8. Jeu d'ombres

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Jay avait beau tout faire pour garder contenance, il était tétanisé.

En bon hacker, il avait fait ses recherches depuis que Cleo était arrivée chez lui: et ce qu'il avait trouvé était on ne pouvait plus explicite sur la personne qu'il avait en face de lui.
Amanda Waller était tout ce qu'il détestait: politicienne farouche et meneuse d'hommes à la poigne de fer. Une femme de l'ombre, qui dirigeait en secret une bonne partie des affaires internes du pays, sans que personne n'en sache rien. Le genre de personne qui avait un contrôle quasi-total sur la vie de ses congénères, mis entre ses mains par des dirigeants encore plus déconnectés de la réalité qu'elle ne le serait jamais, ce qui n'était pas peu dire.
Mais plus que cela, Waller était quelque chose de bien pire aux yeux de Jay. Elle était littéralement celle par qui le projet même de la Suicide Squad avait été mis sur pied. C'était elle qui en avait pris l'initiative. Elle qui avait convaincu ses supérieurs du bien fondé de cette folle entreprise. Elle qui décidait des criminels, véritables ou non, qui auraient l'immense honneur d'en faire partie. Elle, enfin, qui avait pris le parti de leur coller dans la nuque des nano-bombes mortelles qu'elle pouvait déclencher à tout moment.

En d'autres termes, Jay avait devant les yeux la seule et unique responsable de tous les malheurs de Cleo.
Cette simple idée, couplée à toutes les informations peu reluisantes qu'il avait pu trouver sur elle, le faisait considérer Amanda Waller comme une ennemie naturelle, bien qu'il s'agisse de la première fois qu'il la rencontrait.
Et s'il n'était clairement pas ravi à cette idée, ça ne semblait pas être le cas de la politicienne:

"Ravie de vous rencontrer Mr L7nX, dit-elle, pardonnez moi cette entrée tonitruante, mais il me fallait un prétexte suffisamment solide pour vous pousser à venir ici.

Elle ne semblait pas accorder la moindre attention à tous les cadavres déchiquetés des Irlandais qui gisaient autour d'elle. Elle se contentait de fixer Jay, avec la même indifférence qu'un enfant qui venait d'écraser négligemment une colonie de fourmis. 
Ainsi, comme Jay s'en était douté quelques instants auparavant, c'était bien elle qui l'avait contacté anonymement en se faisant passer pour les Wound Ravens. Et lui, comme un idiot, il avait foncé, croyant y voir une opportunité de régler les choses avec les Irlandais en évitant un bain de sang.

De toute évidence, c'était un échec sur toute la ligne.

- Vous vous êtes faite passer pour un gang de criminels, vous m'avez mené tout droit dans un coupe-gorge et vous venez de dessouder l'intégralité du gang en question en quelques secondes, sans même un tic nerveux, siffla Jay, vous m'excuserez de ne pas partager votre enthousiasme.

- Vraiment navrée, répondit Waller, toujours sans qu'aucune émotion ne transparaisse sur son visage, mais je voulais être sûre de savoir à qui j'avais affaire. Et de plus, vous n'avez pas l'air très impressionné.

- Je ne vous trouve pas très impressionnante.

C'était clairement un mensonge. Aux yeux de Jay, cette femme paraissait glaçante, terrifiante même. Plusieurs fois il avait eu des déboires avec des criminels ou des truands, et il commençait à les connaître. Mais Amanda Waller, elle, était d'une toute autre catégorie: de celle qui était située officiellement du "bon" côté de la loi, la catégorie de ceux qui se croyaient tout permis au prétexte que les plus hautes autorités du pays le leur laissaient croire. Il venait d'en avoir la preuve flagrante.
La réponse du hacker parut miraculeusement lui arracher un petit rictus, que le jeune homme interpréta comme un signe manifeste de mépris devant sa tentative de garder son assurance. 

- Le courage du bon samaritain, se moqua Waller, pas sûr que cela suffise à vous sauver.

Jay soupira. Il en était sûr maintenant, il aurait mille fois préféré les Irlandais.

Rat des villes et rat déchuOnde histórias criam vida. Descubra agora