Act. 21

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— Je ne veux pas que tu sois là, je marmonne dans ses bras.

Les larmes ont séché, et les battements de mon cœur se sont certes apaisés... mais même après y être restée un certain temps, je ne veux pas de ses bras, je ne veux pas de son affection. Alors je me recule légèrement après m'être laissée calmer par sa tendresse telle une égoïste, prête à le repousser.

— Tu n'as jamais voulu que je sois là, répond-il, et ça ne m'a jamais empêché de l'être.

Je n'ose pas le regarder. À la place, je m'essuie grossièrement les joues et je m'installe devant ma coiffeuse. Quand j'aperçois mon reflet dans ce miroir, je hais ce que je vois. Comme ça, je me sens faible. Je manque de courage, tout ça parce qu'il y a des choses que je veux laisser dans le passé. Profondément, il me connait. Mais il ne connait pas celle qui a souffert ces quatre dernières années, ni celle qui souffre encore aujourd'hui.

J'ai l'impression que mes plaies viennent de se rouvrir, mais se sont-elles vraiment fermées un jour ? Ai-je guéri ? Je ne crois pas.

— Pourquoi tu me repousses autant ? Tu n'as jamais repoussé personne d'autre que moi.

Dans le reflet, je le vois derrière moi. Il me regarde toujours de cet air désespéré. Si j'étais douée vis-à-vis de mes sentiments, je lui avouerais que ça me déchire le cœur de le voir dans cet état. L'alcool le rend confus, mais il pense tout ce qu'il dit, je n'en doute pas une seconde.

Demain il se rappellera ce moment et il se sentira encore plus mal, pas parce qu'il aurait voulu tenir sa langue... mais parce que ça lui fera peut-être aussi mal qu'à moi. Ou pas... car Sacha et moi n'avons pas vécu la même histoire, même si je l'aurais voulu.

— Tu veux que je sois honnête ?

Je m'apprête à l'être s'il me le demande.

— Oui.

Alors me voilà :

— Parce que peu importe combien tu comptes pour moi, je ferais tout pour t'évincer si tu te mets sur mon chemin. Je dois réussir et je m'en fous que tu le veuilles aussi, voilà pourquoi je te repousse. Je ferais toujours tout ce qui est en mon possible et si je dois te trahir pour ça, je n'hésiterai pas. Je ne veux plus être comme on était au lycée avec toi parce que les enjeux ne sont plus les mêmes et que même si ça peut te paraître dingue, ça ne me fait pas plaisir d'être en guerre avec toi. Mais je n'arrêterais pas, Sacha, je n'arrêterais jamais.

J'ignore comment j'ai pu lui expliquer quelque chose d'aussi déconcertant sans me remettre à pleurer. Pour la première fois, je laisse sous-entendre combien je déteste ce défaut. À quel point mon perfectionnisme me bouffe. La compétition que j'entretiens avec lui, je l'entretiens d'abord avec moi, et je suis prête à me foutre en l'air pour réussir.

J'ai réussi à tenir en mangeant à peine un repas par jour uniquement pour pouvoir être la plus belle dans mon costume et vous voulez savoir le pire ? J'ai été fière de m'être affamée pour rentrer dans cette robe, parce que j'étais époustouflante. Je suis dangereuse avec moi-même et odieuse avec les autres. Il m'a fallu du temps pour comprendre que je souffrais de troubles alimentaires et que de s'affamer pour rentrer dans un vêtement n'était absolument pas normal.

J'ai pris la décision de lui briser le cœur et même là, alors que je suis honnête, je n'ose pas lui avouer mon plan juste pour être sûre d'avoir encore cette arme... juste au cas où. Mais quelque part, mon cœur veut être sincère. La seule solution, c'est de le prévenir comme je le fais maintenant. Je viens tout juste de le mettre en garde, de le prévenir que je ne m'arrêterais pas, alors qu'est-ce qu'il fout encore ici ?

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