2. Le chant des sirènes

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Ne pas se faire attraper. Ne pas attirer l'attention. Rester invisible.

Plus facile à dire qu'à faire.

Jusqu'ici, Cleo avait réussi à rester aussi discrète que possible. De ce point de vue là, les toits de Gotham avaient un aspect bien pratique.
Cependant, elle n'allait pas devoir tarder à changer de coin. Le boulanger, décidément remonté comme jamais, avait eu tôt fait de la signaler à la police, et désormais, tout le quartier semblait au courant que Ratcatcher 2 était sortie de prison, et qu'elle était de nouveau en liberté dans la ville. Et à la vitesse à laquelle allait l'information aujourd'hui, Cleo ne doutait pas que tout Gotham serait bientôt au courant. Elle n'était vraiment pas pressée de revoir son visage placardé partout, la signalant comme armée et dangereuse.

Armée...elle aurait presque pu trouver drôle que l'on considère les rats comme des armes. Après tout, c'était ce qui l'avait menée directement à Belle-Reve. Tout ça parce qu'elle avait ce lien particulier avec les rongeurs. Elle qui n'avait jamais menacé personne d'une arme, et ne savait même pas se servir d'une arme à feu. La seule chose la plus proche d'une arme qu'elle ait jamais eu en main était la machine de son père, qu'elle se refusait à considérer comme telle.
Alors oui, en temps normal, Cleo aurait pu considérer la panique que provoquaient les rats chez les gens ordinaires comme amusante.

Mais sur le moment, il n'y avait pas de quoi rire.

Elle était bloquée sur ce même toit depuis des heures.
Au départ, elle avait su se déplacer de toit en toit ainsi que le lui avait appris son père, mais elle en était finalement arrivée à cet instant fatidique : un immeuble moins bien agencé que les autres, et trop éloigné de ses voisins pour que Cleo puisse atteindre le suivant par un simple saut. Si elle se ratait, elle se briserait le cou en contrebas. Et même en admettant qu'elle réussisse à l'atteindre, elle attirerait forcément l'attention des passants dans la rue ou pire, celle des habitants de l'immeuble.
La solution la plus simple aurait été pour elle de redescendre au niveau du sol et rechercher un meilleur endroit pour grimper, mais même avec sa capuche sur la tête, sa tenue restait trop voyante parmi les habitants. Et la police était désormais à l'affût...

Cleo se releva, et se frotta les yeux. Elle dormait mal ces derniers temps, et elle était épuisée. C'était presque ironique : elle avait presque l'impression de bien plus manquer de sommeil depuis qu'elle avait quitté Belle-Reve. Mais elle savait pertinemment que ce n'était pas une impression, et elle savait également très bien pourquoi.

Mais elle ne pouvait pas s'arrêter. Il fallait continuer. Trouver un coin tranquille où ils pourraient de nouveau s'installer provisoirement et se reposer, Sebastian et elle.
Baissant la tête vers la poche de cuir qui reposait sur sa poitrine, Cleo sourit tendrement en voyant son petit compagnon dormir paisiblement, roulé confortablement en boule. À bien y réfléchir, c'était surtout elle qui avait bien besoin de repos.

La jeune femme s'étira, et étendit ses bras devant elle. Elle était fatiguée et sa séance d'escalade matinale commençait à se faire sentir.
Elle se décida finalement à redescendre. Elle ne voulait pas tenter de saut imprudent et si elle devait continuer à grimper plus tard, elle préférait le faire depuis des endroits mieux placés.
Cleo se plaça au bord du toit et, avisant la ruelle en contrebas, entama sa descente. Elle faisait ça depuis toute petite, aussi ne lui fallut-il que quelques secondes pour rejoindre le plancher des vaches, aussi souple et silencieuse qu'un chat. Sebastian ne se réveilla même pas.
Après s'être assurée d'être bien seule dans la ruelle où elle avait atterri, Cleo rabattit sa capuche sur sa tête et avança prudemment vers la rue principale. Aucune voiture de police n'était en vue et avec un peu de chance, les passants seraient suffisamment pressés ou indifférents pour remarquer sa tenue. Priant pour que cela soit le cas, Cleo baissa la tête, et se mêla à la masse de badauds qui empruntaient le passage piéton pour traverser la rue. Elle eut presque l'impression de sentir les regards des automobilistes arrêtés au feu rouge dans leurs voitures qui la regardaient au milieu des passants d'un air circonspect.

Rat des villes et rat déchuOù les histoires vivent. Découvrez maintenant