Sing! [ADAPTATION] - TERMINÉE

By TeQuieroMaas

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× Je me souviens de la dernière fois où mon coeur s'est brisé. C'était devant un bol de soupe... × Sing! rac... More

CHAPITRE 1
CHAPITRE 2
CHAPITRE 3
CHAPITRE 4
CHAPITRE 5
CHAPITRE 6
CHAPITRE 7
CHAPITRE 8
CHAPITRE 9
CHAPITRE 10
CHAPITRE 11
CHAPITRE 12
CHAPITRE 13
CHAPITRE 14
CHAPITRE 15
CHAPITRE 16
CHAPITRE 17
CHAPITRE 18
CHAPITRE 19
CHAPITRE 20
CHAPITRE 21
CHAPITRE 22
CHAPITRE 23
CHAPITRE 24
CHAPITRE 25
CHAPITRE 26
CHAPITRE 28
CHAPITRE 29

CHAPITRE 27

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By TeQuieroMaas

J-33 avant la tournée

Le 10 août

Pendant les quelques jours qui suivent, je reste au lit. Enfin, mon corps y reste, mais mon esprit est ailleurs, partout à la fois. Je ne cesse de repenser à tout ce qui s'est passé, à tout ce que j'ai dit et fait, aux reproches de Ruggero et aux visages de mes amies, figées comme des statues dans le couloir... Je ne cesse de me demander comment on a pu en arriver là.

J'étais plus heureuse que jamais. Je venais enfin de trouver le moyen de concilier tout ce que je désirais – ma musique, mes fans, ma carrière... et une relation simple et stable avec un homme qui tenait autant à moi que je tenais à lui.

Et voilà que je suis brutalement renvoyée à une vie qui n'aura jamais rien de normal. Je me laisse retomber sur mon oreiller. Il m'arrive de laisser échapper de drôles de bruits malgré moi, des grondements rauques de bête blessée, comme si j'étais prise dans un engin de torture qui me vrillait les tripes. Comment ai-je pu être aussi égoïste ? Je n'aurais jamais dû révéler ma relation avec Ruggero au public sans qu'on en discute tous les deux. S'il avait su exactement ce qui l'attendait, il aurait peut-être refusé de m'accompagner en tournée mais, au moins, il aurait été prévenu.

Je m'assieds dans mon lit et regarde par la fenêtre. Il fait nuit, de nouveau. Chiara ne va pas tarder à m'apporter quelque chose à manger, un petit repas tout simple mais délicieux auquel je vais à peine toucher. Carolina va lire mes mails et me tenir au courant des nouvelles et de l'avancée des préparatifs pour la tournée. Je vais hocher la tête et la remercier sans rien réellement entendre de ce qu'elle m'aura dit. Mon téléphone vibre sous les couvertures. Ça fait des jours que je n'y ai pas touché, ou seulement pour contempler avec horreur les bulles d'alerte qui s'accumulent en une avalanche de messages et d'appels manqués. Pourtant, cette fois, quelque chose me pousse à regarder.

C'est ma mère.

Je décroche et approche le téléphone de ma joue, mais quand j'essaie de dire « allô », je ne parviens qu'à émettre un petit couinement pathétique.

– Ma chérie ?

J'entends la petite sonnerie que fait sa voiture quand la portière est ouverte, puis le bruit du moteur.

– Ma puce, qu'est-ce qui ne va pas ?

– J'ai tout gâché ! dis-je une fois que j'ai repris mon souffle et que mes larmes semblent taries. J'avais oublié tout le mal que je risquais de faire aux gens que j'aime, sans même y réfléchir.

– Ma puce, on en a déjà parlé, de tout ça.

Ma mère m'a appelée quelques heures à peine après les révélations concernant la mère de Ruggero. J'ai bien senti qu'elle aurait voulu venir me réconforter et j'ai presque hésité à le lui proposer. La petite fille en moi aurait apprécié de pouvoir rester couchée tandis que ma mère me caressait le dos et m'assurait que tout allait s'arranger, mais j'aurais trouvé ça injuste. C'est Lodovica qui devrait pouvoir réclamer des câlins et des mots d'encouragement à sa maman quand elle en a besoin, pas moi.

– Ce n'est pas ta faute, répète ma mère pour la énième fois. C'est moche, ce qui s'est passé, mais tu n'en es pas responsable.

Je secoue la tête, comme si elle pouvait me voir depuis sa voiture.

– Mais peut-être que Ruggero a raison ! Je ne suis peut-être pas la personne que je crois.

J'entends maman soupirer puis mettre le clignotant.

– Tu te rappelles quand on faisait accorder le piano ? Tu sais, le piano droit qu'on avait dans la première maison ?

J'aperçois mon reflet éploré dans la vitre et m'essuie les joues.

– Le motard ?

Une fois par an, on faisait accorder notre vieux piano d'occasion par un type qui débarquait en Harley Davidson avec son gros sac d'outils et laissait derrière lui des effluves d'eau de Cologne.

– Oui, répond maman avec un sourire dans la voix. Tu l'adorais. Tu le suivais partout comme un petit chien. Il fallait que je t'oblige à t'asseoir dans l'escalier, sinon tu étais toujours dans ses pattes. Tu pouvais rester des heures à le regarder travailler. Chaque fois, quand il avait fini, il jouait l'intro d'une chanson – un titre des Beatles, je crois –, histoire de vérifier que ça sonnait bien.

– « Let It Be », dis-je en souriant à ce souvenir.

Je revois le blouson en cuir de l'accordeur, tendu sur ses épaules, tandis qu'il s'installait sur le banc trop petit pour lui, et j'entends encore le son des cordes métalliques dans notre salon minuscule.

– Une année, tu es venue me trouver dans la cuisine avant qu'il parte. Tu étais au bord des larmes. Est-ce que tu te souviens de ce que tu m'as dit ?

– Je t'ai demandé de l'autoriser à jouer la chanson entière, dis-je.

Ma mère éclate de rire.

– Oui ! Tu avais l'air de croire que je l'empêchais de continuer le morceau jusqu'au bout. Alors, on est allées le voir, toutes les deux, et tu lui as demandé s'il voulait bien te jouer la chanson. Il en a eu les larmes aux yeux, le pauvre. Il a accepté, évidemment, et tu l'as regardé avec un sourire...

Ma mère se tait un instant.

– Tu sais toujours exactement ce que veulent les gens, Valentina. On dirait presque un sixième sens. Depuis toujours, tu t'évertues à faire plaisir à tout le monde, que ce soit avec ta musique ou en accordant du temps à tes fans, en personne. Il faut un sacré courage pour faire ce que tu fais. Ce n'est pas forcément évident de le comprendre, mais c'est ta personnalité. Tu es comme ça.

Je l'entends renifler puis rire doucement.

– J'aimerais pouvoir dire que c'est comme ça qu'on t'a élevée, mais ce serait nous accorder trop de mérite, à ton père et à moi. Franchement, quand l'accordeur venait, je redoutais surtout qu'il s'asseye sur mon canapé avec son pantalon plein de graisse de moteur.

J'éclate de rire, puis je lui dis que je l'aime et que je suis impatiente de les voir, tous les deux. Ils viennent toujours à mes premiers concerts, pour m'aider à me replonger dans l'ambiance des tournées.

Je raccroche et, un instant plus tard, j'entends frapper à ma porte. Chiara et Carolina passent la tête à l'intérieur. Chiara me tend un plateau où j'aperçois un bol de soupe de tomate et un sandwich au fromage fondu, mon repas préféré quand j'étais petite.

Elle sourit en voyant mes yeux s'animer.

– Allez, avoue. La gamine de neuf ans en toi est carrément folle de joie.

J'éclate de rire.

– Carrément ! Merci.

Carolina s'assied au bout de mon lit, son téléphone à la main, et me jette un coup d'œil désolé.

– Je te fais le compte-rendu maintenant ? Comme ça, on sera débarrassées.

Je soupire.

– Vas-y, dis-je avant de mordre dans mon sandwich.

– OK, lance-t-elle en ouvrant le premier mail. Alors, j'ai reçu les suggestions de la costumière, et je crois que tu vas...

– Attends, dis-je soudain, la bouche pleine de fromage fondu.

Je finis ma bouchée et repose l'assiette sur le plateau.

– Excuse-moi, mais je... j'ai quelque chose à vous dire. C'est important.

Carolina et Chiara me regardent, l'air un peu étonnées. Je leur souris. Ce sont mes deux meilleures amies, elles savent mieux que personne ce que je veux et elles sont capables d'anticiper mes désirs sans que j'aie besoin de leur demander. Sauf que, malgré tout, je leur en demande beaucoup. Je leur ai demandé d'être à mes côtés en permanence, de mettre leur vie au second plan pour se consacrer à la mienne. Elles ont accepté, et ça a fonctionné – pendant un temps, du moins. Maintenant, j'ai envie de tourner la page. Je ne veux plus qu'elles aient à se demander comment m'annoncer telle ou telle mauvaise nouvelle. Je ne veux plus qu'elles s'occupent d'organiser mes journées, de préparer mes repas ou de trier ma correspondance. Je veux qu'elles redeviennent mes meilleures amies, tout simplement.

Je prends une grande inspiration.

– Vous êtes virées.

Elles échangent un rapide coup d'œil.

– Qu'est-ce que tu racontes ? s'esclaffe Carolina.

Chiara se penche sur mon plateau.

– Il n'est pas bon, mon sandwich ? Je peux te faire autre chose, si tu préfères.

– Non ! dis-je en posant une main sur son genou. Il est parfait, ton sandwich, comme tout ce que vous faites, d'ailleurs. Le truc, c'est que je ne veux plus fonctionner comme ça. Au début, si je vous ai demandé de travailler pour moi, c'était parce que je n'envisageais même pas de passer autant de temps avec d'autres personnes que vous. J'adore vous avoir auprès de moi, mais je ne veux plus vous empêcher de vivre votre vie sous prétexte que ça facilite la mienne.

Carolina secoue la tête.

– Ruggero était sous le choc quand il a dit que tu devais nous payer pour qu'on reste. Il ne le pensait pas vraiment.

– Au contraire, il avait raison. Vous êtes mes deux meilleures amies. Quand quelque chose ne va pas, je veux pouvoir vous appeler au secours et vous raconter mes malheurs, et je veux que vous puissiez me dire que je me prends la tête pour rien et qu'il faut que je me calme.

– Ça, on le fait, de toute façon, intervient Chiara avec une moue soucieuse.

– Justement ! Je ne veux pas que vous soyez aux petits soins pour moi vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Il est temps que vous pensiez à vous et à votre propre avenir.

Chia écarquille des yeux soudain brillants de larmes. Je la serre dans mes bras.

– Ça va aller, ma belle. Ça va aller de mieux en mieux.

Elle se redresse et hoche la tête.

– J'ai peur, avoue-t-elle en mordant sa lèvre boudeuse.

Je prends sa main dans la mienne.

– Moi aussi, mais je suis sûre qu'on va...

– Non, je ne parlais pas de ça, m'interrompt-elle.

Carolina hausse un sourcil.

– Qu'est-ce qui t'arrive, Chia ?

Elle nous regarde tour à tour avant de répondre.

– J'ai décidé de retourner à Madison pour reprendre mes études. Je veux devenir infirmière.

– Quoi ? s'écrie Carolina en même temps que moi.

Puis elle ajoute :

– Depuis quand ?

Chiara trace du bout du doigt les plis de la couette.

– J'ai suivi un cours par correspondance cet été, pour me mettre à niveau en biologie. Il y a un examen d'entrée... C'est super-dur. J'ai passé quasiment toutes mes soirées à potasser mes manuels, mais...

– C'est donc ça que tu lisais au lieu de terminer ton roman à l'eau de rose ! dis-je en souriant.

Chiara hoche la tête.

– Oui, enfin, j'ai essayé. Franchement, je ne sais pas si je vais y arriver.

– Mais si, tu vas y arriver ! Je ne connais personne qui travaille aussi dur que toi.

– Ouais, enfin, si je travaille dur, c'est parce que je suis obligée, bougonne-t-elle. La seule chose pour laquelle j'étais douée, c'était ça, ce boulot d'assistante. Au moins, avec toi, je savais ce que je faisais.

Carolina lève les yeux au ciel et donne un coup d'épaule à Chiara.

– Oh, arrête de te lamenter ! Évidemment que tu vas y arriver ! Et puis, au pire, je suis sûre qu'il y a des dizaines de starlettes capricieuses qui rêveraient que tu leur fasses des sandwichs au fromage fondu.

Je tire la langue à Carolina tout en me penchant vers Chiara.

– En tout cas, je trouve ça génial.

– C'est vrai ? demande-t-elle d'une petite voix.

– Oui ! dis-je avant de me tourner vers Carolina. Et toi ? Est-ce que tu as déjà envisagé de reprendre des études ?

– Non merci ! s'écrie-t-elle. Je compte bien te coller aux basques jusqu'au bout, que ça te plaise ou non !

On éclate de rire, toutes les trois.

– Je plaisantais, reprend Carolina en jouant avec la bretelle de son débardeur. Je ne sais pas encore ce que je vais faire. Sol veut aller au Brésil...

Elle hausse une épaule et baisse les yeux, rougissante. Je croise le regard de Chiara, qui me sourit. Jusqu'ici, Carolina passait rarement plus d'une nuit de suite chez ses copines, alors, suivre sa chérie vers un autre continent...

J'ai passé l'été à me confronter à mes propres problèmes et je ne me suis pas rendu compte que mes amies faisaient du chemin, elles aussi. Elles ont pris des risques afin de se découvrir elles-mêmes, indépendamment de moi. J'ai mis du temps à le comprendre, mais ce n'est pas grave puisqu'on est arrivées au même point, en même temps. Je suis si fière d'elles – de nous trois – que mon cœur se gonfle de joie.

– Tu m'enverras une carte postale ? dis-je pour la taquiner.

Elle hoche la tête sans un mot. Chiara renifle et s'essuie les yeux. Moi aussi.

Carolina se lève du lit.

– Bon, ça suffit, les pleureuses ! Au moins, toi, tu as toujours ton taf, lance-t-elle en me désignant du doigt.

Je me laisse retomber sur mon oreiller.

– Ah bon ? Tu es sûre ?

Carolina jette son téléphone sur mes jambes.

– Si on en croit les mille et quelques mails que tu vas désormais devoir lire toi-même, je dirais que oui, que ça te plaise ou non.

Chiara se lève et me tapote le genou avant de suivre Carolina dans le couloir. Je les entends descendre l'escalier.

Pendant de longues minutes, je garde les yeux rivés au plafond. L'air frais de la nuit fait voleter mes rideaux. J'attrape le téléphone de Carolina. Il y a plusieurs écrans actifs – son compte mail professionnel, un compte dédié à mes fans, et les divers médias sociaux que Chiara et elle ont gardés à jour pendant mes petites vacances. Je fais défiler les pages, où des fans ont relayé des articles parlant de Ruggero et de sa mère. Mon estomac se noue quand je lis les gros titres vulgaires et racoleurs. En revanche, les commentaires ne se limitent pas à des successions d'émoticônes, de points d'exclamations et d'incontournables trolls.

Voici des exemples de ce que je trouve :

« Salut, Valentina ! Déjà, je voulais te dire que je t'adore, mais pas seulement ! Depuis que je suis toute petite, mon père a des problèmes avec la justice et la drogue, et c'est franchement pas drôle. J'espère que la mère de ton copain va s'en sortir. Il a de la chance de t'avoir dans sa vie. »

Et :

« Mais laissez Ruggero et sa mère tranquilles, enfin ! Elle essaie de guérir, au moins. J'aimerais bien que ma mère à moi en fasse autant. »

Je recherche mon dernier post Instagram en date. C'était une photo de Ruggero à bord du bateau, le bras tendu au-dessus de l'eau, un homard vivant à la main. J'avais écrit : « Dites bonjour à mon dîner ! » En l'espace de quelques jours, il a récolté 1 176 006 « j'aime ».

Le commentaire le plus récent vient d'un certain @valulove02.

Il tient en un mot : « Reviens. »

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