Act. 18

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         Quand j'ouvre les yeux, Sacha n'est plus blotti contre moi, mais sa main est déposée sur la mienne comme s'il n'avait pas voulu me lâcher de la nuit. Je me redresse légèrement, les yeux fatigués. Il est allongé sur le ventre, le visage encore enfoncé dans un coussin. Ses boucles lui retombent sur le front et sa bouche est légèrement entrouverte. J'esquisse un sourire malgré moi, ne pouvant pas m'empêcher de le trouver mignon et de me rappeler des nuits où il restait dormir lorsque nous étions plus jeunes.

Ma chambre est encore plongée dans le noir. Je pensais me sentir mal en me réveillant mais c'est tout l'inverse qui se produit. J'ai aimé dormir avec lui, ça m'a semblé paisible. C'est assez ironique qu'il soit celui qui a apaisé ma nuit, alors qu'il a été celui qui avait gâché ma journée.

Il est encore tôt pour aller au théâtre et on dirait qu'il n'y a pas un chat dans la maison. Je me lève discrètement en me frottant doucement le visage. Je tourne le verrou de ma porte pour sortir. Je passe d'abord la tête pour vérifier qu'il n'y a personne. Déborah n'est pas là, ma mère est forcément au travail.

Je pousse la porte du bureau, là où ma harpe se dresse au milieu de la pièce. Mon père n'est pas là, il est déjà parti. Ça signifie que nous sommes seuls.

Cette sensation est étrange. Je ne pensais pas me retrouver un jour ici, seule, avec Sacha. La dernière fois, j'avais dix-sept ans et lui dix-huit.

J'ai conscience que ça va le réveiller et faire remonter des souvenirs à la surface, mais j'en ai terriblement envie. Je ramène mes cheveux en arrière en soupirant et je m'installe à côté de ma harpe, l'estomac encore vide et à peine réveillée. Comme à mon habitude, je me laisse transporter par la mélodie. Je ferme les yeux, je laisse mes doigts faire le travail et j'en oublie le reste. Mon âme s'apaise, s'imprégnant de chaque note. Je suis transportée dans mon monde, là où rien ni personne ne peut jamais m'atteindre. Le morceau que je joue dure le temps qu'il faut. Je ne me presse pas, je ne ralentis pas non plus. Je joue à la bonne vitesse, le temps nécessaire pour m'évader et ne plus penser à rien. Parfois, j'aimerais être comme la mélodie que produit une harpe.

Légère. Douce. Féérique. Puissante.

Cet instrument est une poésie.

J'en avais besoin. Déjà hier, je mourrais d'envie d'en jouer et de tout oublier. Je me sens plus calme quand le morceau est terminé, les yeux encore mi-clos. Je reste quelques secondes les doigts sur la corde, le souffle court, avant de lever les yeux.

— Je n'ai jamais été réveillé par quelque chose d'aussi doux de toute ma vie, dit-il.

Il se tient là, toujours habillé de son jogging et de tee-shirt, les cheveux en batailles et le visage encore enflé d'avoir dormi.

Le fait qu'il soit dans cette pièce réveille en moi des centaines d'émotions.

— Tu es tellement talentueuse, me complimente-t-il.

— Merci.

— Dommage que ton rêve ne soit pas d'être connue pour jouer de la harpe... ça nous aurait éviter bien des problèmes.

J'esquisse un sourire.

— Tu te rappelles quand je t'ai demandé de m'apprendre ?

Mon sourire s'évanouit aussitôt.

— Pas ce qui s'est passé après... se reprend-il, mais à quel point j'étais nul.

J'essaie de me détendre.

— Oui, je m'en rappelle.

— Oh. Tu viens de confirmer que j'étais nul ?

— Disons que tu ne faisais qu'un avec les cordes.

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