Rat des villes et rat déchu

5. Partenaires Particuliers

Jay grommela en voyant l'heure affichée sur son écran.

17h45.

Il s'était encore endormi sur son bureau. 

La bouche pâteuse, le hacker chercha à tâtons la bouteille d'eau pétillante avec laquelle il s'était installé à son ordinateur la veille. Ne la trouvant pas, il se résigna à se redresser sur sa chaise, et baissa la tête lorsque son pied heurta quelque chose. En soupirant, il ramassa la bouteille vide qui traînait par terre, et qu'il avait vraisemblablement terminé sans s'en rendre compte.

" Fait chier..."

Après s'être étiré et avoir fait craquer ses articulations dans tous les sens, Jay se leva de sa chaise, et se traîna dans la pièce principale, en direction de la salle de bain. Le temps que ses yeux s'habituent à la lumière de la journée, qui filtrait à travers les stores de sa fenêtre, la porte de sa chambre passa dans son champ de vision, et le jeune métisse s'arrêta net.

Elle était ouverte.

Cela faisait maintenant une semaine qu'il avait recueilli Cleo "Ratcatcher 2" Cazo chez lui, et s'il n'avaient pas encore eu le temps d'apprendre totalement à se connaître, Jay savait désormais une chose essentielle sur la jeune femme: elle était dotée d'un sommeil de plomb dont il était quasiment impossible de la tirer une fois endormie. Et si elle s'était montrée au départ un peu réticente à l'idée d'utiliser le lit de Jay, ce dernier devait avouer qu'elle le rentabilisait à merveille: jamais il n'avait vu quelqu'un dormir autant. Les nuits de Cleo ressemblaient plus à des sortes de mini-comas journaliers plus qu'à de véritables nuits réparatrices. 
Mais si Jay était totalement honnête avec lui-même, il devait bien avouer que lui non plus n'était pas un professionnel du sommeil. Contrairement à Cleo, il n'avait que très peu dormi ces derniers temps, et aujourd'hui n'était qu'une des nombreuses et récentes fois où il se réveillait en pleine fin de journée, suite à une nuit blanche passée bien trop lentement à son goût. 

En revanche, c'était bien la première fois qu'il voyait la porte de sa chambre ouverte à son réveil. D'ordinaire, Cleo ne se réveillait jamais avant lui, et elle laissait toujours la porte de la chambre fermée tant qu'elle était en train de dormir.
Désirant en avoir le cœur net, Jay se dirigea prudemment vers sa chambre, et tapota doucement la porte en appelant:

"Cleo ? T'es là ? Je peux entrer ?"

Il avait beau être chez lui, il n'était tout de même pas devenu si familier avec elle qu'il prenait le risque de la surprendre à tous moments. Jay ne connaissait pas grand chose aux femmes, mais il lui semblait que, tout comme lui, elles devaient apprécier que l'on s'inquiète de leur intimité.
Mais cette fois, il n'eut pas de réponse. Il eut beau tendre l'oreille, il n'entendait même pas le souffle de la jeune femme dans son sommeil. Après tout, peut-être n'était-elle toujours pas réveillée, et la porte avait très bien pu s'ouvrir toute seule.
Jay ouvrit lentement cette dernière, et écarquilla les yeux, stupéfait.

Le lit était vide. 

Il était défait, et la couverture traînait à moitié par terre, comme si quelqu'un en était sorti en hâte. Interloqué, le hacker promena son regard sur la pièce, et il sentit une colère sourde monter en lui: la tenue de Cleo n'était plus là, non plus que les affaires qu'elle avait acheté lorsqu'elle était arrivée. Même le petit panier que Jay avait placé sur sa table de nuit à disposition de Sebastian était immaculé, comme si le rat n'y avait jamais mis les pattes. 
Si l'on en jugeait par l'état général de la chambre, cela donnait clairement l'impression que personne d'autre que lui ne s'était jamais trouvé là. Et Jay savait pertinemment que la veille au soir, Cleo était allée dormir dans cette même pièce, comme elle le faisait depuis une semaine.