Chapitre 15

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 C'est un assassin, songeai-je tout en regardant Connor derrière son pupitre.
Un hommage national a été organisé en express suite au décès du Président, Richard White. Dans la politique états-unienne, lorsqu'un Président se retrouvait incapable d'exercer ses fonctions, c'était son Vice-Président qui reprennait les rênes. Connor allait donc prendre la relève dans très peu de temps. À côté de lui, le visage baigné de - fausses - larmes, se trouvait Heather White, maintenant veuve. Je lui cherchais un mobile depuis hier soir. Richard était-il violent avec elle ? Voulait-elle le quitter mais lui en avait-il retiré la possibilité ? Je refusais de penser qu'elle avait participer à son assassinat juste pour le plaisir, il devait y avoir, comme pour Gallen, une opportunité derrière à saisir. Mais laquelle ? Je n'avais encore rien d'officiel à donner.
Une légère brise de vent vint me chatouiller le visage et me rafraîchir. Il faisait chaud aujourd'hui, et nos vêtements sombres rendaient cette chaleur encore plus insoutenable. Je n'écoutais pas ce que Gallen disait, j'observais la foule aux alentours. Une foule exclusivement composée de sénateurs et de députés influents, avec quelques diplomates un peu à l'écart qui n'avait pas refusé l'invitation globale envoyée par la Maison Blanche. Je vis des larmes sur quelques visages qui tentaient de rester impassibles. Ces gens-là, se doutaient-ils que ceux qui venaient de plonger l'Amérique dans un état d'insécurité sans précédent se trouvaient juste devant eux ? Eux aussi, entrain de pleurer ? Non, pas le moins du monde. Ils s'en fichaient. Ce n'était pas leur taff, après tout.
Tout ce cinéma était retranscrit sur les télévisions de tout le pays. La foule se scinda en deux, laissant une allée libre pour que le cercueil blanc du défunt Chef d'Etat puisse rejoindre les devants de la Maison Blanche. Les rayons du soleil se reflétaient sur les poignées dorées ainsi que les moulures tout autour du bas du cercueil, m'éblouissant par intermittence. Les hommes déposèrent l'éternel lit du mort et Heather prit la place de Connor. Ils s'échangèrent un regard remplit de compassion, se soutenant mutuellement. Le vent s'agita davantage lorsque la veuve prit la parole d'un ton sûr, se brisant par moment à cause de la tristesse.
Rand, qui était à ma gauche, scrutait elle aussi la foule de ses grands yeux marrons. Je voyais de l'indifférence sur son visage lorsqu'elle regardait les hommes en larmes, et son regard lançait des éclairs à Heather. Je lui donnai un très faible coup de coude, attirant son attention. Je lui fis comprendre qu'on devait nous aussi jouer la comédie, faire comme si que nous ne savions rien de cette mascarade. Elle comprit le message et ses traits s'adoucirent. Sa main vint s'enrouler autour de mon coude et sa tête se posa sur mon bras. Gallen ne pouvait pas nous voir d'ici et tant mieux, nous n'étions pas censées avoir l'air aussi proches.
La minute de silence commença. Aucun son ne résonnait dans l'air. Le vent ne soufflait plus, les oiseaux s'étaient envolés, le trafic interrompu. Je n'entendais même pas de reniflement, ni de respirations engorgées. Le silence était absolu, rendant l'ambiance encore plus pesante. J'avais cogité toute la nuit sur comment je pourrais résoudre cette enquête. Enfin, j'avais déjà les coupables, mais il me manquait l'histoire. Je ne connaissais pas beaucoup d'informations, notamment sur Heather et ses motivations. Comment s'étaient-ils débrouillés ? Où étaient toutes les preuves ? Sûrement brûlées, enterrées, introuvables à cette heure-ci. Les policiers chargés de l'affaire y avaient passé toute la nuit, sans résultats. Mais ils n'avaient pas les informations que Rand et moi détenions. Non, je me trompais. Nous n'avions rien non plus. Nos accusations étaient de simples spéculations, sous prétexte que Connor ne nous inspirait pas confiance, et on s'était mis en tête de trouver qu'est-ce qu'il manigançait. Seulement, maintenant, le Président était mort par empoisonnement. Concours de circonstances ou bien notre intuition avait eu raison de nous ?
Des applaudissements s'élevèrent à la fin de la minute de silence, rendant un dernier au revoir à l'homme de pouvoir. Je n'applaudis pas, Rand non plus. De toute façon, nous étions tout au bout de la foule, personne ne nous remarquait. Les clappements s'estompèrent et la foule se dissipa. Rand se décolla de moi et se mit à marcher en direction des deux complices, moi sur ses pas. Je ne savais pas ce qu'elle avait en tête, ce n'était pas prévu que nous leur parlions. Mais compte-tenu de la place que nous occupions dans leur manège, nous nous devions de les voir. Heather et Connor s'échangeaient des mots, les larmes de la blonde ne cessaient de couler.
Quel jeu d'actrice incroyable.
Ils se tournèrent vers nous en voyant arriver.

Agent Rand [INACHEVEE]Tahanan ng mga kuwento. Tumuklas ngayon