Act. 2

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       Sacha de retour, après quatre ans ? On se fout forcément de moi. Voilà ce que je me suis répétée pendant près de quatre heures alors qu'on lisait le script, qu'on découvrait la pièce et qu'on recevait des indications. J'ai passé toute la matinée à le dévisager, avec l'envie irrépressible de lui arracher la tête. Lui et son air condescendant. Lui et son air commercial.

J'ai d'abord cru que c'était une hallucination. Je l'ai regardé pendant longtemps, éberluée, comme s'il était le fruit de mon imagination et que le jeune homme devant moi ne pouvait pas vraiment être lui.

Je l'avais déjà compris mais ça a été dur d'entendre que Andrew et Brooke doivent jouer les amoureux transit. Enfin, Andrew est un connard qui ne l'aime pas aussi fort qu'il le prétend. Une romance tragique qui ne le sera jamais vraiment, étant donné qu'on joue une comédie musicale, là où il y aura de la comédie.

Une chance que le personnage de Brooke ait du répondant et un caractère bien trempé, parce que je n'aurais pas tenu le coup sinon.

En bref, False Contempt est une comédie musicale qui met en scène Brooke Baldwin et Andrew Coleman durant les années 80. Ils sont tous les deux des gosses de riches et se retrouvent en plein milieu des histoires familiales. La famille de l'un est l'ennemie de l'autre et ils deviennent, malgré eux, des marionnettes.

Andrew se voit confier la mission de faire croire à Brooke qu'il est éperdument amoureux d'elle, sans savoir que la même mission lui a été attribuée. Tous les personnages secondaires sont au courant, sauf les principaux concernés.

Ils ont tous les deux le même objectif : fausser leurs sentiments dans le but de détruire l'autre. Ou plus précisément de détruire la famille de l'autre en arrivant à découvrir des choses compromettantes. La partie que je déteste, c'est que Brooke tombe vraiment amoureuse de lui.

Mais il y a encore des tas d'informations qu'il me faut assimiler pour saisir à cent pour cent la pièce. Je vais m'y pencher sérieusement... une fois que mon envie de tuer Sacha se sera dissipée.

Johansson — le producteur — nous a dit que rien ne pressait pour le moment. Il lui reste encore des castings à passer et pas mal de choses à revoir, mais il aimerait bien que tout le monde s'imprègne de la comédie durant les prochaines semaines.

Étant le personnage principal, j'ai eu des indications un peu plus précises. Dans trois semaines, Sacha et moi devons interpréter la scène la plus difficile. Pour être plus exacte, il s'agit de la scène la plus révélatrice des personnages. Il veut voir ce que Sacha et moi allons rendre ensemble. Je me suis gardé de lui dire que nous deux sur scène serait explosif, pour ne pas dire que la façon dont nous nous méprisons le ferait changer d'avis sur son choix.

Je sais que c'est une comédie musicale, que ça déborde de blagues et de moments amusants mais quand je vois la relation qui lie les deux personnages, et plus particulièrement cette scène, je me dis que ça frôle la comédie noire.

En tout cas, c'est ce dans quoi Sacha et moi baignons depuis toujours.

J'enfonce mon script dans mon tote-bag, agacée, et je pousse la porte pour sortir des coulisses.

Oui, je suis énervée.

Oui, j'aurais aimé qu'il ne soit pas un personnage principal. Oui, je déteste Sacha Ward.

Sauf que lui, il a toujours adoré me détester.

—   Hé, Ivy !

Je le déteste presque autant que je déteste qu'il sache comment me rendre dingue. Ce n'est pas tant lui que je méprise, c'est surtout son talent.

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