Cette fois-ci, j'y vais !
Chapitre 21
Je regardais fixement la lettre ouverte entre mes mains. J'étais à présent assise sur mon fidèle canapé, calée entre deux coussins qui me faisaient rester assise droite, et non avachie comme je le serais actuellement.
J'étais allé récupérer cette lettre sans savoir aucunement de qui cela pouvait bien être,mais je me rendais compte à présent que jamais je n'aurais pu deviner l'identité de l'expéditeur.
Je relisais pour ce qui me semblait être la centième fois les quelques mots imprimés sur cette fine liasse de papier, d'un air morne et vide à la fois, ne sachant pas quels sentiments m'emplissaient l'âme :
"Affaire :Guillaume & Caroline Grandbois / Succession SARL Librairie Grandbois
Mademoiselle Norah Eléanor Granbois,
C'est en ma qualité d'avocat chargée des intérêts de Monsieur Guillaume et Madame Caroline Grandbois, décédés le 26 août 2018, que je suis contraint de m'adresser à vous, au sujet de la succession de la SARL Librairie Grandbois..."
Ceux que la justice appelait "mes parents" sont...morts. Il y a moins d'une semaine.
Dans le courriel, l'avocat, un ami de mes parents, me fait part de leur volonté de me léguer leur si précieuse entreprise -uniquement parce qu'ils n'avaient pas d'autres proches héritiers possible-, et de mon devoir d'assister aux obsèques prévues dans quelques jours,pour donner une belle image aux journalistes.
Une dizaine de minutes plus tard, ou peut-être bien une heure, j'étais toujours sur mon canapé, à fixer cette foutue lettre, sans savoir quelles émotions je ressentais. Tristesse ? Non, pas vraiment.Guillaume et Caroline n'étaient pas très loin d'être des étrangers pour moi. De la colère ? Peut-être un peu, créée par tous les changements que cela allait sûrement opérer dans ma vie.Qu'allais-je faire de leur librairie ? La renommée de leur entreprise était telle qu'elle était connue au travers de toutes la France, y compris les pays limitrophes. C'étaient grâce à eux que j'étais amoureuse des livres – il fallait bien la génétique soit un minimum présente -, mais là où ils aspiraient à la gloire, la reconnaissance, et la richesse, je désirais uniquement ma petite boutique, cachée dans une ruelle, connue seulement des clients, dans laquelle je pourrais m'épanouir chaque jours de ma vie, à l'écart du monde des costards-cravates, et paparazzis.
J'avais besoin d'aller marcher, me vider la tête et mettre tous ces problèmes de côté pour le moment.
Je me levais enfin, pris mon téléphone portable, partis chercher mon fidèle K-way jaune – j'avoue que j'étais tombée amoureuse de celui de Bella Swan dans le film Twilight, et je m'étais donc offerte sa réplique -, et mis mes baskets. Une fois préparée, je glissais mes clés dans la serrure pour fermer la porte, et marchais en direction d'un des très nombreux jardins londonien. Le vents'était levée et la pluie tombait frénétiquement, pour s'écraser au sol, formant de grosses flaques que je tentais d'éviter.Habituellement, mon esprit enfantin adorait y sauter à pieds joints,mais le tissus de mes tennis était loin d'être imperméable, et je ne voulais pas prendre le risque de me congeler les pieds.
Les gens fonçaient tête baissée pour se protéger de la pluie, tantôt à l'aide d'un parapluie, tantôt avec le col de leur veste sur lequel il tirait, me laissant pareille à une anguille remontant à contre courant un banc de poisson. L'air ambiant portait l'odeur de l'orage, et j'inspirais plusieurs fois profondément, et offrit mon visage au ciel, la pluie s'écrasant sur mes joues, mes paupières,mon nez. Je souris face à ce pouvoir étrange et apaisant qu'exerçait sur moi la nature, c'était tellement agréable... Les mains dans les poches pour les garder au chaud, je sentis mon téléphone vibrer dans celle de droite, et décrocha sans prêter attention à mon correspondant, pour ne pas laisser mon téléphone sous la pluie. Aussi, je répondis :
- Allô ?
- Norah ?
La voix, douce mais appartenant à un homme, ne m'était pas inconnue, mais je ne parvenais tout de même pas à savoir à qui elle appartenait.L'esprit toujours quelque peu déconnecté, je ne compris pas de suite que mon interlocuteur était tout ce qu'il y avait de français.L'anglais et le français était en moi, et ne faisait qu'un, je ne faisais donc pas particulièrement la différence, aussi bête que cela puisse être.
- Oui ?
- Tu vas bien ?, me demanda l'inconnu.
- Oui, mais qui êtes-vous, s'il vous plaît ?
Je venais d'apprendre le décès de mes parents, et voilà que quelqu'un de mon pays natal me contactait ? Traitez moi de parano, mais je ne pensais pas à une vulgaire coïncidence.
- Oh, tu ne m'as pas reconnu ? C'est Dimitri.
- Ah., fut la seule réponse que je puis lui donner.
Dimitri était mon ex-relation, et une des raisons pour lesquelles j'avais quitté la France. Il incarnait à lui seul le cliché masculin qui faisait figure principale dans les romans que je lisait : beau, riche, amoureux des femmes, et usait sans gêne de sa "belle gueule" pour parvenir à ses fins, et se contrefoutait de réduire votre cœur et confiance en lambeaux. En somme, parfaitement exécrable.
Je n'avais pas fais attention, mais je m'étais subitement arrêtée en plein milieu de la rue, et un londonien pressé et visiblement de mauvaise humeur, me rentra dedans, dans le dos.
- Mais poussez-vous, bon sang !
- Oh, excusez-moi !, tentais-je de bredouiller rapidement, mais l'homme était déjà à plusieurs mètres de moi.
Décidément,foncer dans les gens devient une habitude...
- Je te dérange ?, me demanda Dimitri, alias Apaté* masculin, toujours au téléphone.
- Toujours, lui répondis-je en reprenant ma route, pour éviter de rentrer en collision avec quelqu'un d'autre. Raphaël me suffisait amplement...
Dimitri émit un rire doux au téléphone, tentant d'utiliser son charme qui me laissait à présent totalement de marbre, avant de poser la fameuse question:
- Comment tu vas ?
Lassée cependant de cette conversation qui n'avait débuté qu'il y a à peine cinq minute, je décidais de ne pas répondre à sa foutue question, et lui demandais à la place la raison de son appel. Ila peut être perdue son jouet siliconé..., me susurra cette douce voix dans ma tête. La douleur de la trahison et le feu de la colère prirent naissance dans mon ventre, et je ne désirais que couper cette conversation au plus vite. Mais mes instincts me poussaient à lui tirer les vers du nez : si je devais partir en France dans quelques jours pour l'enterrement, il était hors de question que me retrouve face à lui et sa poupée Barbie. Concentrée sur ma fureur, et admirant l'orage qui commençait à propager ses éclairs dans le ciel, reflétant parfaitement mon humeur actuelle,je ne pris pas tout de suite conscience que Belzébuth me répondait:
- ...me manques. Et j'ai appris pour tes parents, alors je me suis dit que cela me ferait une excuse pour te parler.
Me fichant du fait que je pouvais passer pour une folle aux yeux des passants -nous étions à Londres, et comme toute grande villes, il y avait le lot de fous à chaque coins, j'en ferais donc partie- je fus prise d'un grand fou rire lorsque j'entendis ce qu'il me dis.
- Tu plaisantes là, hein ? Je te "manque" ? Dois-je te rappeler que tout ce qui nous unissait, c'était la fortune de nos parents respectifs ? Et je te "manquais" aussi lorsque tu as baisé avec ta catin dans MON putain de lit ?
- Bien qu'ayant un foutu caractère, je me mettais rarement dans une colère noire, mais lui, LUI, qui se foutait allègrement de ma gueule, me faisait oublié la timide que je suis ! Je demanderais peut-être sa pelle à Tara, pour mon déplacement. Ça pourrait m'être utile. Quoique... Dans un cimetière, il y a forcément des pelles à dispositions, non ?
- Je suis désolé à propos de ça, Norah, tu peux me croire ! J'avais bu et...
- Oui, et bien, repars boire un coup et ne me retéléphone jamais. Pigé ?
Je raccrochais mon téléphone au nez de mon pourri d'interlocuteur, et me remis furieusement en marche. L'eau qui s'écrasait en "plocploc" frénétique sur mon crâne devait s'évaporer en belles volutes de fumée, à cause du contraste de sa froideur et de mon crâne bouillonnant de colère. Bordel, cette après-midi était vraiment pourrie. Ne voulant pas passer ma soirée à m'apitoyer sur mon sort, j'envoyais un texto à Tara : "Pleins de merde à te raconter. Mojito ce soir ?" La réponse approbatrice de mon amie ne se fit pas attendre, et je fis donc demi-tour en direction de mon appartement pour aller me changer. Déverser ma haine avec Tara qui partageait mon sentiment de haine envers ce type, m'aiderait grandement. Du moins, ça me soulagera !
* Apaté : déesse grecque de la trahison, malhonnêteté, perfidie, duperie...
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Voilà le chapitre 21!
Ah Dimitri... L'ex par excellence qui ne vous lâche pas la grappe !
Qu'en pensez-vous ? ;)
Emy