Rat des villes et rat déchu

1. L7nX

S'il était honnête avec lui-même, Bob Ostrander était bien obligé d'avouer qu'il avait connu des journées bien pires que celle-ci.

Lorsqu'il s'était engagé dans la police de Gotham City, il l'avait surtout fait pour faire plaisir à ses parents. Il n'avait jamais vraiment rien eu des héros de la justice qui faisaient tant fantasmer son père, qui avait toujours rêvé son fils en Batman ou en James Gordon. Mais Bob s'en moquait bien. Il avait certes un des postes les plus ingrats au sein du G.C.P.D, mais au moins, il était sûr de ne pas finir comme beaucoup trop de ses anciens collègues, assassinés, torturés, paralysés ou explosés par des gangs, des familles de la pègre et autres super-vilains. 
Aujourd'hui encore, ils avaient été particulièrement occupés aux quatre coins de l'île de Downtown. Du moins, ses collègues l'avaient été. Lui n'avait une fois de plus rien eu d'autre à faire que de rester là, à surveiller les écrans des caméras installées dans le bâtiment. Le G.C.P.D avait connu suffisamment d'attaques directes ces derniers temps pour se permettre de garder des agents sur place pour les prévenir. Et Bob en était bien content: il était à l'abri de toute possibilité de mort violente, dans un des bâtiments les plus sécurisés de la ville, et il se montrait même utile à ses collègues en le faisant ! Une pure aubaine !
Assis sur sa chaise de bureau, l'agent se mit à penser à tout ce à quoi il échappait en restant ici, et qui était le lot quotidien de ses collègues depuis ce matin: braquages de banque, enlèvements, posages de bombes et même un vol de donuts dans une boulangerie ! Un sourire apparut sur le visage de Bob tandis qu'il repensait à ce dernier "crime". En voilà un dont personne ne pourrait jamais l'accuser ! Il était très bien payé pour le peu de travail qu'il avait à faire, et jamais il n'avait eu à voler un quelconque donut. Pas même celui qu'il porta négligemment à sa bouche, en contemplant les écrans d'un air amorphe. Sa bedaine naissante était la preuve qu'il raffolait des pâtisseries, mais de là à risquer de se faire attraper en en volant...
Il fallait vraiment être complètement fou ou inconscient pour être arrêté pour une bêtise pareille. 

"Eh Ostrander ! Rien à signaler ?

Bob se retint de mordre dans son donut, et se retourna en grommelant. Devant lui se tenait un de ses collègues, qui, comme beaucoup trop dans ce bâtiment, semblait constamment inquiet de tout. 

- Nan Loggins, rien du tout, répondit-il en s'étirant, de toutes façons, qu'est-ce que tu veux qu'il se passe ici, il y a suffisamment d'activité pour les criminels là dehors pour les garder éloignés de cet endroit. 

Il ne vit pas la petite moue méprisante apparue sur les traits de son collègue lorsque ce dernier répondit:

- Jamais relâcher sa vigilance Ostrander, on est là pour anticiper des manquements à la loi, pas simplement pour bouffer des donuts.

Bob parut presque éclater de rire en se retournant vers les écrans de surveillance, redirigeant son attention vers sa viennoiserie. 

- Relax voyons, on n'est pas sur le terrain ici, que veux tu qu'il se passe ? Faut apprendre à se détendre mon pote. Et tu apprendras qu'il n'y a rien de meilleur qu'un délicieux donut. Celui-là, c'en est un à la confiture, et crois moi, rien ni personne ne m'empêchera de le dégus...

Mais le sort voulut que Bob ne morde jamais dans son donut, lorsqu'il sursauta violemment en entendant son collègue pousser un hurlement strident, et que la pâtisserie lui échappa des mains pour aller s'écraser mollement sur le sol froid et sale de la salle de surveillance, atterrissant comme de bien entendu du côté confiture. 
Le dénommé Loggins se précipita sur l'un des écrans, et saisissant Bob par le col, lui montra ce dernier du doigt en continuant de hurler: 

- ET ÇA ?! QU'EST-CE QUE C'EST QUE ÇA BORDEL ?!

Essayant tant bien que mal de se remettre de l'explosion de colère de son collègue, Bob reporta maladroitement son attention sur l'écran que ce dernier lui montrait. On pouvait y voir la salle des archives, où étaient stockée la majorité des informations judiciaires et des documents importants relatifs aux activités du G.C.P.D. L'endroit que pointait la caméra semblait vide, si l'on faisait exception des deux agents de sécurité qui apparaissaient à l'image, étalés sur le sol, inconscients.