Je fronçai les sourcils après les paroles de Tyron et clignais plusieurs fois des yeux. Qu'est-ce que... quoi ? On allait s'en sortir ? Je ne parvenais pas à y croire. Ce ne fut que quand Ryder tourna les talons et partis en courant dans le couloir que je compris réellement. Il fuyait. Ceux qui arrivaient n'étaient pas la police, bien au contraire. Ils étaient là pour aider Tyron. Je levais la tête vers l'intéressé. Son sourire avait disparu aussi vite que Ryder avait décampé, et il semblait avoir du mal à rester éveillé. Sa tête penchait sur le côté, et il poussait de légers râles de douleurs.
Je me précipitais vers lui et tombais à genoux à ses côtés, prenant son visage entre mes mains.
- Tyron, soufflais-je. Reste avec moi. Les secours arrivent, ça va bien se passer. Allez, respire.
Il hocha lentement la tête avec une certaine difficulté et je passais derrière lui. J'essayais de m'activer à détacher ses liens quand j'entendis de nombreuses voix et des bruits de pas dans les escaliers, puis dans le couloir. Sans réfléchir, j'attrapais le pistolet de Tyron gisant par terre et me relevais face à la porte, le canon pointé vers ceux qui arrivaient. Nous n'avions pas traversé tout ça pour se faire avoir maintenant.
J'ignorais à quoi je m'attendais. Certainement à la police, à Ryder qui revenait, à des alliés que je connaissais pas. Rien ne m'aurait étonné. Rien, sauf ça. Les yeux écarquillés, je contemplais celui qui me faisait face comme s'il s'agissait d'un fantôme. Quelque chose dans mon crâne semblait s'être déconnecté, et je n'arrivais pas à comprendre comment, lui, en personne, pouvait être ici. Ça semblait tellement incohérent ! J'entrouvris la bouche, interloquée.
- John ?!
C'était bien lui. Son corps fin. Ses cheveux blonds. Ses yeux bleus. Lui, en chair et en os devant moi. Lui, qui m'avais livrée comme une proie à Ryder. Lui, à cause de qui on en était là. Qu'est-ce qui faisait là, putain ?!
- Annie... commença-t-il en me regardant comme s'il n'était pas certain que je sois bien là. Tu ... tu vas bien ?
John fit quelque pas dans le couloir dans ma direction. Je remarquais alors l'arme dans sa main. Son gilet pare balle. Mes yeux s'écarquillèrent et mon cur s'affola comme celui d'une bête prise au piège. Sans hésiter, je pointais l'arme vers sa tête et hurlais :
- Ne bouge pas ! Lâche ton arme et met les mains derrière la tête !
- Morgane je...
- Fais ce que je te dis merde !
Lentement, il se baissa et posa son arme par terre, avant de croiser les bras derrière sa tête, me dévisageant de ses yeux brillants. Il tremblait, et je voyais quelque chose de nouveau dans son regard. Il avait peur. De moi. De l'animal que j'étais devenue pour survivre. De mon état. De ce que j'avais enduré. Je l'effrayais. Pourtant, mon corps refusait de se détendre. Je secouai la tête.
- Qu'est-ce que tu fous là ? Tu viens sauver Ryder ? T'es là pour t'attaquer à nous, toi aussi ?!
- Quoi ?! Non, bien sûr que non ! Je viens te sauver, toi. C'est heu... c'est une longue histoire. Et pas vraiment l'endroit idéal pour...
- Je ne veux pas te voir approcher de Tyron ! grondais-je en le fusillant du regard. Je ne peux pas te faire confiance. Recule, sors de là. Tu n'es qu'un lâche, et un traitre.Dégage !
Je vis la peine dans ses yeux, mais n'eut pas le temps de m'y attarder que j'entendis d'autres personnes débouler dans le couloir. Au moins cinq types arrivèrent, et je commençais à sérieusement paniquer. Tyron avait dit qu'ils étaient avec nous. Mais s'il se trompais ? John était là. La dernière fois que je l'avais vu, il m'avait livré à Ryder. Si tout ça était un piège ?!
- Arrêtez-vous ! criais-je. Arrêtez-vous, où je lui tire dessus !
Je désignais John du bon de mon arme qui, immobile, ne me quittait pas des yeux. Le groupe s'arrêta d'un même mouvement, sauf l'homme en tête qui continua à avancer. Je fronçai les sourcils et pointais l'arme sur lui. Mes mains tremblaient au possible, et j'avais envie de m'écrouler par terre. Je me sentais comme une mère devant protéger ses petits. Une seule phrase résonnait dans mon crâne.
Protéger Tyron. Je dois le protéger. Je dois le protéger.
- Tu es sourd ou quoi ? lançais-je à celui qui avançais. J'ai dit...
- Je ne suis pas sourd, rétorqua une voix que je ne connaissais que trop bien. Mais toi tu me semble un peu sur les nerfs, rouquine.
Je fronçai les sourcils en voyant celui qui avançais, la bouche entrouverte. Il portait également un gilet par balle, et avait un fusil pendu au coup. Seulement, un sourire idiot étirait ses lèvres tandis qu'il avançait. Et je ne connaissais qu'une seule personne qui puisse faire de l'humour dans un moment pareil.
- James... soufflais-je avec un soulagement non dissimulé.
- En personne. Tu veux bien poser cette arme, Morgane ? Je suis là. Tout va bien.
Sans pouvoir faire quoi que ce soit d'autre je lâchai l'arme, qui rebondis par terre. James traversa la distance nous séparant, avant de se planter devant moi. Malgré son sourire, je voyais une lueur d'inquiétude continuer à briller dans ses yeux. Passant une main dans mes cheveux, je lâchai d'une voix tremblante.
- Tyron est juste là. Il... il ne va pas bien. Il faut l'aider... James il va...
- Hé, calme toi d'accord ? Ça va aller.
Il passa ses bras autour de moi, avant de me serrer brièvement contre son corps. Tous mes muscles étaient encore tendus, mon corps n'arrivant pas à réaliser qu'il n'y avait plus de danger. Mon cerveau commençait tout juste à se rendre compte que c'était finis. Tout allait bien. James était là. Ils allaient nous aider. Le jeune homme me lâcha rapidement, avant de se précipiter vers son frère. Je l'entendis crier derrière moi :
- Il est blessé ! Il faut l'extraire de là !
Sans plus se soucier de moi, les quatre hommes qui le suivaient me dépassèrent pour aller rejoindre les deux frères. Je me retrouvais seule dans le couloir, face à face avec Jonathan. Il me fixait toujours, cherchant à détecter ce qui se trouvais dans mon regard. Je le vis hésiter, puis avancer d'un pas en tendant le bras vers moi.
- Morgane, s'il te plait...
Par pur réflexe, je fis un bond en arrière, le corps tremblant. Je secouais la tête.
- N'approche pas de moi, Jonathan.
S'ensuivit un long duel de regard comme nous le faisions quand nous étions encore des enfants. Nous fûmes coupés par les bandits nous dépassant, et James portant à moitié son frère sur lui. Tyron semblais à demi inconscient. Un frisson me parcourut et, délaissant John, je courus à leur suite en prenant soin de ramasser le pistolet de Tyron.
- Il s'est pris une balle, informais-je d'une voix tremblante. Il perd beaucoup de sang, et a sûrement des côtes cassées. Il... Il faut...
- Hé, Morgane, me coupa James en montant les marches avec son frère. On va à un endroit où il y a une salle équipée. De vrais médecins. Il va s'en sortir.
J'hochai simplement la tête en prenant leur suite. En haut, dans la salle de réception, une dizaine de personnes étaient présentes, toutes inconnues pour moi. Je serrais l'arme contre moi comme s'il s'agissait d'un doudou. Tyron sembla reprendre conscience et regarda autour de lui en se redressant, prenant appuis sur son frère.
- Il... gémit-il. Où il est ? Ryder...
- Il s'est réfugié dans les étages, indiqua un homme d'une trentaine d'années armé d'une mitraillette. Une équipe se prépare à aller le débusquer. Nous pensons faire tous les étages un à un, jusqu'à le trouver.
Tyron hocha la tête, et s'effondra sur son frère. Je ne le quittais pas des yeux, de peur qu'il ne s'arrête de respirer au moment même où j'arrêterais de le regarder. Pourtant, l'information de l'homme perça la brume entourant mon cerveau. Ryder. Il allait fuir. Disparaitre. Or, je savais exactement où il était. J'en étais certaine. Car, contrairement à ce que pensais Tyron, la partie n'était pas finie. Le roi ennemi n'était pas tombé. Il comptait faucher la reine avant. Et elle allait droit dans son piège.
Ryder m'avait dit un jour qu'il trouvait que la pièce la plus importante aux échecs était la reine. Faîte la tomber, et tout s'écroule. C'est la plus puissante des pièces. Et il m'avait confiée sa stratégie. Mettre le roi en danger, pour forcer la reine à agir et le sauver. Quitte à en perdre la vie.
Je me penchais vers Tyron, et posai une main sur sa joue. Je déposai un léger baiser sur son front, avant de planter mon regard dans le sien. Il cligna plusieurs fois des paupières, à la frontière de la conscience.
- Tyron... Je reviens vite. Va te faire soigner. Tu dois vivre, Thomas. Fais-le pour moi.
Je le vis froncer les sourcils, perplexe, devant ce qui sonnait comme un adieu. J'avisais le tas d'affaires que les hommes avaient remontés de la cave. La dynamite. L'arme de Ryder. La barre de fer. Je me penchais et attrapais cette dernière, sous les yeux perdus de Tyron.
- Morgane ? s'étonna James. Qu'est-ce que tu fais ?
Je reculais de quelques pas en direction de la porte amenant aux escaliers vers les étages. Je secouai doucement la tête en pinçant les lèvres. Mon cur résonnait dans tout mon être.
- Va soigner ton frère, James. Sauve-le. Il faut agir rapidement.
Je vis les yeux de Tyron s'écarquiller en comprenant enfin où je voulais en venir. Il lisait maintenant en moi comme dans un livre ouvert. Puisant dans les dernières forces qui lui restaient, il bondit sur ses pieds mais s'écroula aussitôt par terre.
- Morgane ! cria-t-il en m'implorant du regard. Ne fais pas ça ! Arrêtez-là bon sang !
Je vis tout le monde se tourner vers moi. Approcher, prêts à m'arrêter. Mais c'était trop tard. La dernière chose que je vis fut le regard désespéré de Tyron, avant que je ne claque la porte d'un coup de pied, m'enfermant dans les escaliers. Je glissai aussitôt la barre de fer dans la poignée et la bloquais contre le mur. Quand les hommes la poussèrent, la porte bougea à peine. Bloquée. Je me tournais vers les escaliers, et pris une longue inspiration. C'est parti.
Je commençais à monter les marches deux par deux, ne m'arrêtant à aucun étage. Je priais pour ne pas m'être trompée. Mais le plan de Ryder me paraissait évident. Il ne voulait pas fuir. Il me voulait, moi. Et il allait m'avoir. Je resserrais mon emprise sur le flingue dans ma main. Il allait m'avoir, mais pas de la manière dont il s'y attendait.
J'arrivais au bout d'un moment en haut des deux dizaines d'étages, essoufflée comme si j'avais couru un marathon. La porte menant à l'extérieur était grande ouverte comme une invitation morbide et, près du vide, je pus voir une silhouette debout. Immobile.
Je ne m'étais pas trompée. Il m'attendait. Je passais le pas de la porte, envahie brusquement par le froid glacial. La nuit commençait tout juste à tomber, et heureusement, la pluie s'était arrêtée. L'air était lourd, orageux, comme en harmonie avec mes émotions. J'avais à peine avancé que je vis Ryder lever la tête vers les étoiles commençant à apparaitre.
- Lolita, l'entendis-je sourire. J'ai failli attendre.
- Ryder. Je suis là. Juste pour toi, c'est ce que tu voulais non ?
Je levais l'arme vers lui et enlevais le cran d'arrêt. Le déclic résonna dans l'air. Ryder se retourna vers moi, un sourire amusé sur les lèvres. Il leva les mains en l'air et se mit à rire.
- Vraiment, Lolita ? Tu te crois capable de me tuer ?
- Oh que oui.
Il sourit puis me fit signe d'approcher d'un mouvement de tête, avant de se retourner à nouveau vers le vide. Méfiante, j'approchais lentement de lui, luttant contre le malaise qui s'emparait de moi. Je détestais le vide. Mais je détestais encore plus Ryder. Je finis de parcourir la distance nous séparant et posai le canon de mon arme contre sa nuque.
- Pourquoi es-tu là ? questionna-t-il de l'air de celui qui savait déjà la réponse. Tu as le vertige.
- Pour toi, je suis prête à affronter ma peur une bonne fois pour toute.
- Tu vas me tuer ? Pour te venger c'est ça ?
Je souris doucement en méditant à la question. Si j'allais le tuer ? Il en doutait encore ? Mais je compris ce qui m'animait vraiment. Pourquoi j'étais là, présentement, une arme pointée sur son crâne.
- Oui, je vais te tuer. Mais je ne fais pas ça pour mon plaisir personnel. Je fais ça pour toutes tes victimes. Pour tous ceux et celles à qui tu as ruiné la vie. Pour toutes ces filles qui, dans le futur, auraient pu tomber sous ton charme. Je ne tue pas un homme, mais un monstre. Je sauve des gens. Des femmes. Des enfants. Je libère le monde d'une de ses ordures.
Je fis une légère pause. Je me demandais s'il allait me laisser l'abattre, ou s'il se défendrais. S'il voulait me tuer. Me jeter par-dessus le vide. Me faire m'écraser au sol. Après une seconde, je rajoutais.
- Bon j'avoue, c'est aussi pour mon plaisir personnel.
Je l'entendis rire. D'un rire sincère. Le genre de rire qui me faisait craquer, au début de notre relation. Ce rire légèrement rauque, qui me faisais me sentir importante. Aujourd'hui, il me dégoutait. Je n'étais pas sa prétendue décontraction. Je savais qu'il allait me jouer un mauvais tour. On parlait de Ryder après tout. Il se retourna subitement vers moi, et j'ajustais mon arme sur son front.
- Ce soir, l'un de nous deux ne sera plus là. Voire les deux. Alors autant jouer franc jeu.
- Tu sais faire ça ? raillais-je.
- Je t'aime Morgane, asséna Ryder sans me quitter des yeux. Tu veux me punir. Depuis quand condamne-t-on quelqu'un car il aime trop ? Tout ce que j'ai fait, je l'ai fait pas amour. Tu m'en veux de t'aimer. Peux-tu simplement imaginer ce que je ressens ?
Je fronçai les sourcils en sondant ses yeux. Il disait la vérité, je le sentais. Mais l'amour ne pardonnait rien. L'amour était un sentiment pur, et non dévastateur. Je m'étais promis, en montant, de ne pas me laisser affaiblir par les belles paroles de Ryder. Même si elles étaient vraies. Je secouai la tête, esquissant un sourire sans joie.
- Personne ne te regrettera, Ryder. Même pas moi. Je n'ose même pas penser à ce que tu ressens. La haine et la colère prennent trop de place pour quoi que ce soit d'autre.
- Laisse-moi être sincère jusqu'au bout, reprit-il en posant sa main sur mon épaule. Je t'aime. J'ai fait tout ce que j'ai fait, pour toi. Ce que je vais faire maintenant aussi. Je ne laisserais personne nous séparer pour de bon. Aussi, j'espère que tu comprendras. Je voulais juste...t'aimer.
- Qu'est-ce que... ?
Je n'eus pas le temps de réagir que Ryder glissa une main sous sa veste, et la ressortis aussitôt. À la lueur du soleil couchant, je vis seulement un éclat argenté briller, avant que Ryder n'enfonce son couteau dans mon ventre.
Un long silence plana, presque surnaturel.
Le temps sembla s'être arrêté. Stupéfaite, je finis par baisser les yeux sur le manche dépassant de mon ventre, et le sang formant une auréole rouge sur mon tee-shirt.
La douleur ne vint pas. Pas tout de suite. J'eus le temps de relever un regard embué vers Ryder. Des larmes perlaient de ses yeux, et il me prit doucement dans ses bras en me chuchotant des morts doux.
Entre le choc, la douleur et l'horreur, mon doigt glissa sur la gâchette.
Si quelqu'un avait pu observer la scène de loin, il aurait déjà entendu le coup de feu qui résonna dans l'air lourd de la soirée. Il aurait ensuite vu une partie du crâne de l'homme voler en morceau. Puis il aurait pu observer la chute du premier corps en arrière, tenant par la main le deuxième. Et enfin, comme au ralentis, il aurait pu les observer tomber du haut de l'immeuble, sans un bruit, sans un cri.
On aurait pu nous comparer à deux comètes. Deux comètes entrées en collision, qui auraient explosées. L'une ne pouvait échapper à l'autre, échapper à l'explosion. Tel était le cycle du destin. Le cycle de la vie. Quand elle commence, et quand elle prend fin. Aujourd'hui avait pris fin la souffrance. Une relation malsaine. Un être malsain. Ne laissant plus que le vide.
Fin.
...
Non c'est pas vrai je plaisante haha 😂😂C'est pas encore tout-à fait finis, il me reste quelques chapitres😅😘
Alors, vos avis sur ce dénouement ?😏
L'arrivée de John et James ? Certains s'y attendaient ? Quelqu'un à une idée sur comment John a atterris là ?
Vous étiez plusieurs à avoir deviné que les "amis" de Tyron viendraient le sauver. Vous avez un peu influencé mon choix ✊Et pour James aussi, bravo. 😝😏
Sinon, vous pensez que Tyron va s'en sortir ?🤔
Et cette fin de chapitre, vos avis ? Vos hypothèses ?
N'hésitez pas à me dire ce que vous pensez qu'il adviendras dans les derniers chapitres 😊😋
Voilà alors je vous souhaites bonne nuit, bonne journée ou bonne soirée en fonction de quand vous lirez ce chapitre. 🤩😘
Biz, je vous aimes. 😍😘
PS : ne me remerciez pas pour le chapitre de 3000 mots 😘😉