N.A.

6. Noa : Noir corbeau

Une coupe de champagne dans la main, je déambule dans la grande salle, riant avec les invités que je croise. J'aime ce gala, les gens sont adorables et bien disposés, je m'amuse et je profite de l'instant présent comme je ne l'ai plus fait depuis un moment.

Jonathan fait en sorte de me garder dans son champ de vision pour veiller sur moi, il m'a raconté ma dernière cuite et ce n'était pas glorieux. Je n'ai que quelques bribes de cette soirée. Et visiblement, j'étais bien éméchée quand j'ai essayé de coucher avec lui ! Quand il me l'a raconté, j'étais mortifiée. Mais Jonathan le Sage m'a repoussée et ma gueule de bois le lendemain matin a été une punition bien méritée. Pire encore, j'ai été bosser et ça m'a servi de leçon. J'ai vraiment un meilleur ami en or...

Je passe entre plusieurs groupes de personnes qui discutent, visant le buffet. Les tables sont alignées contre les murs et garnies de petits fours aussi variés les uns que les autres, tout me donne très envie. Les boissons sont à disposition et je crois bien que c'est open-bar ce soir. Mais je ne compte pas abuser cette fois-ci ! Un vidéoprojecteur diffuse sur un écran géant des images de bâtiments détruits et de rues pleines d'eau rougeâtre, rappelant à chacun pourquoi nous sommes là. Sur une estrade, un type relate les événements accablants qui ont secoué le Niger. Je suis tellement occupée à m'amuser et me goinfrer comme un cochon que je n'ai pas eu une once de compassion pour ce qui m'amène ici ce soir. Je pique un fard quand je vois un énième mini sandwich dans ma main, et je m'éloigne du buffet, honteuse.

Génial, Noa, on ne pourrait pas faire mieux ! En plus d'être égocentrée, tu es un monstre !

Alors que le président du gala finit son discours, la musique est de nouveau diffusée dans la salle. Jonathan me guette toujours tout en discutant avec un jeune homme, plutôt pas mal d'ailleurs ; le petit ami d'Ilène, dont j'ai oublié le nom, s'éclipse en sortant un paquet de clopes de sa poche. Je le regarde faire d'un œil distrait et avale ma coupe de champagne cul sec.

Comme convenu avec Jonathan plus tôt dans la journée, je m'arrête à un seul verre. Je n'irai pas tenter le diable, je sais qu'il serait furax et ce n'est pas un lieu ni un événement propice à une nouvelle cuite. Je mise donc sur la nourriture en m'emparant d'un toast au saumon.

Les gens ont l'air de s'amuser : ils rigolent, dansent et se rassemblent pour discuter de choses et d'autres. Je ne suis jamais allée dans un gala de charité et je remercie Ilène de m'offrir l'occasion d'y remédier. Je voulais la rejoindre, mais elle a filé aux toilettes il y a plus de dix minutes. Heureusement qu'elle n'a pas mis une robe aussi longue que la mienne, je pense qu'elle aurait eu du mal à se vider la vessie...

Très classe, Noa, très classe !

Je m'empare d'un mini sandwich, cette fois-ci au thon, et un homme avoisinant les 25 ans s'approche avec un sourire amusé :

— Vous avez l'air d'avoir faim.

— Je devrais m'arrêter avant de finir le buffet, gloussé-je derrière ma main.

— Permettez-moi de vous y aider en vous faisant danser.

Il me présente son bras, ses yeux marrons me détaillent et je m'y accroche avec un sourire. Me faire aborder par un homme n'échappe pas à Jonathan, alors je le rassure d'un discret signe de la main. Je gère la situation, je gère la situation, tenté-je de le convaincre par télépathie.

Mon cavalier nous mène vers la piste de danse, sur laquelle une soixantaine de couples tournoient. Je ne sais même pas si je suis capable de danser comme eux. Oh merde ! Dans quoi me suis-je fourrée, encore ?

— Je m'appelle Victor, se présente-t-il en me faisant face et en posant une main ferme sur ma hanche droite.

Sa main gauche retrouve la mienne et il entrelace nos doigts sans me quitter des yeux. Je le regarde avec un peu plus d'attention et je dois reconnaître qu'il est plutôt pas mal. Cheveux châtain foncé légèrement bouclés, visage rond et barbe naissante, l'archétype de l'homme séduisant... Je me reprends en secouant la tête et réponds en lui adressant un sourire chaleureux.