— Je ne pouvais pas te laisser t'attacher à moi, parce que je savais que tu repartirais un jour... Et regarde, tu es parti après quoi, environ six mois ?

— Ouais, c'est ça. Ma tante a débarqué et nous a emmené. Et en une semaine, je devais dire adieu à tout ce que j'avais réussi à traverser.

— Mais tu avais un avenir là-bas Ezra. Quelqu'un qui prendrait soin de toi et de ta mère. On ne t'a pas laissé avec n'importe qui.

Il hoche la tête et porte son énième gobelet de café à ses lèvres. Je pensais qu'il avait quitté New York de plein gré. Ce ne fut pas le cas, visiblement.

— Tu te souviens quand je t'ai demandé de m'adopter ?

J'entrouvre ma bouche, légèrement choquée. Il plante ses yeux dans ceux d'Abby, qui reste stoïque. Elle s'en souvient, c'est certain.

— Oui, bien sûr, répond-elle en buvant une gorgée de son thé.

— Je t'en ai voulu. Très longtemps.

Il se met à nu devant elle. Et moi qui croyait tout savoir de lui... Je me suis bien plantée. Je crois que je ne connais même pas un tiers de sa vie. L'adoption est quelque chose de vraiment important et je doute que ce soit si anodin que ça pour qu'il en parle aujourd'hui avec tant de sérieux. C'est vrai qu'il était très jeune, mais dans ce genre de contexte, je suis certaine qu'une demande de ce genre venant de sa part n'est pas immature.

— Ezra... Tu savais bien que c'était impossible. Ta mère était là pour toi. Tu n'étais pas seul.

— Je l'étais ! s'écrie-t-il soudainement. J'étais le seul gamin à ne pas sortir quand les parents avaient le droit de nous emmener. Elle ne venait presque jamais, siffle-t-il. Si Maryse n'était pas venue, elle m'aurait laissé pourrir à l'hôpital. Et tu m'as abandonné !

— Ezra, lancé-je en déposant ma main sur son avant-bras, tout le monde nous regarde, chuchoté-je.

Abby a les larmes aux yeux. Elle voit bien qu'il en souffre toujours autant. Et visiblement, c'est le cas pour elle aussi.

— Si j'avais pu... Je t'aurais emmené au bout du monde avec moi. Mais je n'étais pas ta mère Ezra. Tu sais pourquoi je n'ai jamais eu d'enfants ? Parce que c'est toi, mon seul fils. Et je savais qu'en te laissant, tu serais heureux. Montréal était parfait pour toi.

— Et ça l'est, mais ça aurait été encore mieux si tu avais été là. Elle ratait même certains rendez-vous médicaux les premiers mois. Et quand elle a eu Lexie, elle est restée quoi, cinq ans ? Ensuite, elle a profité de l'argent de Maryse et elle s'est barrée faire sa formation d'hôtesse de l'air ici. J'avais dix ans. Et je n'avais toujours pas de mère.

— Je suis désolée d'entendre ça, je ne savais pas...

— Tu aurais pu prendre de mes nouvelles, tranche-t-il d'un ton dur.

— Ta mère a refusé, avoue-t-elle d'une toute petite voix.

— Quoi ?

Je ferme les yeux un quart de secondes et je glisse ma main sous la table. Je serre fort la sienne. La suite ne va sûrement pas être une partie de plaisir, et pourtant, il a déjà souffert assez.

— Elle m'a dit que tu disais que tu avais une vraie maman et une fausse... Que la vraie était restée à New York. Tu devenais de plus en plus confus... Elle m'a interdit de prendre de tes nouvelles, juste après ton sixième anniversaire. Je suis tellement désolée mon chou, je ne me le suis jamais pardonné. Je t'ai abandonné, tu as raison.

Le blond n'ajoute rien. Il doit être beaucoup trop secoué après ce qu'il vient d'apprendre. Et je le suis presque autant que lui. Je n'aurais jamais soupçonné cette partie de son histoire. Tout s'emboîte dans ma tête. Le fait de parler de la violence qu'il a subi lui rappelait aussi Abby. Il ne s'en ait jamais vraiment remis parce qu'il s'est senti abandonné.

Neptune 2Where stories live. Discover now