Chapitre 16-1

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Ellie

Réveillée par un son imperceptible, j'ouvris lentement les yeux. C'était le milieu de la nuit, les bougies étaient presque finies. Après la lumière, c'étaient maintenant les ténèbres qui m'horrifiaient.

Curieuse, je cherchais des yeux ce qui avait bien pu me réveiller. Comme chaque nuit, Erik s'était endormi à mon chevet la tête rejetée en arrière sur le grand fauteuil.

Lupo, à mes pieds, avait ouvert un œil mais gardait la tête et les oreilles baissées. Rien d'alarmant. Pas de danger. Pas d'intrus.

Pourtant quelque chose m'avait assurément réveillée.

- Ellie... Non... pars... pas, souffla Erik dans son sommeil.

Le pauvre devait faire un cauchemar. C'était cette plainte, ce murmure chargé d'angoisse qui avait dû me réveiller. Agité, il semblait se débattre contre un ennemi féroce.

Ne supportant pas sa détresse, je me décidais à le réveiller.

Premier contact depuis des jours voir des semaines, une main sur son épaule je le secouais doucement.

- Erik réveille-toi. Tout va bien... chuchotais-je d'une voix rauque.

Ouvrant les yeux, paniqué, cherchant son air, il finit par faire le point sur ma silhouette.

- Tu parles ? demanda-t-il hébété.

- Oui je parle, dis-je avec un sourire serein.

- Quelque chose ne va pas ? Tu as mal quelque part ? demanda-t-il affolé.

- Chut, tout va bien, murmurais-je en posant ma main sur son épaule pour l'apaiser.

A cet instant notre regard se croisa, et une vérité silencieuse passa entre nous. Sans hésiter, je me penchais vers lui et déposais un baiser sur son front.

Le sentant se tendre, je reculais en arrière pour le regarder et m'assis sur le lit en face de lui.

Hébété, il me fixait avec crainte et admiration. Sans le laisser parler je lui dit :

- Merci. Tu m'a sauvée.

- De rien, dit-il avec maladresse.

- J'étais perdue. C'est dur à expliquer, dis-je en m'asseyant sur mon lit.

- Tu sais... Tu n'es pas obligée d'en parler si c'est trop dur, dit-il en détournant les yeux.

- Je sais...

Pas obligée, mais j'en avais envie, j'en avais besoin ! Cette expérience hors de mon corps m'avait effrayée, m'avait changée mais m'avait également été bénéfique. J'en avais appris plus sur le monde, plus sur moi et surtout plus sur nous... Il avait risqué sa vie pour moi, il m'avait ramenée.

Je devais en parler. Pour le remercier et pour continuer ce qu'il avait commencé.

- C'était à la fois froid et chaleureux, noir et lumineux. Effrayant et merveilleux. Je n'ai pas de souvenirs distincts mais j'en garde une impression de sérénité et d'apesanteur.

- Tu ne te rappelle pas de paroles ou sons particuliers ? demanda-t-il sans assurance.

- Non, pas de paroles, juste des sons sourds comme une mélodie, profonde et transcendante.

- Bien, dit-il avec soulagement.

Il avait dû me dire des choses dont il n'avait pas envie que je me rappelle. Je n'avais aucun souvenir de ces paroles prononcées mais j'avais quand même perçus l'essentiel. Un sentiment, une intention.

- J'étais à la fois tout et rien. Incapable de me souvenir qui j'étais ou de percevoir clairement ce qui m'entourait. J'étais peu à peu en train de me fondre à l'infini, de m'évanouir, de m'estomper quand quelque chose ou quelqu'un m'a rappelé... Cela a été brutal. Ce rappel de la chair, ce retour à la vie... Douloureux, mais doux à la fois. J'ai sentis ta présence !

- C'était un peu le but en faite, dit-il en souriant. Nous avons pensé que si je réussissais à créer un contact avec ta conscience nous pourrions te ramener.

- Oui... Un contact... d'âme à âme... dis-je songeuse. Tu aurais pu mourir tu sais?

- Je sais... J'ai sentis mon essence être aspirée quand le contact s'est établis. Mais heureusement les mages étaient là.

Les mages ! Oui je les avais sentis. Ils avaient essayé de m'arracher à cette sérénité, mais la vérité c'était que ce n'était pas eux qui m'avaient ramené. C'était moi qui avait décidé de revenir.

- Sans toi je crois que j'aurais décidé de m'estomper... dis-je en baissant les yeux. C'était si paisible. Il n'y avait plus de lutte, plus de responsabilité.

- Je suis désolé, dit-il en baissant la tête. C'était égoïste de vouloir te ramener à tout prix. Je n'ai pas réfléchi au fait que tu étais peut-être mieux là-bas. Je n'ai pensé qu'à moi. Qu'à ton absence insoutenable.

- Non, ne dis pas ca, dis-je en mettant ma main sur sa bouche pour le faire taire. Tu as été courageux.

- Plutôt inconscient ! Je n'avais pas vraiment prévu d'y risquer ma vie. Et puis je préférais mourir que continuer sans toi, dit-il en rougissant.

- Ce n'est pas d'avoir risqué ta vie qui a été courageux, mais d'avoir dévoilé ton cœur, dis-je en lui prenant doucement la main.

Les joues rouges comme des pivoines, regardant ses pieds, il resta sans voix. Je crois que jusqu'au bout il avait espéré que je ne me rappelle de rien. Et dans un sens c'était le cas. Je ne me rappelais pas de ses paroles. Mais j'avais fusionné avec lui. Nos âmes avaient communié et j'avais sentis son amour. Inconditionnel, pur et puissant !

Ce n'était pas pour m'accrocher à la vie, ni pour sauver le monde que j'avais décidé de revenir. Non, c'était bien plus égoïste, bien moins noble mais bien plus vrai. C'était pour nous.

- Je croyais que tu ne te rappelais pas des paroles... dit-il d'une petite voix.

- Pas besoin de paroles quand nos essences fusionnent. Je sais ce que tu ressens. J'ai senti ton amour, dis-je d'une voix douce.

Le silence s'installa entre nous. Ma dernière phrase semblait l'avoir ébranlé. Interdit, sa bouche s'ouvrait et se refermait comme-s'il cherchait ses mots. J'attendis patiemment qu'il reprenne ses moyens et se décide à parler.

- Je suis désolé si cela t'as choquée ! Je sais que je suis comme un frère pour toi... Si tu veux changer de protecteur je comprendrais ! dit-il sur la défensive.

Sans lui laisser le temps de renchérir, je me levais et plaquais ma bouche contre la sienne.

Il avait les lèvres douces et chaudes mais son visage était crispé. Les mains accrochées aux accoudoirs, il semblait se retenir de les bouger. Penchée vers lui, les mains sur ses épaules pour m'équilibrer, je l'embrassais timidement.

Au départ, il ne réagit pas vraiment puis d'un coup, comme si une digue venait de lâcher il devint plus entreprenant. Me serrant brusquement contre lui, il commença à m'embrasser avidement.

Puis l'instant d'après tout était finis, il me repoussait en se levant comme-s'il voulait mettre le maximum de distance entre nous. S'essuyant la bouche comme si je l'avais brulé, il était redevenu froid et distant.

- Non je suis désolé, je ne peux pas ! Le serment...

- Je me fiche du serment et du qu'en diras t'on ! dis-je en faisant un pas vers lui.

- Pas moi ! dit-il en s'emportant et en reculant encore plus vers la porte.

- Tu fuis encore! S'il te plait sors d'ici, j'aimerais me reposer. Au cas où tu l'aurais oublié, je viens de frôler la mort ! dis-je rageuse en le mettant dehors.

La Lumière d'Hallmar - Tome IWhere stories live. Discover now