Samedi 8 Octobre
On reste ainsi figé sur le palier de mon étage, une fraction de seconde, puis je romps le silence.
- Bonjour Rowan.
- Bonjour Jérémy.
- Oh excuse-moi, je suis un peu perturbé, entre, ne reste pas sur le pas de la porte.
Je pousse la porte que je n'avais pas fermé à clé, et l'invite à entrer en premier. Je le suis et cette fois-ci referme correctement la porte derrière moi. Rowan planté dans l'entrée me semble étonnement intimidé, comme s'il n'osait ni parler, ni bouger. Enfin plutôt comme une personne qui arrive chez quelqu'un pour la première fois.
- Tu m'as l'air fatigué, le voyage je suppose, tu veux que je te fasse un café?
- Je dis pas non, merci.
- Suis-moi, allons à la cuisine.
Il me suit et après quelques pas, nous arrivons à la pièce en question. Je brûle d'envie de lui demander ce qu'il fait ici, en espérant qu'il me réponde qu'il voulait me voir mais je m'abstiens. Je préfère qu'il entame la discussion. Dos à lui, j'attrape une tasse dans mon placard, et la remplie, après m'être saisi de ma cafetière. Le liquide s'écoule, brisant le silence pesant, et finalement sa voix s'élève.
- Je suis désolé Jérémy. Désolé de pas avoir répondu à ta lettre. Elle m'a touchée, m'a bouleversé même...mais je ne savais pas quoi te répondre.
Sa tasse maintenant au micro-onde, je me retourne vers lui et découvre ses yeux humides.
- J'attendais une réponse, même si elle était négative. - Je t'en veux pas. Ça m'a juste rendu triste et perdu...
- Si j'ai pas répondu, c'est pas parce que j'étais lâche et que je n'osais pas apporter une réponse négative. C'est parce qu'après ta lettre, j'étais paumé, je ne savais que prendre comme décision. Tout ce temps j'essayais d'y voir clair, de réfléchir à tête reposée, et si je suis là c'est pour t'expliquer pourquoi te donner une réponse était aussi compliqué. J'espère que tu me comprendra, j'ai pas voulu te faire de mal, j'avais juste peur...c'est grâce à toi et à Colin que je l'ai maitrisé. Il a su pour nous. Il sait quand je vais pas bien, et je lui ait parlé de notre histoire. Il m'a secoué et me voilà.
- Il sait que tu es là? Hier j'ai appelé l'hôtel pour essayer de te parler, justement pour cette lettre resté sans réponse et il m'a dit que tu étais parti en Écosse pour te changer les idées.
- Pour pas gâché la surprise de mon arrivée je suppose.
- Je crois qu'il a essayé de me dire quelque chose, mais j'ai pas relevé sur le coup. J'ai demandé à ce que tu me rappelle et il m'a dit qu'il fallait que je sois patient, il a sous-entendu que j'aurais des nouvelles quand tu irais mieux...et maintenant je me dis que s'il était au courant pour nous, il savait que t'allais débarquer et qu'en faisant preuve de patience, tu te manifesterais.
- Oui, c'est ce qu'il a voulu dire sans aucun doute.
Je lui donne sa tasse de café chaude, et il la porte à ses lèvres, avant d'en boire une lichette. Il reporte juste après son attention sur moi.
- Tu peux pas savoir comme ta lettre m'a fait plaisir, j'étais très étonné des choses que tu m'as dites. Cette envie d'une vraie histoire alors que tu ne l'avais jamais envisager dans ta vie, je m'y attendais vraiment pas. Je m'étais fais à l'idée que ça ne durerait pas.
- Et voilà que je bouleverse tout...c'est vrai que je me suis lâché dans cette lettre...j'ai pas voulu que ça t'effraie, je pensais qu'il était possible qu'on ressente la même chose.
- C'est la lettre la plus touchante que j'ai jamais reçu, je l'ai lu des dizaines et des dizaines de fois. D'ailleurs, elle est dans ma poche. Jamais un homme ne s'est déclaré à moi d'une si belle façon, avec de si joli mots. J'ai pas été effrayé par ce que tu m'as écrit et je suis amoureux moi aussi, Jérémy.
- Vraiment ?
- Oui vraiment, j'étais d'accord pour quelque chose d'éphémère mais ce que je ressens va bien au-delà et j'ai très envie que nous deux, ça prenne vie. J'osais même pas l'espérer avant de te lire.
- Alors pourquoi tu as attendu si longtemps ?
- Parce-que j'ai peur de me tromper encore, de souffrir. Par le passé, j'ai vécu une histoire qui m'a brisée, une histoire à distance, et me lancer avec toi c'était prendre le risque que ça recommence.
Je prends sa tasse de café vide qui maintenant lui encombre les mains et la pose dans l'évier derrière moi. Sans mots, juste avec des gestes, je l'invite à s'assoir autour de la table. Il s'exécute et je m'installe à sa gauche. Mes doigts viennent effleurer le dos de sa main, le caressant et je lui demande:
- Tu me raconte?
- J'étais encore jeune, un peu plus de la vingtaine quand j'ai eu ma plus importante histoire d'amour. On s'est rencontré quand j'étais encore pêcheur. On était très amoureux, puis mon copain à eu envie d'aller tenter sa vie aux États-Unis. Il est parti. On se voyait aussi régulièrement que possible, il venait ou j'y allais. On avait trouvé notre équilibre. Puis un jour, il m'a appelé pour me dire que c'était pas la peine que je me déplace parce qu'il avait oublier mais il s'était trompé dans les dates il avait prévu de faire la fête avec ses potes de New-York. Sachant qu'on se voyait pas souvent, déjà il préférait me planter moi, plutôt que ses amis....
-Je vois, vraiment pas classe...
- Je lui ai alors dit, c'est pas grave, je peux venir quand même, même si on à pas trop de moment à deux, on sera ensemble c'est ce qui compte. Il m'a dit non, que ça se faisait à son appart, et que ses amis restait dormir chez lui du coup il y avait plus de place. Pour finir, j'ai proposé de venir quelques jours plus tard...
- Il t'as encore dit non?
- Plus ou moins, il m'a avoué qu'il était désolé mais que la distance entre nous avait eu raison de ses sentiments, et que ça faisait quelque temps qu'il voulait qu'on se sépare. Il m'a balancé qu'il avait sa vie aux states, ses potes qu'il avait changé et que désormais, je ne lui correspondait plus. De mon côté, la distance n'avait eu raison de rien alors ce fut terrible pour moi. Ça faisait quatre ans d'amour détruit en un coup de fil. J'ai mis du temps à m'en remettre, j'ai versé beaucoup de larmes. Alors tu comprends les histoires à distance, ce fut une mauvaise expérience pour moi.
- Évidemment que je comprends.
- Mais voilà, tu me manquais, je pensais tout le temps à toi, puis y'a eu ta déclaration qui m'a rendu heureux puis qui m'a tourmenté. Colin à cherché à savoir ce qu'il se passait parce que j'étais l'ombre de moi-même et je lui ai tout dit. Nous, ta lettre, mes peurs. Il a eu les mots pour me faire réagir, et après cette discussion, j'ai réservé un vol.
- Tu n'as plus peur ?
- Si mais ce n'est pas parce qu'un connard m'a brisé que je vais m'empêcher d'être heureux avec toi. C'est ce que mon frère m'a dit, et il a raison. Renoncer à toi, c'est laisser cette histoire avec lui, guider ma vie et il en est hors de question. J'ai peur de souffrir mais je t'aime alors je suis là. Puis je sais que ton courrier c'est un très grand pas pour toi. Tu mets toutes tes peurs de côté pour nous laissé une chance et je suis flatté d'être le premier à qui tu l'offre. Rien que pour ça, je ne peux pas me laisser bloquer par mes craintes. Tu peux être fier de toi, c'est un grand pas que tu as fait.
- Notre rencontre à changé ma vie. Si je me suis lancé c'est parce que je me sens prêt à tout affronter pour être avec toi.Je suis prêt à te faire une place dans ma vie, à parler à mes enfants et à tout faire pour que ça marche entre nous. C'est pas un coup de folie, je t'aime sincèrement Rowan et je souhaite de tout mon coeur que tu acceptes de te lancer avec moi.
- Bien lançons-nous.
- Tu veux?
- Je serais pas là si j'en avais pas envie.
Je lui souris prenant sa main dans la mienne et il me demande:
- Je peux t'embrasser où quelqu'un risque de débarquer?
- Aucun risque, je suis seul jusque Vendredi.
- Plus maintenant, dit-il se penchant vers moi.
Ma main libre glisse contre sa joue, et bientôt ses lèvres s'unissent aux miennes. Je me lève de ma chaise pour me rapprocher encore plus et Rowan suit le mouvement se levant aussi. Maintenant debout, je sens ses bras s'enrouler autour de ma taille. J'entoure les miens autour de son cou, tout heureux de pouvoir le tenir tout contre moi. Je crois que je réalise pas encore qu'il est là, mais une chose est sûre, je suis pas prêt de le lâcher.