Chapitre 13

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Un chapitre assez long pour me faire pardonner de l'attente. Un peu plus de 6800 mots, bonne lecture !

Petite musique pour accompagner :)

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— Toujours aussi intenable, te voilà à peine ici que tu repars déjà, déclara Monsieur Do tout en tournant la page de son journal et remontant ses lunettes soigneusement placées au bout de son nez, je n'ai même pas eu le temps de m'habituer à ton nouveau visage, ce n'est plus exactement le même qu'il y a cinq ans.

Confortablement assis sur la chaise de la cuisine, le gérant de la boutique d'Arts créatifs était affalé en face de moi et lisait les nouvelles du jour, n'accordant peu d'importance à leur contenu.

Je m'attendais à ce qu'il soit assez compréhensif suite à ma déclaration, et c'était plutôt le cas.

Il ne semblait pas si surpris que ça.

Et puis il avait raison, en plus de posséder des humeurs assez versatiles qui ne me rendaient vraiment pas facile à vivre, j'étais tout bonnement incapable de rester en place.

La banalité et la routine n'étaient pas des choses faites pour moi, j'en étais convaincu.

Plutôt mourir que de vivre cloîtré entre quatre murs et me lever tous les matins pour un travail barbant que j'aurais choisi par dépit. Sans pinceaux, peinture, toiles ou bien encore chevalets.

Jamais de la vie.

Ces semaines passées ici m'avaient apaisé, mais j'avais désormais du temps pour réaliser toutes les choses que j'avais manqué de faire durant ma piètre existence et ne voulais plus en perdre une seule seconde.

J'avais eu une adolescence, mais il y avait ce petit moment entre celle-ci et l'âge adulte. Celui où vous n'étiez pas assez grand pour qu'on vous prenne au sérieux, mais beaucoup trop pour qu'on vous traite encore comme quelqu'un qui ne connaissait rien au fonctionnement de ce monde.

Alors vous deviez vous débrouiller.

Ce temps-là, je l'avais entièrement passé dans mon atelier, et dire que cette vue imprenable de la nature depuis l'immense baie vitrée ne me manquait pas serait mentir.

Toutes ces après-midis où je peignais sans relâche jusqu'à ce que des cloques surgissent sur mes mains habiles et que mon échine ne crie douleur, peinant à se redresser sans faire résonner mes os anormalement courbés. Toutes celles où je me laissais paisiblement bercé par la musique diffusée par l'enceinte du salon, ébloui par les nuances orangées des crépuscules qui réchauffaient ma peau hâlée.

Et bien, puisque je ne peignais presque jamais le soir ni le matin, elles n'existeraient plus.

Ces mois écoulés dans cette petite bulle, qui n'étaient finalement rien d'autre qu'un laps de temps, m'avaient un tant soit peu coupé de la triste réalité, me faisant croire à une utopie sans fin.

L'utopie du passionné.

Le vrai monde, je venais de le découvrir mais ne voulais pas me conformer à sa routine.

Il y avait eu moi et mes œuvres, celles à qui j'avais donné la vie et qui m'avaient tenu compagnie dans cet endroit où la solitude était mot d'ordre. Je m'étais surpris à leur avoir adressé la parole un bon nombre de fois, je n'avais jamais obtenu de réponse d'ailleurs ; mais ce n'était pas si mal, me sentir écouté me suffisait.

Grâce à ces chimères, j'étais parvenu à ne pas le ressentir, l'isolement. Il était beaucoup trop intense pour quelqu'un de normalement constitué, et je l'avais appris à mes dépends.

Redamancy | TaeKookМесто, где живут истории. Откройте их для себя