Une bouffée de reconnaissance me remonte dans la gorge mais je la crève comme un vieux ballon avant qu'elle ne franchisse mes lèvres. Ce garçon est mon héros mais inutile de m'afficher en me jetant à son cou. N'empêche, en quelques minutes, il est passé dans le top 10 des personnes que je préfère sur Terre. Je ne peux réprimer un sourire qu'il me rend.
« C'est pratique que tu ais tout ça sur toi », fais-je remarquer.
C'est une façon comme une autre d'entamer la conversation même si j'ai l'impression d'être un peu stupide en prononçant cette phrase. J'aurais sans doute dû le remercier mais ça ne m'est pas venu spontanément. Il me fait encore un peu peur, malgré les soins qu'il m'a apportés. C'est un comportement injuste. Je ne sais pas qui il est mais comme il vient de me soigner, je peux sans danger penser qu'il ne me veut aucun mal, auquel cas il lui aurait suffi de me laisser tranquille puisque je me débrouille très bien toute seule pour m'abîmer.
Ce qu'il m'a injecté dans le pied fait dégonfler ma cheville en quelques minutes. À présent, j'ai l'impression que le sang de mon pied s'est glacé, comme si le dentifrice s'était transformé en givre. Au moins je n'ai plus mal. Le garçon me regarde avec un petit sourire. Cette expression le rend plutôt beau, son regard sur moi me fait rougir. S'il a remarqué ma jolie teinte vermeille, il n'en laisse rien paraître et continue de s'adresser à moi avec sérieux.
« Continue d'utiliser ta béquille sinon tu vas forcer sur ta jambe et elle va recommencer à gonfler. Tu peux t'appuyer sur moi si tu commences à avoir mal au dos. »
Ça va beaucoup mieux mais j'écoute ses conseils. Il m'explique que je dois tenir ma béquille dans l'autre main, celle opposée à ma jambe blessée pour une question de repartition du poids du corps et c'est vrai que c'est plus simple de cette manière.
Arrive le moment gênant où je ne sais plus que faire ni dire. Il m'intimide et je me demande bien ce qu'il fait là.
« Bon ben, merci. »
Je commence à claudiquer à nouveau le long de la route pour fuir la gêne et cet ange gardien inespéré. J'entends des pas à côté de moi, il me suit. Évidement, il ne va pas lâcher l'affaire. Peut-être va-t-il me demander quelque chose en échange de son aide. Je n'ai rien pour lui en ce moment et je ne suis pas sûre d'être en vie après ma mission. Il a misé sur le mauvais cheval s'il pensait me soutirer de l'argent ou un service quelconque.
« Je t'en prie. »
Je continue d'avancer. Il marche en silence à côté de moi, comme si nous avions convenu de continuer la route ensemble. J'ai envie d'houspiller mon cœur qui fait des sauts de cabris sous l'effet du stresse de la situation et de la joie d'être accompagné. Je me sens stupide à ne rien dire mais je ne vois pas d'autre solution que de continuer mon périple avec mon nouveau compagnon de route sans broncher. Je ne pose pas de questions parce que je ne veux pas qu'il m'en pose à son tour malgré la curiosité plus forte que jamais. Il faut que je trouve un moyen de fausser compagnie à cet étrange nouvel ami avant de craquer et de commencer à discuter avec lui. Il a l'air sympathique. La faim et le manque de sommeil pourrait m'amener à faire quelque chose de stupide.
Nous ne disons rien pendant plusieurs heures. Le soleil décline dans le ciel et le froid me mord les chairs du visage à pleines dents. Je gagne mon défi auquel je participais sans doute seule, c'est lui qui m'adresse la parole en premier.
« Il faudrait trouver un endroit pour dormir, il fait trop froid pour négliger le lieu où l'on passe la nuit. Il nous faut un emplacement sec sinon nous mourrons gelés. »
Il a un ton très pédagogue. J'ai envie de l'écouter et après tout pourquoi pas. Chacun sa quête, chacun son histoire mais si je peux bénéficier pendant un ou deux jours de sa trousse à pharmacie, je pourrais peut-être limiter mon retard. Qui sait ? Il a peut-être autre chose dans sa besace qui pourrait m'être utile.
« On ne peut pas faire de feu, le bois est mouillé, continue-t-il. C'est trop dangereux de continuer dans la forêt lorsqu'on n'y voit rien. On risque de se rompre le cou ou de tomber sur des animaux dangereux...
— Il y a des bêtes sauvages dans cette forêt ? »
Je l'ai coupé. Je me mords les lèvres. Il éclate de rire devant mon visage anxieux. Il a un beau sourire. Ma question est bête. Ce que je voulais demander, c'était quels animaux, en quelle quantité et quelles chances pour que nous soyons attaqués.
« Bien sûr ! Où crois-tu que vivent les sangliers, les renards, les blaireaux, les loups...
— Les loups ! »
J'ai crié. Je suis ridicule. Il doit me prendre pour une idiote ou bien une gamine apeurée. Avoir peur des loups c'est vraiment une peur d'enfants. J'essaie de ne pas trop lancer de regards vers la forêt toute proche mais l'idée de marcher parmi les loups ne m'enchante guère.
« Calme-toi. Ils n'ont aucune raison de venir nous attaquer. Ils ont toute la nourriture qu'il leur faut. »
Il change de sujet pour me montrer une espèce d'arbre qui indique que le sol est plutôt sec. C'est un grand pin qui pousse dans une terre plutôt rocailleuse et qui ne risque pas d'abriter un petit marécage sous ses branches. Nous nous y glissons et mon sauveur commence à agencer des branches pour nous faire un abri. Il a l'air d'avoir fait ça toute sa vie. Je lui rapporte quelques branches solides que je trouve de mon côté. J'ai l'impression d'être un chien qui rapporte le bâton à son maître.
Il fait presque nuit. Je ne sais pas quoi faire. Ma tente est dans mon sac. Dois-je la partager avec mon nouveau compagnon de route ? Après tout, il y a de la place pour deux et nous aurons plus chaud. Je ne vais tout de même pas la laisser rangée. La cabane improvisée que nous avons réalisée nous permettra sans doute de ne pas mourir de fois en nous protégeant du vent et en maintenant un peu de notre chaleur corporelle autour de nous mais il serait dommage de se priver d'un équipement plus à même de nous maintenir en vie en cas de pluie ou de neige. L'idée de ma prochaine promiscuité avec le jeune homme qui m'accompagne et dont je ne connais même pas le nom me fait rougir. D'ailleurs, que fera-t-il si je refuse de rester avec lui ? Il semble avoir prévu de dormir au pied de cet arbre. Il va mourir de froid tout seul.
Je me décide. Comme je n'ai pas envie de faire à nouveau face à un cadavre et que quelques degrés de plus me paraissent fort appréciables, je déploie ma tente entre les branches de l'arbre, sous sa cabane improvisée. Il a l'air surpris mais ne dit rien et me suit sans poser de question lorsque je me glisse à l'intérieur.
« Un vrai palace », plaisante-t-il.
J'aimerais qu'il arrête ses petits commentaires et qu'il m'explique pourquoi il est là, ce qu'il compte faire en m'accompagnant. J'ai faim mais je ne vais pas manger devant lui et il est hors de question que je partage ma nourriture alors que mon stock est déjà insuffisant. Alors je me roule dans mon sac de couchage en ignorant les cris de mon estomac et les battements affolés de mon cœur causés par la proximité. Il s'allonge à côté de moi, dans son manteau flambant neuf qui me fait dire qu'il n'est pas un vagabond. C'est la limite à mon altruisme : il est exclu que je l'invite dans mon sac de couchage. Cette pensée me fait rougir à nouveau et j'ai encore les joues rouges lorsque je m'endors, quelques minutes plus tard, terrassée par la fatigue.
Je me réveille en pleine nuit. Il n'a jamais fait aussi froid. Le vent souffle dehors. J'ai l'impression que l'arbre sous lequel nous sommes abrités va s'envoler. Notre cabane s'est sans doute déjà effondrée.
« Tu es réveillée, me dit une voix dans l'obscurité. Il neige. »
Mon corps est parcouru de frissons.
« J'ai froid », ose-je avouer.
« Moi aussi. Il faut qu'on se rapproche. »
J'ai un mouvement de recul. Est-ce qu'il attend depuis le début ? Que je baisse ma garde ? Le haut de mon dos qui n'est pas à l'abris dans le sac de couchage entre en contact avec la tente. Je retiens un cri. Même à travers mes vêtements, une vague de froid me traverse. Je veux me rapprocher de la chaleur mais il me semble que ce n'est pas comme ça que les choses devraient se passer.
« Attends. Comment tu t'appelles ? »
J'ai l'impression d'avoir six ans et de rencontrer un nouveau copain au centre aéré.
« Aaron.
— Moi c'est Esmée. »
Il ne dit rien. Peut-être qu'il s'en fiche. Moi je ne peux pas dormir collée à un garçon dont je ne connais même pas le nom. Je l'entends bouger à côté de moi mais je ne peux rien distinguer de ses mouvements dans l'obscurité. Il n'y a aucune lumière dehors, pas même la lune dont le maigre croissant ne peut percer entre les branches de l'arbre qui nous accueille.  Je sais que mon compagnon de route se rapproche et à nouveau, le rouge me monte aux joues. Il pousse un soupir las.
« Arrête de rougir et ouvre ton sac si tu ne veux pas perdre des orteils. »
Mon visage doit irradier de chaleur s'il est capable de détecter mon rougissement dans le noir. En revanche, mes pieds sont en effet glacés. Le froid est bon pour les entorses mais ma cheville valide proteste contre ce traitement. Je ne sais pas si c'est son ton affirmé ou ma propre envie de me réchauffer qui parle mais j'ouvre mon sac pour le laisser rentrer. Il s'est débarrassé de son gros manteau qu'il déploie sur nos pieds. Nous sommes à l'étroit alors j'enlève le mien pour qu'il puisse aussi l'utiliser comme couverture supplémentaire par-dessus notre sac de couchage.
Il est plus grand que moi. J'ai l'impression qu'il m'enveloppe. Sa tête est au-dessus de la mienne et mes pieds ne doivent arriver qu'à ses chevilles. L'effet est instantané. Je me réchauffe et mes dents cessent de claquer.
« Sans l'ambiance castagnette, on va peut-être enfin pouvoir dormir. »
Mais je ne peux pas dormir. J'ai un garçon inconnu dans mon sac de couchage et cette promiscuité augmente ma curiosité alors je me décide enfin à lui poser les questions qui me trottent dans la tête.
« Pourquoi me suivais-tu ? »
Je n'ai qu'à chuchoter. Il n'est qu'à quelques centimètres de moi. Je n'ai pas eu l'idée de lui tourner le dos lorsqu'il s'est glissé dans le sac de couchage et nous sommes à présent tous deux allongés sur le dos, légèrement tourné l'un vers l'autre, le sac étant trop étroit pour nous laisser à plat.
« J'ai été envoyé pour t'aider.
— Par qui ?
— Ton père. »
Je ravale une exclamation de surprise. Est-ce si étonnant ? J'aurais dû savoir que tenter de le berner était inutile. Il a compris que j'avais quelque chose d'important à faire, qu'il était inutile d'essayer de m'en empêcher et m'a envoyé de l'aide. Même à dix-sept ans, il reste mon héros. Je me demande ce qu'il pense de mon départ. Est-ce qu'il me fait confiance ? Ce doit être le cas, sinon il aurait fait en sorte de me ramener manu militari à la maison. À la place, il m'a envoyé quelqu'un pour m'accompagner, sans même connaître mon objectif. J'ai intérêt à ne pas le décevoir.
Il faut que je décide que faire de cette information. Avoir quelqu'un pour me soigner m'est utile. Quel comble pour quelqu'un qui ambitionne de devenir médecin de ne pas être capable de se soigner soi-même mais je sens déjà que ma cheville va beaucoup mieux. Demain matin, lorsqu'Aaron m'aura soignée une dernière fois, je serai à nouveau sur pied et je pourrai reprendre ma route au pas de course. Que ce jeune homme m'accompagne à Paris me pose en revanche plusieurs problèmes. Le premier est que je n'ai pas assez de nourriture pour nous deux. Une bouche supplémentaire à nourrir est incompatible avec mon objectif. Demain, que ce soit devant lui ou pas, il faudra que j'engloutisse quelques madeleines avant de faire un malaise. Rien qu'à cette pensée, j'entends mon ventre gargouiller. J'espère que le jeune homme dort maintenant car ainsi près de moi, s'il est éveillé, il n'aura pas manqué d'entendre cette protestation de mon estomac.
La deuxième chose qui me gène est le rôle de mon père dans cette histoire. Je ne veux pas l'impliquer. Or, si Aaron m'accompagne et qu'il est arrêté par les hommes de Lidil@nd ou par le gouvernement, peut-être pourront-ils trouver un lien ? S'il travaille sur mon père, il y a sans doute des traces de cette relation. Qui sait ce qu'il pourrait bien dire si jamais il est interrogé. Il suffit qu'il y ait une taupe de Lidil@nd qui puisse accéder à ces informations et je ne reverrai plus jamais mon père.
Comme s'il entendait mes pensées, Aaron remue, mal à l'aise. S'il est toujours éveillé, je vais en profiter pour lui poser quelques questions supplémentaires afin de définir quelle serait la meilleure option.
« Tu travailles pour mon père ?
— Oui.
— Dans son entreprise. »
Il pousse un espèce de grognement d'assentiment. Ce ne doit pas être un grand bavard. Est-ce qu'il se parle aussi dans sa tête ? Peu importe, ce que je sais, c'est qu'il faut donc que je m'en débarrasse. S'il est salarié de mon père, ce sera trop facile de faire le lien. Ce jeune homme m'a été bien utile pour ma cheville. Merci papa mais à présent je te le rends.
Je ne sais pas trop comment m'y prendre mais peut-être que le mieux est de tout simplement lui demander de partir. Avec un peu de chance, mon père lui a donné  la consigne d'exécuter tous mes ordres.
« Demain, il faudra que tu partes.
— Négatif. Je dois t'accompagner. C'est ma mission. »
Je me doutais un peu qu'il dirait ça. Mon père est un bon payeur, il a dû lui promettre une prime s'il m'accompagne au bout de ma mission et s'assure de ma sécurité. Ce serait un peu trop facile sinon. Peu importe, je lui fausserai compagnie demain matin et ensuite, la première chose que je ferais sera d'engloutir deux madeleines.
Sur cette pensée heureuse, au chaud et rassurée par la présence du garçon envoyé par mon père à mes côtés, je m'endors.

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