Chapitre 5 : Stop

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Lorsque je me réveille, la lumière perce enfin à l'intérieur de la tente et Aaron est déjà sorti. J'espère un instant qu'il est parti de lui-même, comme je le lui ai demandé mais je l'entends s'affairer dehors. Il me faut tout mon courage pour parvenir à m'arracher du sac de couchage. J'enfile à nouveau mon manteau qui fonctionne toujours pas intermittence, ainsi que mes chaussures. Ma cheville est à nouveau gonflée mais beaucoup moins que le premier jour. Encore une dose de la pommade magique d'Aaron et je pourrais sans doute courir.

Il a réussi par je ne sais quel miracle à faire un feu dans un forêt enneigée. Son sac à dos doit regorger de choses utiles. S'il pouvait me le laisser pour la suite du voyage... Je pourrais le lui prendre, mais j'ai peur qu'un système GPS permettant à mon père de savoir où je suis s'y trouve. Une fois capturée, les hommes de Lidil@nd n'auront aucun mal à trouver la balise et remonter jusqu'à lui. Ils penseront alors qu'il est l'instigateur de ma mission.

Je m'approche du feu. Je sens mes doigts se détendre sous l'effet de la chaleur. J'en profite pour étendre mon manteau et me mettre dos à la lumière. Avec la réverbération de la neige, la batterie devrait se charger encore plus vite. Avec un peu de chance, lorsque nous devrons quitter notre campement, il aura assez de batterie pour tenir, y compris la nuit prochaine, lorsque je n'aurais plus la chaleur d'Aaron pour m'aider à rester en vie.

La forêt enneigée est magnifique. Je garde tout de même en tête qu'il sera plus facile à Aaron de me retrouver à cause des empreintes. La météo ne me facilite pas la tâche. Il fait si froid. Heureusement que mon manteau est équipé de gants intégrés car je n'avais même pas pensé à en prendre. Dommage que je n'y connaisse rien en plante. Avec ce feu et la neige, j'aurais pu me faire un thé pour me réchauffer.

J'entends une voiture passée au loin pendant qu'Aaron bricole ma cheville pour me permettre de marcher. La voilà l'idée pour le semer : je vais faire du stop. Grâce à mon entraînement, je cours sans doute plus vite que lui mais avec l'état de ma cheville, sait-on jamais. Il serait plus prudent d'être aidée d'un moteur pour fuir.

« Assieds-toi sur cette souche, me dit-il en posant un gros tronc près du feu. Je vais te remettre de la pommade. »

Il ne se contente pas de ça, il me pique à nouveau avec le contenu d'une nouvelle seringue. À nouveau, je sens le givre circuler dans mes veines et dégonfler la zone. Ma jambe me paraît comme neuve mais le jeune homme insiste pour me remettre un bandage autour de la cheville. Je le laisse faire tout en calculant le nombre de voitures que j'entends passer pendant les cinq minutes que durent les soins. Une seule. La route n'est pas très fréquentée mais si ce rythme se maintient, j'ai une chance de parvenir à m'enfuir.

Dix minutes plus tard, je me tiens prête, vêtements enfilés, tente repliée, sac rempli. J'attends que mon très éphémère compagnon de route parte soulager un besoin naturel un peu plus loin pour prendre mes jambes à mon cou et me précipiter au bord de la route.

Alors qu'il s'éloigne d'un pas léger, je me demande si je n'ai pas intérêt à prendre du matériel dans son sac. Après tout, c'est sans doute mon père qui l'a payé. Ce n'est pas comme si c'était du vol. Aaron est encore visible. Je m'approche du sac mais change d'avis. Je n'ai pas de temps à perdre à fureter pour comprendre ce qu'il transporte et arbitrer sur ce que je prends ou pas. J'ai tout ce qu'il faut pour arriver à Paris dans mon sac. Je dois conserver ces précieuses secondes pour me constituer une avance. Je commence à courir. Je ne peux pas me permettre de rester sur place. Si la prochaine voiture tarde trop à arriver, Aaron risque de me rattraper avant que je puisse monter dans mon carrosse.

La neige n'a pas tenu sur la route. Pour que mes traces ne me trahissent pas, je marche d'abord dans le sens opposé de la direction que je compte prendre. Puis, lorsque j'ai atteint la route, je change de direction, veillant à ne pas toucher la neige. Je compte dans ma tête les secondes. Combien de temps mettra-t-il à revenir au feu de camp, à comprendre que je suis partie et à me courir après ? Trois ou quatre minutes. C'est une fourchette haute. Disons trois pour ne pas avoir de mauvaise surprise. Je cours donc je maintiens la distance entre lui et moi, même s'il me poursuit. Si je cours plus vite que lui, je gagne du temps et il ne me rattrapera jamais. Si nous sommes à la même vitesse, j'aurais toujours ces trois précieuses minutes d'avance. S'il est plus rapide que moi, j'ai intérêt à trouver au plus vite mon chauffeur. Mon père sera sans doute furieux.

Les Secrets du LidiniumWo Geschichten leben. Entdecke jetzt