-Mam'zelle, debout! m'appela une voix
Je me lève d'un bon du lit confortable, à peine fatiguée, mais empêtrée dans mes nombreux draps et couvertures. Je regarde le réveil, posé sur ma table de chevet d'ébène verni. Il indique 5 heures 45. J'effectue un sourire satisfait. Enfin, je me réveille à une heure normale. J'observe trois visages floues penchés au dessus de moi. Étrange. Je me lève d'un bon, accueillie par un concert de gloussements.
Je suis entourées de trois filles. Mes femmes de chambres. J'ai trois femmes de chambres. Redisons le une nouvelle fois pour le plaisir: j'ai vraiment des femmes de chambres; trois sœurs qui se ressemblent. Leur rôle est de m'aider, à m'habiller, à me coiffer ou à d'autres choses encore. Elles dorment dans trois lits côte-à-côte, dans la chambre que l'on m'a assigné (premier étage, aile Nord, chambre 13, au milieu du couloir 2).
Elles s'appellent Beatrix, Anadil et Ashilder. Elles ont la même peau charbon, le même visage d'ange, les même cheveux de jais. Beatrix a mon âge: elle possède de beaux yeux gris-bleus, et des cheveux coupés en carré plongeant. Anadil a 19 ans. Ses longs cheveux lui tombent en cascade jusqu'aux hanches, et ses yeux noisettes me regardent d'un air rieur. Enfin, Ashilder a 23 ans. Ses cheveux sont coupés très courts, et ses yeux sont pâles. Très pâles. Blancs comme la neige.
Ashilder est aveugle. Mais elle connaît la place de tous les vêtements, de toutes les crèmes, de toutes les salles. Son infirmité ne lui pose aucun problème.
Mes suivantes ont à peu près le même caractère: elles sont assez excitées, jouent leur rôle à merveille, me posent des questions, n'osent pas m'appeler par mon prénom. Elles sont autoritaires mais ne sont jamais d'accord. Un jour sur trois, une commande et les autres obéissent, bien qu'elles soient plus grandes ou meilleures chefs.
- A la salle de bain! ordonna-Anadil. C'était elle qui avait l'ascendant aujourd'hui.
Je suis amenée de force jusqu'à l'immense salle de bain de marbre, ornée de miroirs dans des cadres d'or. Une baignoire imposante se tient devant moi, et hop, en moins d'une seconde, je suis déjà déshabillée, plongée dans une eau glacée et moussante. Une autre seconde passe, et je suis aspergée d'une eau encore plus froide, lavée et shampouinée. Je sors de l'eau, et je suis accueillie par une serviette chaude.
- Est-ce que la prochaine fois, je pourrai avoir la version chauffée? demandais-je ironiquement, connaissant la réponse.
Je laisse tomber des gouttes d'eau sur le tapis. Dans un sourire machiavélique, c'est Beatrix qui me réponds:
- Non!
Et elle se jette sur mes cheveux trempés, suivie directement par ses deux sœurs, sans me laisser le temps de crier.
- A l'attaque!
Ashilder me sèche les cheveux, Beatrix me brosse, Anadil me les tresse. Je suis assaillie de toute part. Je n'ai pas une seconde de répit. Ma chevelure est tirée, badigeonnée d'après-shampoing, lancée dans tous les sens et démêlée.
Au final, j'apparais dans l'une des glaces coiffée avec deux énormes tresses qui avantagent mon dégradé châtain, plaquées sur mon visage. Mais pas le temps de souffler, l'infâme trio se jette une nouvelle fois sur moi, armé de crèmes pour le corps et le visage. La plus jeune me retire mon peignoir pour me badigeonner de produits aux senteurs enivrantes de fleurs qui se mélangent parfaitement: vanille, orchidée, verveine, menthe, tamaris...
Ses deux sœurs s'occupent de gommer les imperfections de mon visage à l'aide de leurs crèmes de beautés au citron et à l'amande. J'ai l'arôme d'un jardin au printemps. Elles contemplent le résultat, puis s'acharnent de nouveaux sur moi, tels des oiseaux de proie.
Elles m'attaquent cette fois à coup de rouge à lèvres, de crayon ou de mascara. J'ai le temps de brailler:
-Au sec...
Mais trop tard. Maintenant, j'ai les lèvres vermillon, les cils recouverts d'une incroyable couche de mascara, les paupières recouvertes de bleu outremer et les joues à peine rosées.
Avec un sourire, Anadil s'apprête à donner le coup final. Elle se positionne près de l'armoire aux robes, puis fait un signe à ses deux sœurs. Beatrix se dirige près de ma boite à bijoux et à accessoires, Ashilder est prête à ouvrir la commode à chaussures...
-Stop! criai-je. Ça, je peut le faire moi même.
Les trois filles me regardent, interloquées, puis se regardent.
- Allez-y, me dit-Anadil avec une courbette.
Je me dirige vers elle lorsqu'elle m'ouvre le magnifique meuble verni. J'ai le souffle coupé: accrochés à des cintres, de magnifiques habits se tiennent bien droits, espérant être utilisés.
- Tout est fait de notre main, m'ajoute Beatrix, assez fière.
Je ne réponds pas devant la beautés des vêtements. Il y a une longue toge grise et blanche, ornée de fausses roses et vanilles. Une courte tunique aux reflets mauves. Une belle robe de bal bleu turquoise. Une robe fourreau écarlate. Une robe bustier jaune canari. Tout un éventail de couleurs s'offre à moi.
J'opte pour une robe bouffante bleu roi, en bustier, ornée de dorures représentant des animaux mythologiques. La jupe est couverte de deux voiles transparents, chacun d'un côté. Au niveau des hanches, apparaît une ceinture dorée. Ashilder et Beatrix m'aide à l'enfiler, en douceur cette fois.
Je m'approche ensuite des chaussures. Là-aussi, je suis époustouflée: mules de satin, pantoufles de vers de cendrillon, bottines en cuir, souliers de velours, ballerines de toile, chaussons gris et autres chausses m'attendent, alignées. Cette fois, je choisis des escarpins de vers étincelantes.
Enfin, je me dirige du côté des accessoires. Sur mon cou, je laisse se pendre un pendentif retenant un rubis. Beatrix hoche la tête, ravie.
- Une goutte de sang sur de la porcelaine. C'est joli.
Je pose délicatement sur mes cheveux un diadème de feuilles d'or, sur lequel je noue plusieurs violettes que je demande à Anadil d'aller me chercher. Je revêt de longs gants à résille, soutenus par des nœuds dorés et décoré par des cœurs brodés.
- Parfait. dit Anadil, une moue approbatrice aux lèvres.
- Il va tomber sous le charme, m'assure l'aînée.
- Vous croyez? demandais-je, assez anxieuse.
- C'est certain. répondit-la cadette.
- Soyez seulement vous même, et il tombera à genoux. Vous êtes très jolie comme ça. affirme Ashilder.
Je rougis:
- Qu'il tombe à genoux n'est pas vraiment mon but.
- En attendant, ce n'est pas une raison pour rater votre rendez-vous ou d'arriver en retard. Allez!
Je suis poussée dans le couloir du première étage, aile Ouest. Déjà, certaines des sélectionnées attendent sur la moquette pourpre, synonyme de noblesse. Les murs, parfois troués par des portes gravées d'un numéro, sont tapissés de tentures. Les autres aspirantes au titre de princesses prennent bien soin de regarder partout sauf entre elles. Je fais de même, trop gênée pour tenter de faire la conversation. Comme elles, je prends également un air supérieur pour ne pas me faire repérer en tant que mouton noir.
Enfin, nous descendons vers la salle d'Apparat. Elle est spacieuse. Au milieu, se tient une grande table qui prends les trois quarts de la place. Dans un coin, j'aperçois un canapé de satin violet, confortable, très cher... Et quelqu'un assis dessus. Des yeux bleus clairs allucinants, un teint hâlé, une allure noble...
Le prince. Dans la même pièce que moi.J'hallucine. Je suis ramenée à la réalité, vers la table. Je suis assise pas très loin de l'homme de mes rêves. Il semble tranquille et calme.
Et puis je me rends compte d'un détail important. Il n'y a pas de nourriture sur cette table. Elle est complètement vide: pas d'assiette, de couverts, de plats. Autour de nous, gravitent plusieurs journalistes, désormais lance eux aussi dans une compétition sans merci pour gagner le plus d'informations possibles.
La gouvernante, Lemi Sha, que l'on avait rencontré hier, entre à son tour par les portes battantes. Le silence se fait dans la salle.
- Bien le bonjours, entame-t'elle. Aujourd'hui, vous allez rencontrer le prince.
Un brouhaha commence après cette annonce directe.
- Chacune à votre tour, continua la jeune gouvernante, dans l'ordre ou vous vous êtes assise, vous allez avoir un tête-à-tête avec notre bien aimé Carter Shreave.
Est-ce un effet de mes yeux, ou je viens bien de voir le prince sourire? Mais il est vraiment beau lorsqu'il sourit.
La première de la table se lève. Je vois le prince s'élever à son tour, et, dans un sourire craquant, lui proposer sa place. Une pointe de jalousie me transperce. Ils commencent à discuter. Le prince lâche un petit rire. Puis, la jolie fille se rassoit, le sourire aux lèvres, et chuchote un mot à sa voisine. La deuxième princesse se met debout et rejoint le prince, et le même scénario recommence trois fois. Jusqu'à ce qu'une belle jeune femme, aux boucles d'oreilles, au teint de porcelaine et aux fines hanches mises en valeur dans une robe bustier écarlate me chuchote d'un ton méprisant:
- A toi.
Je me lève, d'une démarche d'automate. Je m'approche du canapé ou se tient le prince, dans son costume bleu roi orné d'or. Comme ma robe. Je tente un sourire timide. Et il me regarde.
Il se leva et s'inclina, puis me fit un baise main. Je rougis jusqu, aux oreilles.
- Mademoiselle Jeena Osvald, c'est ça? Ravie de vous rencontrer.
Mais connaissait-il donc tous les prénoms et noms de familles des sélectionnés?
- Oui, c'est ça. Ravie également de vous rencontrer.
- Je vous en prie, prenez place, dit-il avec un geste en direction du canapé.
Je rougis encore plus. Il y a quelques jours à peine, j'étais une quatre inconnue de tous, et aujourd'hui... j'ai l'impression qu'on me témoigne beaucoup plus d'attention que je le mérite.
- Merci, répondis-je simplement.
- Alors...avez vous fait bon voyage? demanda-t-il en s'asseyant à son tour.
- Oui, assez bien.
Le bel homme se passa la main dans les cheveux et eu un petit rire gêné.
- Je crois que nous sommes aussi nerveux l'un que l'autre.
J'ouvris de grands yeux de chouettes.
- Pourquoi êtes vous nerveux? demandais-je.
- Oh, vous savez... Je dois trouver ma future femme permis vingt-cinq jeunes filles que je ne connais pas, et aujourd'hui je dois faire vingt-cinq bonnes premières impressions. Je l'avoue, cela me rends un peu nerveux, répondit-il avec une pointe d'ironie dans la voix. Et vous?
Je dis sur le même ton:
- Oh, moi, c'est rien... Je dois juste me démarquer de vingt-quatre candidates prêtes à s'entretient pour vous, je dois également faire bonne impression devant les médias et le reste d'Illea, et enfin, je dois séduire l'homme le plus prisé de tout le royaume. Mais je ne savais pas que les princes pouvaient être inquiets.
- Je reste humain malgré ma couronne. Il semblerait que nous soyons nerveux tous les deux. Essayons donc de nous détendre. Pourquoi ne pas parler de votre famille par exemple.
- J'ai une famille des plus normales: un père et une mère, fille unique.
- Aucun frère et sœur donc? Vous risquez d'être fort dépaysée avec Mary et Matthew...
- Mais j'aurais aimé en avoir: ils sont si mignons!
- Oui c'est vrai. Mais ce n'est que la jolie façade. Ce sont de petits monstres.
J'éclate de rire, suivie tout de suite d'un silence qui me parut durer une éternité. Le prince fait un sourire craquant, qui se fane à peine lorsqu'il regarde l'horloge massive au mur. Il s'exclame:
- Je crains de n'avoir à écourter notre discussion, j'en suis désolé. J'ai beaucoup apprécié discuter avec vous.
Il se lève et s'incline.
- Merci. dis-je en me levant à mon tour, puis en me dirigeant vers la table. Je m'assois.
Je chochotte à l'oreille de ma voisine, le sourire aux lèvres:
-C'est à ton tour.
Elles'approche du prince et commence à lui parler. En attendant, de l'autre côté de la chaise vide, une fille me regarde.
Elle possède de longs cheveux bruns ondulés et broussailleux, une peau mâte et des yeux noisettes. Elle paraît à peine plus âgée que moi.
- Salut, je m'appelle Autumn. On ne s'est pas encore parlé. Je t'ai vu de loin. Tu as déjà parlé au prince ou pas encore?
- Oui, je lui ai déjà parlé. Ravie de te rencontrer. Je m'appelle Jeena Osvald.
- Ravie de te rencontrer! Tu t'es bien habituée à la nouvelle vie au château? C'est trop bizarre!
Je souris.
- Oui, des femmes de chambres, des appartements si grands, une salle de bain pour moi toute seule! Tu étais qu'elle caste avant? demandais-je, emplie de curiosité.
-J'étais et j'aurais toujours l'impression d'être une Cinq. Je n'ose pas imaginer quel métier je ferais par la suite...
- Moi non plus, avouais-je, je n'ai aucune idée.
Notre discussion est soudainement interrompue par ma voisine qui revient et chuchote à la brune son tour. Autumn se leve et part rejoindre le prince, tranquille sur son canapé.
C'est à ce moment là que je suis accostée par un groupe de journalistes en costard.
- Mlle. Osvald, m'adresse le plus jeune d'entre eux. Je suis Jean-Yves et je représente le magazine 'Le Top d'Illea', ce serait pour vous posez une ou deux questions.
Je hoche la tête en signe de compréhension.
- Bien. Comment avez vous trouvez le prince?
Je rougis. Le jeune homme se délecte des détails qui apparaissent sur mon visage.
- Oh heu... C'est un homme charmant, gentil et attentionné. Il n'a pas peur de cacher ses émotions et est franc avec les sélectionnés. Il pose des questions, est assez drôle et vous parle d'égal à égal.
-Intéressant. dit Jean-Yves, qui n'a pas l'air du tout de trouver ça intéressant. Comment comptez vous le séduire? demande-t-il alors.
Mes yeux lancent des éclairs lorsque je lui réponds:
- Jen'ai pas de stratégie particulière pour séduire quelqu'un. Je trouve complètement stupide les filles qui ne le veulent que pour sa courronne ou son physique et qui prévoient des stratagèmes pour gagner au détriment des autres.