LES YAKUZAS [ TOME 1 & 2 ]

CHAPITRE 1

"Mon corps ne tombera que si mon cœur se brise.
Asuna Yuuki - Sword art online : Alicization"

Musique : ♫ Lord Huron - The Night We Met

NIKITA

Allongée sur le sol froid de ma prison, un bras sur mon visage, je laisse mes pensées divaguer. J'ai arrêté de compter le temps qui passe, j'attends que mon vœu se réalise.

La peur grandit de jour en jour, et l'absence d'Alexeï depuis mon anniversaire n'est même pas rassurante.

Mon esprit me torture sur le futur qui se dessine au fil des heures.

Savannah continue de m'apporter mes repas, toujours aussi silencieuse. Je la croyais avec Vladimir depuis le début, mais une fois de plus, j'ai le sentiment d'avoir été bernée.

Si je m'amusais à compter toutes les trahisons que j'ai subi, à quel point j'en aurais le cœur brisé ?

Puis-je réellement prétendre être captive alors que j'ai trois repas par jour, de quoi me laver, et même un gâteau d'anniversaire ? Ou se situe la limite entre l'acceptable et l'impardonnable ?

J'ai honte de l'avouer même en pensée, mais chaque fois que je ferme les yeux, je prie pour ne pas me réveiller.

Encore une fois, ce vœu n'est jamais exaucé.

Je retire mon bras de mon visage lorsque la porte de ma geôle s'ouvre, annonçant sûrement l'heure du déjeuner.

Surprise face à mon "invité", je m'assois correctement en découvrant Zaven, le plus jeune de mes frères aînés.

Il n'a que deux ans de plus que moi, et je me souviens qu'avant ma fuite, nous étions proches. Les rares souvenirs d'enfance qui ne sont pas tâchés de sang viennent de lui.

Ses cheveux châtains, ses yeux marrons et sa carrure me rappelle bien le frère que j'ai connu. Mais son visage fermé, son regard rancunier, tout ça me prouve à quel point nous ne sommes plus les enfants que nous étions.

— Joyeux anniversaire en retard, lâche-t-il d'une voix monotone.

Pourquoi sembles-tu avoir autant vieilli ?

Je ne réponds rien, silencieuse et stoïque, je l'observe fermer derrière lui avant de déposer le plateau repas à quelques pas de moi.

Il s'installe au sol, gardant une certaine distance entre nous.

— Ivar dit que tu n'as pas prononcé un mot depuis ton retour.

Notre second frère aîné à vingt-sept ans, et je pourrais presque sourire de savoir qu'il a remarqué ce fait.

Lui qui n'en a jamais rien eu à faire de moi.

— Je vois. Moi j'ai des choses à dire, j'espère que ta capacité d'écoute ne te fait pas défaut elle aussi. Crache-t-il avec amertume.

Piquée à vif, je ne dis rien. Je reste attentive, consciente de sa rancœur, tout en ignorant pourquoi elle est si intense.

Je scrute son visage à la beauté angélique, nostalgique de son sourire quand il ne m'offre aujourd'hui qu'une grimace de dégoût.

— Alexeï a d'abord pensé que c'est moi qui t'avais aidé à fuir, et il l'a cru très longtemps.

Il remonte les manches de son pull sombre, dévoilant ses bras couverts de brûlures de cigarettes.

Ma gorge se noue, ma capacité à respirer est ébranlée, et mon cœur se serre pour ce frère avec qui j'ai partagé tant de moments précieux.

Nous mangions du chocolat en cachette, il me parlait du monde, me décrivant les oiseaux pour que je puisse les reproduire en peinture.