LES YAKUZAS [ TOME 1 & 2 ]

CHAPITRE 4

"Même si je suis loin, mon cœur reste avec toi.
Victor Nikiforov - Yuri On Ice"

Musique du chapitre :
♫ Montell Fish - Destroy myself just for you


NIKITA

La déception du réveil de ce matin était encore plus grande que les fois précédentes.

Je suis toujours en vie.

Le goût de bile sur ma langue ne s'estompe pas, mon envie de vomir s'éveille, comme à peu près à toutes les heures qui passent. Mon incapacité à avaler quoi que ce soit depuis hier inquiète Joker.

Ce dernier s'est soigné lui-même. Il a extrait les balles de son corps, a désinfecté puis suturé sans anesthésie sa jambe et son épaule.

Pour ma part, je suis incapable de le regarder.

Il n'a pas dit un mot depuis qu'il a assisté à... comment je peux qualifier ça ? Un viol ? Une fellation non consentie ? Une punition ?

Dans tous les cas, c'est une mise à mort émotionnelle.

Le pire, c'est ce sentiment d'humiliation qui ne me quitte pas. Avoir eu un spectateur me soulève le cœur, gangrène mon être, et fait redoubler ma déception de ne pas être morte dans mon sommeil.

A mes yeux, la mort n'est pas la fin. C'est la liberté.

— Quand Kuro a tué Vladimir dans le hangar, il a dit que ce dernier t'avait violée. S'exclame brusquement Joker.

Figée, je prends quelques secondes pour me tourner dans sa direction, assise à plusieurs mètres de lui.

Torse nu, un pansement fait de compresses et de sparadraps sur l'épaule, il fixe le sol avant de remonter ses yeux sombres dans les miens.

Il l'a dit devant tout le monde.

— Ton odeur... C'est à cause de ça qu'il l'a fait. La honte doit changer de camp. Une victime devrait crier haut et fort ce qui lui est arrivé, pas se sentir humiliée que les gens l'apprennent.

Mon envie de pleurer refait surface, je la combat tant bien que mal, agonisant intérieurement.

— Chacun d'entre nous avait envie de tuer Vladimir, parce que c'est lui la grosse merde dans l'histoire. Tu n'as pas à avoir honte, et encore moins pour ce que Alexeï t'as fait.

Je n'arrive plus à lutter, recroquevillée sur moi même, je fond en larmes, l'esprit si abîmé que mes pensées ont du mal à être cohérente.

— Alors pourquoi je ne ressens que ça ? Questionné-je d'une voix faible.

— Viens par ici, souffle-t-il en ouvrant son bras.

Lentement, je le rejoins et me blotti contre lui. Joker est mon seul repère ici, ma faiblesse, l'outil qui servira à me briser, et qui fatalement le détruira aussi.

— Je suis désolé. Je n'ai jamais envisagé que ton frère puisse être aussi... tordu. Mais la prochaine fois Nikita, refuse. Je préfère crever que le voir encore abuser de toi.

Sa main sur mon bras se resserre, son regard dans le vide, ses mâchoires sont serrées, les muscles bandés.

— Laisse-moi mourir s'il te fait à nouveau du chantage. Putain laisse moi crever, je t'en supplie Impératrice. Termine-t-il en plongeant son regard dans le mien.

Brillant, humide, plongé dans un enfer dont je suis la victime qu'il ne peut pas sauver.

— Si tu meurs Joker, je serais seule face à lui...